Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 2 mars 2015, 13BX02138, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 6e ch. (formation à 3), 2 mars 2015, n° 13BX02138
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 13BX02138
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Limoges, 12 juin 2013, N° 1201635
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030317993

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête enregistrée le 29 juillet 2013, présentée pour Mme A… C… demeurant … par Me B…;

Mme C… demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1201635 du 13 juin 2013 du tribunal administratif de Limoges en tant que par l’article 4 de ce jugement il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à lui verser une indemnité de 15 800 euros en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’illégalité de décisions du président du conseil général des 3 et 11 janvier 2011, ainsi que de son arrêté du 25 juin 2012 restreignant la portée de son agrément en qualité d’assistante maternelle ;

2°) de condamner le département de la Corrèze à lui verser une indemnité de 16 200 euros en réparation de son préjudice économique et de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge du département de la Corrèze la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

— --------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 février 2015:

— le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

 – les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C…, assistante maternelle agréée depuis 1988 et depuis 1992 dans le département de la Corrèze, et qui bénéficiait jusqu’alors d’un agrément lui permettant d’accueillir à son domicile des enfants âgés de zéro à dix-huit ans, a été informé le 3 janvier 2011 par le président du conseil général de la Corrèze de sa décision de ne renouveler son agrément que pour l’accueil simultané d’un enfant âgé d’un à dix-huit ans et de deux enfants âgés de dix-huit mois à dix-huit ans ; que cette décision a été formalisée par un arrêté du 11 janvier 2011 ; que par une décision du 22 mars 2011, le président du conseil général a rejeté le recours gracieux de Mme C… dirigé contre cet arrêté ; que par un jugement du 2 février 2012, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 3 janvier 2011, l’arrêté du 11 janvier 2011 et la décision du 22 mars 2011 pour un motif tiré d’un vice de procédure en tant que ces décisions ont restreint le champ de l’agrément sollicité par l’intéressée ; qu’à la suite de ces annulations contentieuses, le président du conseil général du département de la Corrèze a décidé, par un arrêté du 25 juin 2012, d’attribuer un agrément à Mme C… afin qu’elle puisse accueillir à son domicile simultanément jusqu’à trois enfants âgés de trois à dix-huit ans ; que cet agrément a été accordé pour une période de cinq ans à compter du 25 juin 2012 ; que par une décision du 28 septembre 2012, le président du conseil général a rejeté le recours gracieux de Mme C… dirigé contre l’arrêté du 25 juin 2012 ; que par un jugement du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Limoges a annulé l’arrêté du 25 juin 2012 et la décision du 28 septembre 2012 précités en tant que ces décisions ne permettent pas à Mme C… d’accueillir des enfants âgés de moins de trois ans, mais a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’illégalité des décisions prises à son encontre ; que Mme C… fait appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que, par la voie de l’appel incident, le département de la Corrèze demande la réformation du jugement en tant qu’il a annulé partiellement les deux décisions litigieuses et a rejeté sa demande tendant à ce qu’une expertise médicale soit ordonnée avant dire droit ;

Sur les conclusions de l’appel incident du département :

2. Considérant que les conclusions de l’appel incident du département de la Corrèze, sont dirigées contre l’article 1er du jugement du tribunal administratif qui annule partiellement pour excès de pouvoir l’arrêté du 25 juin 2012 du président du conseil général et sa décision du 28 septembre 2012 ; qu’elles soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l’appel principal de Mme C… dirigé contre l’article 4 du même jugement qui rejette les conclusions en indemnité de l’intéressée ; que, par suite, elles ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions de la requête de Mme C… :

3. Considérant, en premier lieu, que Mme C… demande à la cour de condamner le département de la Corrèze à réparer le préjudice financier et moral résultant pour elle de l’illégalité fautive de la décision du 3 janvier 2011, de l’arrêté du 11 janvier 2011 et de l’arrêté du 25 juin 2012 du président du conseil général ;

4. Considérant que par son jugement du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Limoges a annulé au fond l’arrêté du 25 juin 2012 par lequel le président du conseil général du département de la Corrèze a renouvelé son agrément en qualité d’assistante maternelle en le restreignant aux enfants de plus de trois ans ; que ce jugement n’ayant pas été contesté sur ce point par le département dans le délai de recours contentieux, Mme C… est ainsi fondé à se prévaloir de l’illégalité de cet arrêté ;

5. Considérant que par un jugement du 2 février 2012, devenu définitif, le même tribunal administratif a annulé la décision du 3 janvier 2011 et l’arrêté du 11 janvier 2011 du président du conseil général de la Corrèze, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux dirigé contre la décision du 3 janvier 2011, en tant qu’ils restreignaient aux enfants de plus de un an l’agrément de Mme C… en qualité d’assistante maternelle ; que cependant, ces annulations ont été prononcées par le tribunal au motif qu’elles étaient entachées d’un vice de procédure tenant à l’absence de consultation de la commission administrative paritaire départementale prévue par l’article R. 421-27 du code de l’aide sociale et des familles ; que si l’intervention d’une décision illégale peut constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’administration, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cadre d’une procédure régulière, la même décision aurait pu être légalement prise ;

6. Considérant que pour annuler l’arrêté du 25 juin 2012, le tribunal administratif a considéré qu’à cette date les pièces versées au dossier, en particulier les pièces médicales, n’établissaient pas que Mme C… n’était pas capable, compte tenu de son état de santé, de continuer à s’occuper d’enfants de moins de trois ans, ce qu’elle a toujours fait depuis qu’elle dispose d’un agrément, soit depuis 1988, alors qu’en outre, lesdites pièces n’établissaient pas que sa pathologie choréique, présente depuis son adolescence, se serait aggravée récemment ; que, par suite, les mêmes constatations auraient nécessairement pu être faites en janvier 2011, s’agissant de la garde d’enfants de moins de un an ; qu’il s’ensuit que la décision du 3 janvier 2011 et l’arrêté du 11 janvier 2011 étaient également entachés d’erreur d’appréciation ;

7. Considérant qu’en ayant pris la décision du 3 janvier 2001, l’arrêté du 11 janvier 2011 et l’arrêté du 25 juin 2012, le département de la Corrèze a ainsi commis des fautes de nature à ouvrir droit à réparation, dès lors qu’est établie l’existence d’un préjudice ayant un lien de causalité direct et certain avec l’illégalité en cause ;

8. Considérant qu’en ayant vu son agrément restreint, d’abord aux enfants de moins de un an, puis aux enfants de moins de trois ans, Mme C… a subi, à compter de janvier 2011, une perte de chance sérieuse de se voir confier la garde d’enfants ; qu’elle évalue son manque à gagner pour les années 2011, 2012 et 2013, en se fondant sur les salaires perçus au titre des années 2007, 2008 et 2009, à 16 239 euros, ce qui représente une moyenne mensuelle de 450 euros, chiffres qui ne sont pas contestés par le département ; que cependant, les pièces du dossier ne permettant pas d’établir qu’elle aurait pu avoir la garde en permanence trois enfants, il sera fait une juste évaluation de son préjudice en lui allouant la somme de 5 000 euros ;

9. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment de l’évaluation faite par un ergothérapeute, que Mme C… a subi un préjudice moral du fait de l’atteinte portée à sa situation professionnelle, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant à ce titre une somme de 2 000 euros ;

10. Considérant, en second lieu, que si Mme C… invoque également la responsabilité sans faute du département pour rupture d’égalité devant les charges publiques, il résulte cependant de l’instruction, comme le fait valoir le département, qu’elle n’est pas la seule assistante maternelle a avoir reçu un agrément comportant certaines restrictions et ne peut donc être regardée comme ayant subi à ce titre un préjudice anormal et spécial ; qu’elle ne saurait dès lors, et en tout état de cause, obtenir réparation sur ce fondement ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme C… est fondée à soutenir d’une part, que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande indemnitaire, et, d’autre part, à demander la condamnation du département de la Corrèze à lui verser une indemnité de 7 000 euros ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du département de la Corrèze une somme de 1 500 euros à Mme C… au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE


Article 1er : Le département de la Corrèze est condamné à verser à Mme C… la somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice.

Article 2 : L’article 4 du jugement n° 1201635 du tribunal administratif de Limoges du 13 juin 2013 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le département de la Corrèze versera à Mme C… la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C… et les conclusions d’appel incident du département de la Corrèze sont rejetés.

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