Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7e chambre, 18 décembre 2020, n° 18BX03438

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 7e ch., 18 déc. 2020, n° 18BX03438
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 18BX03438
Décision précédente : Tribunal administratif de Poitiers, 17 juillet 2018, N° 1500293
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Atelier d’architecture Badia Berger a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l’État a` lui payer la somme de 390 233,10 euros, en complément de rémunération et en réparation des préjudices subis dans le cadre de l’opération de construction du siège de la direction départementale de l’équipement à La Rochelle, ainsi que les intérêts moratoires a` compter du 8 décembre 2011.

Par un jugement n° 1500293 du 18 juillet 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2018 et les 9 mars et 15 septembre 2020, ce dernier n’ayant pas été communiqué, la société Atelier d’architecture Badia Berger, représentée par Me C, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juillet 2018 ;

2°) de condamner l’État a` lui payer la somme de 343 939,75 euros, ainsi que les intérêts moratoires a` compter du 8 décembre 2011, en règlement du marche´ ;

3°) de condamner l’État à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation d’un préjudice moral pour résistance abusive du maître d’ouvrage et non-respect de l’intégrité de l’oeuvre ;

4°) de mettre a` la charge de l’État la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle a droit au règlement de la somme de 180 508,88 euros correspondant aux prestations supplémentaires qu’elle a effectuées en phase d’étude comme en phase de chantier, qui ont entraîné des surcoûts ;

— en phase d’étude, elle a dû adapter son projet à plusieurs reprises, établir trois DCE et réaliser des modifications et des adaptations en phase APD relatives aux normes d’accessibilité handicapés, à la labellisation HQE et à l’implantation du bâtiment ;

— en phase de travaux, les modifications de programme et de prestations liées à la certification HQE, à l’application des nouvelles normes d’accessibilité aux personnes handicapées et au cloisonnement intérieur de l’ouvrage, qui n’étaient pas prévues dans les avenants intervenus en mars 2008 et août 2009, n’ont pas été rémunérées ;

— le maître d’ouvrage a méconnu ses engagements en ne lui réglant pas les honoraires dus au titre de l’avenant n° 3 en dépit d’un arrêté préfectoral en autorisant le paiement ;

— le dépassement du chantier et sa mauvaise organisation sont directement imputables aux fautes du maître d’ouvrage qui a fait preuve d’inertie dans la prise de décision, qui s’est traduite par une désorganisation du chantier, en s’abstenant de transmettre la totalité des informations nécessaires à la bonne exécution du contrat, notamment en sollicitant une certification HQE et en minimisant l’étendue des tâches à accomplir en phase de chantier, enfin, en exerçant un contrôle insuffisant sur la mission d’ordonnancement, de pilotage et de coordination du chantier qui s’est révélée défectueuse dans la gestion des plannings de travaux et en n’effectuant aucun pointage ;

— elle a droit au règlement de deux notes d’honoraires n° 19 et n° 20 pour un montant total de 121 126,074 euros, dont la créance est certaine, liquide et exigible ; en effet, les pénalités de retard sur lesquelles se fonde le maître d’ouvrage pour ne pas procéder à ce règlement ne pouvaient lui être imputées et ne sont pas justifiées ; en lui infligeant des pénalités représentant 47 % des honoraires, le maître d’ouvrage n’a pas fait une application raisonnée des pénalités ; en outre aux termes de l’avenant n° 3 le maître d’ouvrage n’avait retenu que 56 jours de retard imputables à la maîtrise d’oeuvre en phase DET ; ces pénalités sont donc manifestement excessives et disproportionnées ;

— elle a droit au règlement de la somme de 29 269,35 euros correspondant aux honoraires appliqués aux travaux supplémentaires résultant d’une modification de programme et de prestations non pris en compte dans les deux avenants signés entre les parties ;

— son préjudice moral en raison de la résistance abusive du maître d’ouvrage et de la dénaturation de son oeuvre architecturale par l’ajout de brise-soleils s’élève a` 50 000 euros ;

— le préjudice financier lié à l’important travail de recherche pour contester les pénalités de retard s’élève a` la somme de 9 328,80 euros;

— les intérêts de retard sont évalués à 3 705,98 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 février 2020 et le 9 septembre 2020, les ministres de la transition écologique et de la cohésion des territoires concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la société Atelier d’architecture Badia Berger ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code des marchés publics ;

— la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée ;

— le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

— l’arrête´ du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’oeuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics a` des prestataires de droit prive´ ;

— le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Florence Madelaigue,

— et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La direction départementale de l’équipement de la Charente-Maritime, devenue la direction départementale des territoires et de la mer de la Charente-Maritime, a décidé de procéder à la construction de son siège a` La Rochelle. La maîtrise d’oeuvre de l’opération de travaux a été confiée, le 9 décembre 2002, à un groupement constitué de la société Atelier d’architecture Badia Berger, architecte mandataire, de la société LGX Ingénierie, BET tous corps d’état, de la société Espaces Recherche et Aménagement, et de M. A B, coordonnateur HQE. La réalisation de l’opération a débuté en juin 2007 et s’est achevée au printemps 2009. La réception des travaux est intervenue en mai 2010. La société Atelier d’architecture Badia Berger, en sa qualité´ de mandataire du groupement de maîtrise d’oeuvre, a adressé au directeur départemental des territoires et de la mer un projet de décompte définitif, par courrier du 29 septembre 2014, puis un mémoire en réclamation, par courrier du 29 octobre 2014, auxquels il n’a pas été donne´ suite. La société Atelier d’architecture Badia Berger, agissant pour l’ensemble des membres du groupement solidaire, a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l’État à lui verser la somme de 390 233,10 euros en complément de rémunération et en réparation des préjudices subis dans le cadre de cette opération. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 18 juillet 2018 qui a rejeté sa demande et porte celle-ci devant la cour à la somme de 393 939,75 euros.

Sur les prestations supplémentaires :

2. Il résulte des dispositions de l’article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre et de l’article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’oeuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé, visés ci-dessus, que le titulaire d’un contrat de maîtrise d’oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l’ensemble de ses charges ainsi que le bénéfice qu’il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l’ouvrage peuvent donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. En outre, le maître d’oeuvre qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d’oeuvre et qui n’ont pas été décidées par le maître d’ouvrage n’a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les règles de l’art, soit le maître d’oeuvre a été confronté dans l’exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie du contrat.

En ce qui concerne les modifications de programmes :

3. Il résulte de l’instruction que deux avenants, signés le 19 mars 2008 et le 5 août 2009, ont eu respectivement pour objet de prendre en compte dans la rémunération, d’une part, la modification des programmes liée à la certification « haute qualité environnementale » (HQE) pour un montant supplémentaire de 28 805,00 euros HT et, d’autre part, les modifications de programme pour le respect de la nouvelle règlementation d’accessibilité aux handicapés et pour le cloisonnement intérieur de l’ouvrage pour lesquels une somme complémentaire de 35 400 euros HT a été fixée. Ainsi, la société appelante n’établit pas que les avenants en cause, signés sans aucune réserve, n’auraient rémunéré qu’une partie des prestations supplémentaires prétendument réalisées relatives aux normes d’accessibilité handicapés, à la labellisation HQE et à l’implantation du bâtiment. Et elle ne saurait davantage réclamer une rémunération complémentaire au titre des trois dossiers de consultation des entreprises qu’elle soutient avoir dû établir et dont la réalisation était prévue dans sa mission conformément à l’article 5-4 du CCAP du marché.

4. Il résulte en outre de l’instruction qu’à défaut d’accord entre les parties sur l’avenant n° 3 qui avait pour objet de tenir compte notamment des incidences financières liées à l’aménagement de placards et à la prolongation de la mission de DET, le maître d’ouvrage a arrêté le montant des sommes définitivement dues au groupement de maîtrise d’oeuvre par décision unilatérale notifiée à la société le 5 août 2010, dont le montant, compte tenu des pénalités provisoires imputables, a été arrêté à la somme de 40 522,70 euros, somme qui lui a été réglée le 8 décembre 2010. L’appelante n’est dès lors pas fondée à soutenir que le maître d’ouvrage n’aurait pas procédé au règlement des honoraires complémentaires qu’il reconnaissait lui devoir par décision du 5 août 2010 pour prolongation de délai.

5. L’appelante ne démontre pas davantage qu’elle aurait réalisé des prestations qui ne relèveraient pas de la mise en oeuvre normale de ses missions prévues contractuellement, ni, en tout état de cause, qu’elle aurait effectué des prestations indispensables à la réalisation des ouvrages selon les règles de l’art ou qui résulteraient de sujétions imprévues et qui lui ouvriraient droit à un complément de rémunération.

En ce qui concerne l’allongement du chantier :

6. Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

7. Toutefois, la société titulaire d’un marché public a droit à l’indemnisation intégrale des préjudices subis du fait de retards dans l’exécution du marché imputables au maître de l’ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l’allongement de la durée du chantier lié à la réalisation de travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe.

8. La société appelante fait valoir que l’augmentation des délais d’exécution et la mauvaise organisation du chantier sont imputables aux fautes du maître d’ouvrage, qui aurait fait preuve d’inertie, minimisé l’étendue des tâches à accomplir en phase de chantier et exercé un contrôle insuffisant sur la mission de pilotage et de coordination du chantier.

9. Pour rejeter les conclusions de la société appelante tendant au paiement d’une indemnité au titre de l’allongement des délais du chantier, le tribunal administratif a notamment relevé, que si le sous-élément de mission EXE 2, c’est-à-dire la réalisation des études d’exécution et de synthèse en phase travaux, avait initialement été confié au groupement solidaire de maîtrise d’oeuvre mais qu’il a été remplacé par le sous-élément de mission VISA, c’est-à-dire le visa des études d’exécution et de synthèse réalisées par les entrepreneurs, en vertu de l’avenant n° 1 précité, toutefois, le groupement solidaire de maîtrise d’oeuvre est resté en charge de la direction des travaux (DET), élément de mission qui a notamment pour objet la délivrance de tous ordres de service nécessaires à l’exécution des contrats de travaux ainsi que l’organisation et la direction des réunions de chantier, d’après sa définition par l’article 9 du décret du 29 novembre 1993 précité. Le tribunal a relevé qu’il a été reproché au groupement solidaire de maîtrise d’oeuvre son absence à des réunions de chantier ainsi que son retard dans le visa des études, que si l’ordonnancement, le pilotage et la coordination (OPC), mission complémentaire, ont été confiés à la société CRX Ouest et non au groupement solidaire de maîtrise d’oeuvre, il appartenait néanmoins à ce dernier d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur la nécessité de prendre en compte les préoccupations correspondantes lorsque cela était nécessaire à la cohérence de l’opération, en vertu du point 9 de l’annexe I à l’arrêté du 21 décembre 1993 et que la requérante n’établissait pas avoir effectué des prestations de pilotage et de synthèse pour pallier les carences dont elle se prévaut et qui, à les supposer établies, ne sauraient être regardées comme des fautes du maître d’ouvrage dès lors qu’il n’avait pas la charge de ces deux missions. En se bornant à renvoyer à une pièce n° 12 qu’elle a elle-même établie, intitulée « chronologie des incidents pendant le suivi du chantier », qui ne saurait justifier, à elle seule, la responsabilité du maître d’ouvrage quant aux incidents évoqués, la société appelante n’établit pas davantage devant la cour que devant le tribunal que les difficultés d’exécution auraient été imputables à une faute du maître d’ouvrage.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les honoraires demandés au titre de prestations supplémentaires à hauteur de 180 508,88 euros, qui n’ouvraient en tout état de cause pas droit à indemnisation de la société appelante et relevaient des sujétions normalement rémunérées par l’application du prix forfaitaire du marché, doivent être regardés comme ayant été réglés avec le prix de celui-ci. Il s’ensuit que la société Atelier d’Architecture Badia Berger n’est pas fondée à demander à les voir indemnisés.

Sur des honoraires impayés:

11. Il ressort des éléments de première instance, que la société Atelier d’architecture Badia Berger s’est vu appliquer, au titre des retards dans l’exécution de sa mission, des pénalités pour un montant cumulé de 385 671,13 euros. Le maître d’ouvrage a opposé un refus aux conclusions de la société appelante tendant au règlement de deux notes d’honoraires n° 19 du 8 décembre 2011 et n° 20 du 13 janvier 2012 pour un montant total de 121 126,074 euros correspondant au reliquat de ses honoraires au motif que le montant des pénalités accumulées dans l’exécution du marché dépassait le montant des sommes réclamées au titre du marché.

12. D’une part, la société appelante ne saurait utilement soutenir qu’elle n’a pas été en mesure de procéder au traitement des mémoires de réclamation des entreprises de travaux à défaut d’établissement du décompte général et définitif des marchés de travaux, qu’il lui appartenait précisément d’établir au titre de sa mission DET, pour contester le bien-fondé des pénalités.

13. D’autre part, il résulte de l’instruction que, par courrier du 20 juin 2012, le maître d’ouvrage a exposé de manière circonstanciée, les raisons pour lesquelles la note d’honoraires n° 19, pour un montant de 111 859,52 euros, ne pouvait faire l’objet d’un règlement, la situation comptable du marché présentant un trop perçu de 273 214,50 euros, compte tenu du décompte de pénalités produit à l’appui, calculé conformément aux clauses contractuelles.

14. Pour soutenir que le règlement de ces notes d’honoraires lui était dû, l’appelante se borne à faire valoir que les pénalités de retard qui lui ont été appliquées seraient excessives dans leur montant au motif qu’elles représenteraient 47 % des honoraires. Toutefois, elle ne conteste pas ainsi utilement ce décompte de pénalités. Et la circonstance que le maître d’ouvrage n’aurait retenu que 56 jours de retard dans l’exécution de la mission DET au titre du projet d’avenant n° 3 est sans incidence sur ce décompte dès lors que ce projet n’a pas été formalisé, et ce d’ailleurs en l’absence des pièces justificatives nécessaires à l’appréciation de l’imputation des responsabilités. Au demeurant, il résulte du rapport de présentation préalable à la décision unilatérale du maître d’ouvrage notifié à la société le 5 août 2010 qu’il a été tenu compte d’une répartition de responsabilité dans le retard accusé en phase DET en acceptant une prolongation de délai de 8,8 mois. Dans ces conditions, la société appelante n’est pas fondée à soutenir que le tribunal a rejeté à tort sa demande tendant au paiement des notes d’honoraires n° 19 et n° 20 au motif que le montant des pénalités accumulées dans l’exécution du marché dépassait le montant des sommes réclamées au titre du marché et venait en application de l’article 4-2-6 du CCAP applicable au marché en litige, en déduction du solde dû.

15. Les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur la méconnaissance, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Si, lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu’il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n’a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu’il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l’argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu’impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

16. En se bornant à soutenir que les pénalités qui ont été infligées, d’un montant de 385 046,13 euros sur un marché de 818 637 euros, ce qui représente 47 % des honoraires, sont excessives, sans apporter quelque autre précision que ce soit, la société appelante ne peut être regardée comme établissant cette excessivité. Par suite et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la société Atelier d’architecture Badia Berger demandant la modulation des pénalités de retard, ses conclusions doivent être rejetées.

17. Enfin, en se bornant à produire un tableau établi par ses soins intitulé « montant des révisions sur honoraires sur TS » en indiquant que le montant TTC des honoraires sur travaux supplémentaires y compris révision s’élève à 29 269,35 euros et que « cette demande concerne les travaux supplémentaires acceptés par la maitrise d’ouvrage, ne sont pas compris les travaux supplémentaires relevant de la maitrise d’oeuvre et les travaux hors marché passés par le maître d’ouvrage directement en dehors de la maîtrise d’oeuvre (annexe 11- tableau récapitulatif travaux) », l’appelante ne met pas la cour en mesure d’apprécier le bien-fondé de sa demande. Dans ces conditions, sa demande tendant au paiement d’une somme de 29 269,35 euros doit être rejetée.

Sur les autres demandes :

18. Au soutien des moyens relatifs aux préjudices moral et financier qu’elle estime avoir subi du fait de la dénaturation de son oeuvre architecturale par l’ajout de brise-soleils, de la résistance abusive du maître d’ouvrage dans le règlement du marché et du financement de recherches pour contester les pénalités de retard, la société appelante se borne à reprendre ceux qu’elle avait présentés en première instance et ne se prévaut devant la cour d’aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l’argumentation développée en première instance. Il y a lieu, par suite, pour la cour d’écarter l’ensemble de ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Atelier d’architecture Badia Berger n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Atelier d’architecture Badia Berger demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Atelier d’architecture Badia Berger est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atelier d’architecture Badia Berger et aux ministres de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l’audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D, présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2020.

Le président de chambre

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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