CAA de BORDEAUX, 3ème chambre (formation à 3), 22 décembre 2015, 15BX00274, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 3e ch. (formation à 3), 22 déc. 2015, n° 15BX00274
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 15BX00274
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Martinique, 12 novembre 2014, N° 1200632
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031858478

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d’annuler l’ordre de réquisition en date du 30 mars 2012, relatif à la centrale de Bellefontaine, par lequel le préfet de la région Martinique l’oblige à s’approvisionner, du 1er au 30 avril 2012, en fioul industriel n° 2 au prix fixé par l’arrêté du 30 mars 2012 relatif au prix maximum de certains produits pétroliers et du gaz domestique.

Par un jugement n°1200632 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cet ordre de réquisition.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 26 janvier 2015 et le 5 octobre 2015, le ministre des outre-mer demande à la cour d’annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 13 novembre 2014.

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Vu :

 – les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de la défense ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – les décrets n° 2003-1241 du 23 décembre 2003 et n° 2010-1332 du 8 novembre 2010 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Bertrand Riou,

 – les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, représentant la société Electricité de France.

Considérant ce qui suit :

1. Par un ordre de réquisition daté du 30 mars 2012, visant l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ainsi que les articles R. 2211-1 et suivants du code de la défense, et relatif à la centrale thermique dite de « Bellefontaine », le préfet de la région Martinique a requis EDF afin « de s’approvisionner », pour la période couvrant le mois d’avril 2012, « en fioul industriel n° 2 au prix fixé par l’arrêté du 30 mars 2012 relatif au prix maximum de certains produits pétroliers et du gaz domestique ». Le ministre des outre-mer fait appel du jugement du 13 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé cet ordre de réquisition.

2. Le ministre ne conteste pas que, comme l’a relevé le tribunal administratif, l’ordre de réquisition litigieux ne peut, à défaut d’un décret pris en conseil des ministres ouvrant le droit de réquisition, trouver de fondement légal dans les dispositions du code de la défense qu’il vise.

3. Aux termes du 4°) de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : « En cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. ».

4. Pour juger que l’ordre de réquisition contesté méconnaissait ces dispositions, le tribunal administratif s’est fondé sur le défaut d’urgence en relevant que, d’une part, le préfet n’établissait pas qu’EDF était susceptible, à la date de l’acte litigieux, de refuser de s’approvisionner en fioul lourd auprès de la société SARA, d’autre part, qu’à supposer même le défaut d’un tel approvisionnement, il n’était pas précisé ni justifié, eu égard aux possibilités de vente du fioul lourd sur le marché international et en l’absence d’indication sur le taux de remplissage des cuves de la société SARA, dans quel délai, à la date de l’arrêté litigieux, cette société serait contrainte d’arrêter l’ensemble de ses activités.

5. Pour contester la motivation des premiers juges, le ministre des outre-mer fait valoir, d’une part, qu’à la date à laquelle a été pris l’ordre de réquisition en litige, le refus d’EDF de s’approvisionner en fioul lourd auprès de la société SARA pour les besoins de fonctionnement de sa centrale de Bellefontaine était révélé par le fait qu’EDF avait laissé venir à expiration en 2010 et 2011 ses contrats d’approvisionnement sans même engager une quelconque négociation, d’autre part, que, les capacités de stockage de fioul lourd dont dispose la société SARA étant limitées à un mois de production et l’écoulement de ce produit, sous-produit de l’activité de raffinage, n’étant possible qu’auprès d’EDF pour les besoins de ses centrales thermiques, il existait un risque d’arrêt de la production de la société SARA avec toutes les conséquences qui en résulteraient pour l’activité de la Martinique et l’ordre public.

6. D’une part, les pièces du dossier font ressortir que l’ordre de réquisition litigieux s’inscrit dans la continuité de décisions prises successivement depuis le 15 septembre 2009 par le préfet de la Martinique, visant toutes à contraindre EDF à s’approvisionner en fioul lourd au prix maximum tel qu’il a été fixé à partir de septembre 2009 par les arrêtés successifs de réglementation des prix des produits pétroliers pris par le même préfet en application du décret n°2003-1241 du 23 décembre 2003 puis du décret n° 2010-1332 du 8 novembre 2010. Avant ces mesures de réquisition, EDF s’approvisionnait en fioul lourd en passant des contrats avec la société Vitol SA Genève ainsi qu’avec la société Esso Antilles Guyane, cette dernière s’approvisionnant auprès de la société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA) dont les installations se situent à quinze kilomètres de la centrale de Bellefontaine. Eu égard à leur libellé, ces ordres de réquisition, qui contraignaient EDF à s’approvisionner en fioul lourd au prix maximum fixé par les arrêtés préfectoraux réglementant les prix des produits pétroliers, ne laissaient à cette société, contrairement à ce que soutient le ministre des outre-mer, aucune liberté de négociation, même dans la limite de ce prix maximum, ce que révèle au demeurant la mention qu’ils comportent selon laquelle « dès l’achèvement de la mission précisée dans la présente réquisition, EDF retrouvera la liberté professionnelle dont elle jouissait précédemment ». Dans ces conditions, s’il est exact que, comme l’affirme le ministre des outre-mer, EDF ne disposait plus, à la date à laquelle est intervenu l’ordre de réquisition en litige, de contrats en cours portant sur son approvisionnement en fioul lourd et n’avait pas engagé la négociation de nouveaux contrats, cette situation ne peut être regardée comme traduisant un refus d’EDF de s’approvisionner auprès de la SARA ou même un risque de rupture de l’approvisionnement en fioul lourd de la centrale de Bellefontaine, mais apparaît plutôt comme un effet des mesures de réquisition prises par le préfet depuis septembre 2009. La lettre que le directeur de la société EDF a adressée le 23 octobre 2009 à la secrétaire d’Etat chargée de l’outre-mer tend d’ailleurs à montrer que la société ne refusait pas de s’approvisionner en fioul lourd auprès de la société SARA, mais qu’elle était attachée à ce que le surcoût résultant d’un tel approvisionnement à un prix excédant largement celui du marché soit intégralement compensé.

7. D’autre part, s’il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d’expertise produit, que les capacités de stockage de fioul lourd par la société SARA correspondent à environ un mois de production, aucun élément n’est versé au dossier permettant de déterminer si, à la date de l’arrêté contesté, ces capacités étaient effectivement saturées ou proches de la saturation.

8. Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l’a jugé le tribunal administratif, le ministre des outre-mer ne démontre pas qu’à la date de l’arrêté attaqué, les conditions de mise en oeuvre des dispositions précitées du 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales étaient réunies. La confirmation de ce motif retenu par le tribunal administratif suffit à justifier l’annulation qu’il a prononcée. Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé du motif tiré du détournement de pouvoir également retenu par les premiers juges, le ministre des outre-mer n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l’arrêté en litige.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à EDF de la somme de 400 euros sur le fondement des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :


Article 1er : Le recours du ministre des outre-mer est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société EDF la somme de 400 euros sur le fondement des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15BX00274

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