CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22 décembre 2021, 19BX02048, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 6e ch., 22 déc. 2021, n° 19BX02048
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 19BX02048
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Limoges, 21 mars 2019, N° 1601208
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045811703

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D… A… a demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler la décision, du 13 juillet 2016, par laquelle le maire de la commune de Châteauponsac a rejeté sa demande d’indemnisation et de condamner cette commune à lui verser une somme globale de soixante-treize mille cent quatre-vingt-six euros et quatre-vingt-neuf centimes (73 186, 89 euros) en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1601208 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Châteauponsac à verser à Mme A… une somme de 52 000 euros en réparation du préjudice subi.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mai 2019, la commune de Châteauponsac, représentée par Me Delpuech, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 22 mars 2019 du tribunal administratif de Limoges en tant qu’il a accordé à Mme A… la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et l’a indemnisée au titre du préjudice financier qu’elle aurait subi du fait de la minoration de sa pension de retraite ;

2°) de rejeter la demande de Mme A… tendant à la réparation de son préjudice moral et d’un préjudice financier lié à la minoration de sa pension de retraite.

Elle soutient que :

 – le tribunal administratif n’a pas motivé sa décision d’accorder 2 000 euros à la requérante au titre du préjudice moral ;

 – le préjudice moral subi par Mme A… n’est pas établi ;

 – le préjudice qui serait résulté, pour l’intéressée, de la perte d’une chance de recevoir une pension de retraite d’un montant supérieur à celle qu’elle perçoit n’est pas davantage établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code des pensions civiles et militaires de retraites ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

 – le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

 – le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

 – le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme B… C…,

 – les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D… A… a été recrutée en qualité d’agent d’entretien par la commune de Châteauponsac (Haute-Vienne) en mai 2003 et titularisée dans le cadre d’emploi des adjoints techniques territoriaux en juin 2004. Lors d’une visite médicale consécutive à un arrêt de travail, le médecin du travail a estimé, en mars 2012, que Mme A… était définitivement inapte à son poste de travail et devait être reclassée sur un poste administratif, avec un plan de formation. En avril 2012, le comité médical départemental de la Haute-Vienne a émis un avis dans le même sens, tendant à la reprise de l’agent à temps complet après reclassement sur un poste administratif. Par une décision du 19 juin 2014, le maire de la commune de Châteauponsac a rejeté la candidature de Mme A… à un poste d’adjoint administratif de 2ème classe, au motif qu’elle ne présentait aucun des critères requis pour occuper ce poste. Par un jugement n° 1401517 du 3 mars 2016 devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges a annulé cette décision du 19 juin 2014 au motif que la commune de Châteauponsac avait méconnu son obligation de reclassement. Mme A… ayant été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 20 mai 2015, a présenté, le 18 mai 2016, une demande indemnitaire préalable auprès de la commune de Châteauponsac, portant sur un montant total de 73 186,89 euros. Cette demande a été rejetée le 13 juillet 2016. La commune de Châteauponsac relève appel du jugement du 22 mars 2019 du tribunal administratif de Limoges en tant qu’il a accordé à Mme A… la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et l’a indemnisée au titre du préjudice financier qu’elle aurait subi du fait de la minoration de sa pension de retraite.

2. La commune de Châteauponsac ne conteste pas l’illégalité de la décision du maire du 19 juin 2014 ayant rejeté la candidature de Mme A… à un poste d’adjoint administratif de 2ème classe, prononcée par le tribunal administratif de Limoges, par le jugement n° 1401517 du 3 mars 2016, devenu définitif. Comme l’a relevé le tribunal administratif, l’illégalité de cette décision est de nature à engager la responsabilité de la commune, l’intéressée ayant droit à la réparation intégrale des préjudices qui en sont la conséquence directe et certaine.

3. En premier lieu, Mme A…, dans sa demande introductive devant le tribunal administratif, a évalué le préjudice qui serait résulté de la minoration de la pension de retraite qu’elle perçoit, à la somme de 46 716 euros brut, correspondant à la perte de 204 euros de pension par mois pendant une durée de dix-neuf ans.

4. Comme le faire valoir la commune, il ressort de l’estimation indicative globale de la retraite pouvant être perçue par Mme A… que la date du taux plein était, dans son cas, le 1er janvier 2016, à l’âge de 63 ans, en ce qui concerne la pension versée par la Caisse régionale de Crédit agricole de Toulouse de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et le 1er décembre 2017, à l’âge de 65 ans, s’agissant de la pension versée par la Caisse régionale de Crédit agricole de Toulouse d’assurance vieillesse (CNAV), la pension versée par la première représentant entre 86 % et 92 % de la pension totale due à l’intéressée, selon l’âge de son départ en retraite. Il est constant que Mme A…, qui est née le 6 février 1952, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 20 mai 2015, alors qu’elle était âgée de 63 ans et trois mois. Il ressort par ailleurs d’une étude produite par la commune que, pour ce qui concerne les femmes exerçant dans la fonction publique territoriale, l’âge moyen de départ à la retraite s’établissait, en 2017, à 63,4 ans. Enfin, si l’intéressée fait valoir qu’elle aurait perçu une pension de retraite mensuelle d’un montant de 769 euros brut si elle avait travaillé jusqu’à l’âge de 65 ans et 9 mois, il ressort de ses propres déclarations qu’elle percevait, à la date de sa demande de première instance, une « pension CNRACL » de 565 euros brut mensuel, soit un montant significativement supérieur au montant de 376 euros, valeur estimée le 1er janvier 2016 de la « pension CNRACL » en cas de mise en retraite à 63 ans et 9 mois, et de 404 euros, valeur estimée le 1er janvier 2017 de la « pension CNRACL » en cas de mise en retraite à 64 ans et 9 mois.

5. Mme A…, dont l’état de santé a par ailleurs justifié l’octroi d’un congé de longue maladie, la déclaration d’inaptitude définitive au poste d’agent d’entretien à compter du mois de mars 2012, ainsi que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé sur la période du 1er août 2011 au 31 juillet 2016, n’a donné, en première instance comme en appel, aucune indication sur la nature des problèmes de santé dont elle souffre ni sur son aptitude à travailler en qualité d’agent administratif jusqu’à l’âge de 65 ans et 9 mois. Dans ces conditions, à supposer même que le poste d’adjoint administratif de 2ème classe sur lequel elle a postulé lui aurait été proposé à compter du 1er juin 2014, il ne résulte pas de l’instruction qu’elle aurait été en mesure de l’occuper après la date de sa mise à la retraite, voire jusqu’à l’âge de 65 ans et 9 mois, et qu’elle aurait pu de ce fait prétendre à une pension mensuelle d’un montant supérieur à celui qui lui a effectivement été versé depuis le 20 mai 2015, date de sa mise à la retraite.

6. Le tribunal administratif a accordé à Mme A… la somme globale de 50 000 euros au titre de préjudice matériel qu’elle aurait subi du fait de la perte de chance très sérieuse d’être reclassée et de poursuivre son activité professionnelle jusqu’à l’âge de 65 ans et neuf mois, ce préjudice étant constitué tant des pertes de traitements occasionnées de ce fait que de la minoration de sa pension de retraite en étant résultée. Dans sa requête d’appel, la commune ne conteste pas le montant de 21 470,89 euros obtenu par Mme A… au titre du préjudice financier lié à la perte de traitements. Il convient dès lors de ne réformer le jugement qu’en tant qu’il a mis à la charge de cette collectivité, au titre du préjudice financier subi par l’intimée, une somme excédant 21 470,89 euros, soit la somme de 30 529,11 euros.

7. En second lieu, il résulte du jugement précité du tribunal administratif de Limoges, devenu définitif, qu’en rejetant, par sa décision précédemment mentionnée du 19 juin 2014, la candidature de Mme A… sur un poste d’adjoint administratif de 2ème classe, le maire de la commune a méconnu l’obligation de reclassement incombant à celle-ci. Le tribunal administratif de Limoges, qui n’a pas insuffisamment motivé son jugement sur ce point, a fait une juste évaluation du préjudice moral subi à ce titre par Mme A… en le fixant à la somme de 2 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Châteauponsac est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges l’a condamnée à verser à Mme A… une somme excédant 21 470,89 euros, soit la somme de 30 529,11 euros au titre du préjudice matériel subi par cette dernière du fait de l’illégalité de la décision 19 juin 2014 ayant rejeté sa candidature à un poste d’adjoint administratif de 2ème classe. Le jugement attaqué sera réformé dans cette mesure.

DECIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1601208 du 22 mars 2019 est réformé en ce qu’il a condamné la commune de Châteauponsac à verser à Mme A… une somme excédant 21 470,89 euros, soit la somme de 30 529,11 euros, au titre du préjudice matériel subi par cette dernière du fait de l’illégalité de la décision 19 juin 2014.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Châteauponsac et à Mme D… A….

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,
Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021.


La rapporteure,


Sylvie C…

La présidente,


Karine Butéri

La greffière,


Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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No 19BX02048

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