CAA de BORDEAUX, 2ème chambre (formation à 3), 1er juin 2016, 15BX00444, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 2e ch. (formation à 3), 1er juin 2016, n° 15BX00444
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 15BX00444
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 17 décembre 2014, N° 1201412
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032698632

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C… B… a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 40 000 euros en vue de l’indemniser des préjudices subis du fait de sa contamination transfusionnelle par le virus de l’hépatite C (VHC).

Par un jugement n° 1201412 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2015 et par des mémoires, enregistrés le

23 novembre 2015 et le 3 mars 2016, présentés par la SCP Desarnauts, avocat, Mme B… demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1201412 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner l’ONIAM à lui verser une indemnité de 40 000 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l’ONIAM la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu :

 – les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de la santé publique, notamment son article L. 1142-28 dans sa rédaction issue de l’article 188 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

 – la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A…,

 – les conclusions de M. Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B… a subi, en 1985 et 1986, des interventions à l’occasion desquelles des produits sanguins lui ont été transfusés. Sa contamination par le virus de l’hépatite C (VHC) a été constatée en 1994. A la suite d’examens pratiqués à la fin de l’année précédente elle a dû suivre, en 2002, un traitement par interférons et ribavirine. Estimant sa contamination imputable à ces transfusions, elle a engagé une action contre le liquidateur et contre l’assureur du centre régional de transfusion sanguine (CRTS) de Toulouse, personne de droit privé placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 décembre 1993, devant le tribunal de grande instance de Toulouse. Le juge des référés de ce tribunal a ordonné une expertise, dont le rapport définitif a été déposé le 30 août 2005. Par lettre du 7 septembre 2010, Mme B… a présenté une demande d’indemnisation à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), rejetée par décision du 26 janvier 2012 du directeur de l’office. Elle a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l’ONIAM à lui verser la somme de 40 000 euros. Par un jugement n° 1201412 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Mme B… relève appel de ce jugement.

Sur la prescription :

2. Le I de l’article 188 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé modifie l’article L. 1142-28 du code de la santé publique en fixant à 10 ans à compter de la consolidation du dommage le délai de prescription opposable aux demandes d’indemnisation formées devant l’ONIAM par les victimes, notamment, de contamination par le VHC à l’occasion d’une transfusion sanguine ou par leurs ayants droit. Le II de cet article précise les conditions de l’applicabilité dans le temps du délai de la prescription décennale aux demandes formées devant l’ONIAM et son second alinéa prévoit que ce délai s’applique aux demandes d’indemnisation n’ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, présentées à l’ONIAM avant l’entrée en vigueur de la loi et après le 1er janvier 2006.

3. Il n’est pas contesté que l’état de santé de Mme B… est consolidé à la date du 19 décembre 2002 et cette date constitue, en l’espèce, celle du point de départ du délai de prescription. Mme B… a présenté à l’ONIAM, par une lettre du 7 septembre 2010, une demande portant sur l’une des indemnisations énumérées à l’article L. 1142-28 du code de la santé publique. Elle n’a fait l’objet d’aucune décision de justice irrévocable. Cette demande est donc au nombre de celles auxquelles pouvait être opposée seulement la prescription de 10 ans prévue par les dispositions de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l’article 188 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Dès lors, c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que l’ONIAM était fondé à opposer à Mme B… la prescription quadriennale de sa créance dont le bien fondé doit être examiné au regard de la présomption instituée par les dispositions de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé modifiée.

Sur les demandes de Mme B…:

En ce qui concerne l’imputabilité de la contamination :

4. En vertu de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, en cas de contestation relative à l’imputabilité d’une contamination par le VHC antérieure à la date d’entrée en vigueur de cette loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n’est pas à l’origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Le doute profite au demandeur.

5. La présomption prévue par cet article est constituée dès lors qu’un faisceau d’éléments confère à l’hypothèse d’une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l’ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance. Tel est normalement le cas lorsqu’il résulte de l’instruction que le demandeur s’est vu administrer, à une date où il n’était pas procédé à une détection systématique du VHC à l’occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l’innocuité n’a pas pu être établie, à moins que la date d’apparition des premiers symptômes de l’hépatite C démontre que la contamination n’a pas pu se produire à l’occasion de l’administration de ces produits. Eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l’intéressé a été exposé par ailleurs à d’autres facteurs de contamination, résultant notamment d’actes médicaux invasifs, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l’instruction que la probabilité d’une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d’une origine étrangère aux transfusions.

6. Il résulte de l’enquête transfusionnelle réalisée auprès de l’Etablissement français du sang que ceux des donneurs qui ont pu être identifiés et dont provenaient les produits sanguins transfusés à Mme B… à l’occasion des interventions pratiquées en 1985 et 1986, n’étaient pas porteurs du VHC mais qu’un des donneurs n’a pu être identifié. Ainsi, l’innocuité des produits qui lui ont été administrés n’a pu être démontrée. La seule circonstance qu’elle ait subi plusieurs autres interventions chirurgicales invasives l’ayant exposée à d’autres facteurs de risques n’est pas à elle seule de nature à démontrer que la cause d’une origine étrangère aux transfusions est manifestement plus vraisemblable que l’origine transfusionnelle de sa contamination. Cette démonstration ne ressort pas d’avantage de l’observation de l’expert désigné par juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, relative à l’absence de certitude absolue de l’imputabilité de la contamination à une transfusion. Dans ces conditions, l’hypothèse que les transfusions de produits sanguins reçus par Mme B… en 1985 et 1986 soient à l’origine de la contamination présente un degré suffisamment élevé de vraisemblance.

En ce qui concerne les préjudices :

7. Il résulte de l’instruction et notamment du rapport de l’expertise mentionnée au point 1, que l’état de santé de Mme B… est consolidé à la date du 19 décembre 2002, soit 6 mois après la fin du traitement par bithérapie qu’elle a suivi pendant 6 mois et qui a comporté une hospitalisation d’une journée entrainant donc une incapacité totale temporaire de cette durée. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation des préjudices, y compris des préjudices d’agrément et sexuel, résultant des troubles de toute nature dans ses conditions d’existence subis du fait de son déficit fonctionnel temporaire en la fixant à 2 500 euros. Il sera fait une exacte évaluation du préjudice subi par Mme B… du fait des souffrances endurées en lui allouant, à ce titre, la somme de 4 000 euros, comme le propose d’ailleurs l’ONIAM.

8. En revanche, en se bornant à produire un certificat de son médecin traitant, Mme B… n’apporte pas d’éléments suffisants à l’appui de sa demande d’indemnisation d’un préjudice esthétique. Elle n’apporte pas davantage d’éléments, alors qu’elle n’établit ni même n’allègue subir un déficit fonctionnel permanent, à l’appui de sa demande d’indemnisation d’un préjudice spécifique de contamination, distinct des préjudices évoqués au point précédent.

9. Dans ces conditions et sans qu’il soit besoin de procéder à l’expertise sollicitée par l’ONIAM, Mme B… est fondée à demander la condamnation de l’ONIAM à lui verser la somme de 6 500 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter, comme elle le demande, du 26 octobre 2011.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Mme B… bénéficie de l’aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement à la SCP Desarnauts, avocat de Mme B…, de la somme de 1 500 euros, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle.

DECIDE


Article 1er : Le jugement n° 1201412 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L’ONIAM est condamné à verser une indemnité de 6 500 euros à Mme B…. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011.

Article 3 : L’Etat versera à la SCP Desarnauts la somme de 1 500 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme B… est rejeté.

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N°15BX00444

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