Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 5 octobre 2023, n° 21DA01669

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 1re ch. - formation à 3, 5 oct. 2023, n° 21DA01669
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 21DA01669
Type de recours : Excès de pouvoir
Sur renvoi de : Conseil d'État, 27 juin 2022
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 13 octobre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SCI du château de Silleron et M. B A ont demandé au tribunal administratif de Rouen d’annuler l’arrêté du 29 janvier 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Parc éolien du Bois Désiré à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de La Gaillarde et Saint-Pierre-le-Viger.

Par un jugement n° 1502362 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande. La SCI du château de Silleron et M. A ont relevé appel de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt n° 18DA00242 du 15 octobre 2019, la cour a annulé le jugement du 30 novembre 2017 et l’arrêté du 29 janvier 2015.

Par une décision n° 436641 du 7 juillet 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé l’arrêt n° 18DA00242 du 15 octobre 2019 de la cour administrative d’appel de Douai et a renvoyé à cette cour l’affaire qui a été enregistrée sous le n° 21DA01669.

Par un arrêt avant dire droit n° 21DA01669 du 28 juin 2022, la cour administrative d’appel de Douai a annulé le jugement du tribunal administratif de Rouen et a sursis à statuer sur la requête présentée par la SCI du château de Silleron et M. A jusqu’à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d’un arrêté de régularisation mettant en œuvre les différentes modalités définies dans l’arrêt, jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt lorsqu’il n’aura été fait usage que de la procédure définie au point 121 de cet arrêt et jusqu’à l’expiration d’un délai de dix mois lorsque l’organisation d’une nouvelle enquête publique sera nécessaire comme indiqué au point 120 de l’arrêt.

La société « Parc éolien du Bois Désiré » a transmis des pièces enregistrées le 27 février 2023.

Par un courrier électronique du 24 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a transmis l’arrêté du 21 avril 2023 portant régularisation de l’arrêté préfectoral du 29 janvier 2015 autorisant la société du parc éolien du Bois Désiré à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de La Gaillarde et Saint-Pierre-le-Viger.

Par des mémoires enregistrés le 3 mai 2023, le 26 juin 2023 et le 31 août 2023, ce dernier n’ayant pas été communiqué, ainsi que des pièces enregistrées le 27 février 2023 et le 17 août 2023 et communiquées, la société « Parc éolien du Bois Désiré », représentée par Me Antoine Guiheux, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la régularisation et dans tous les cas, à la mise à la charge de la SCI du château de Silleron et de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés le 1er juin 2023, le 18 août 2023 et le 24 août 2023, la SCI du château de Silleron et M. B A, représentés par Me Karine Destarac, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 30 novembre 2017 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d’annuler l’arrêté du 29 janvier 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société du parc éolien du bois Désiré à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Pierre-le-Viger et de La Gaillarde et l’arrêté du 21 avril 2023 portant régularisation de l’arrêté préfectoral du 29 janvier 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société du parc éolien du bois Désiré la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— l’enquête publique ne portait pas sur les capacités financières, l’information du public a donc été insuffisante ;

— le vice relatif aux capacités financières n’a pas été régularisé ;

— l’avis de la mission régionale de l’autorité environnementale est irrégulier en ce qu’il a porté sur un dossier incomplet ;

— l’avis a porté sur une étude d’impact qui n’a pas été actualisée ;

— l’étude d’impact était insuffisante compte tenu de la modification du parc éolien de la plaine du moulin, qui devait constituer un ensemble cohérent avec le projet ;

— les mesures « éviter-réduire-compenser » sont insuffisantes, compte tenu également de la modification de ce parc ;

— l’arrêté de régularisation ne définit pas le modèle des éoliennes alors que l’étude s’est fondée sur des éoliennes d’une hauteur limitée à 130 mètres.

La clôture de l’instruction a été fixée au 8 septembre 2023 à 12 heures, par ordonnance du 17 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

— l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

— les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public

— et les observations de Me Emmanuel Gonnet représentant la SCI du château de Silleron et M. B A et de Me Antoine Guiheux représentant la société Parc éolien du bois Désiré.

Une note en délibéré présentée par la SCI du château de Silleron et M. B A a été enregistrée le 29 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

Sur l’objet du litige :

1. Par arrêté du 29 janvier 2015, le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Parc éolien du bois Désiré à construire et exploiter quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de La Gaillarde et Saint-Pierre-le-Viger. La société civile immobilière (SCI) du château de Silleron et M. A ont demandé au tribunal administratif de Rouen d’annuler cet arrêté. Par un jugement du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande. Saisie par la SCI du château de Silleron et M. A, la cour, par un arrêt du 28 juin 2022, après renvoi par le Conseil d’Etat, a annulé ce jugement et a sursis à statuer jusqu’à la régularisation des vices relevés par cet arrêt. Par arrêté du 21 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime a régularisé l’autorisation.

Sur la légalité de l’arrêté de régularisation :

2. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l’article L. 181-18 du code de l’environnement qui lui permet de surseoir à statuer et de fixer un délai pour la régularisation du vice de procédure qu’il a relevé, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l’appui de la contestation de l’acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu’il n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

3. En l’espèce, la cour a sursis à statuer pour que soient régularisés les vices tenant à ce que les mentions relatives aux capacités financières de la société pétitionnaire étaient insuffisantes dans le dossier d’enquête publique et à ce que l’avis de l’autorité environnementale avait été préparé par un service de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement dont dépendaient également les services chargés d’instruire la demande d’autorisation de la société.

4. Aux termes de l’article L. 181-18 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable : « I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / () / 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. »

5. Si, en application du 1° de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, les autorisations uniques délivrées au titre de l’ordonnance du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement sont considérées, depuis le 1er mars 2017, comme des autorisations environnementales, il revient au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’une contestation contre une autorisation unique, d’en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance. Par ailleurs, lorsqu’il estime qu’une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n’est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre à l’administration de régulariser l’illégalité par une autorisation modificative.

En ce qui concerne le vice tenant à l’insuffisance de présentation des capacités financières :

S’agissant de l’information du public :

6. Aux termes du I de l’article L. 123-10 du code de l’environnement : " Quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête et durant celle-ci, l’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête informe le public. L’information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d’affichage sur le ou les lieux concernés par l’enquête, ainsi que, selon l’importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. / Cet avis précise : / -l’objet de l’enquête ; / -la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l’enquête et des autorités compétentes pour statuer ; / -le nom et les qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d’enquête ; / -la date d’ouverture de l’enquête, sa durée et ses modalités ; / -l’adresse du ou des sites internet sur lequel le dossier d’enquête peut être consulté ; / -le (ou les) lieu (x) ainsi que les horaires où le dossier de l’enquête peut être consulté sur support papier et le registre d’enquête accessible au public ; / -le ou les points et les horaires d’accès où le dossier de l’enquête publique peut être consulté sur un poste informatique ; / -la ou les adresses auxquelles le public peut transmettre ses observations et propositions pendant le délai de l’enquête. S’il existe un registre dématérialisé, cet avis précise l’adresse du site internet à laquelle il est accessible. / L’avis indique en outre l’existence d’un rapport sur les incidences environnementales, d’une étude d’impact ou, à défaut, d’un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l’objet de l’enquête, et l’adresse du site internet ainsi que du ou des lieux où ces documents peuvent être consultés s’ils diffèrent de l’adresse et des lieux où le dossier peut être consulté. Il fait état, lorsqu’ils ont été émis, de l’existence de l’avis de l’autorité environnementale mentionné au V de l’article L. 122-1 et à l’article L. 122-7 du présent code ou à l’article L. 104-6 du code de l’urbanisme, et des avis des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au V de l’article L. 122-1 du présent code, ainsi que du lieu ou des lieux où ils peuvent être consultés et de l’adresse des sites internet où ils peuvent être consultés si elle diffère de celle mentionnée ci-dessus. ".

7. D’une part, l’avis d’enquête publique était intitulé « régularisation de l’autorisation environnementale accordée à la société Parc éolien du Bois Désiré » et comportait l’ensemble des informations exigées aux termes des dispositions précitées.

8. D’autre part, le dossier soumis à enquête publique comprenait, comme l’atteste le rapport du commissaire enquêteur, une partie consacrée à la régularisation des capacités financières. Des observations du public ont d’ailleurs porté sur les capacités financières. Si le commissaire enquêteur a indiqué dans ses conclusions que l’enquête publique ne portait pas sur ce point, cet avis est postérieur au déroulement de l’enquête et n’a pu influencer la participation du public. Par ailleurs, le commissaire enquêteur s’est prononcé sur la régularisation du vice relatif à l’insuffisante présentation des capacités financières.

9. Si l’avis d’enquête ne mentionnait pas explicitement que l’enquête publique portait également sur la présentation des capacités financières et si les appelants soutiennent que le commissaire enquêteur aurait indiqué au public que tel n’était pas le cas, il résulte de ce qui précède que ces circonstances n’ont pas nui à l’information complète du public qui a pu faire valoir ses observations notamment sur les capacités financières.

S’agissant de l’insuffisance des éléments sur la présentation des capacités financières :

10. En premier lieu, la société Kallista, initialement propriétaire de la société du parc éolien du Bois Désiré, a été acquise par le groupe Boralex. Le dossier complémentaire, déposé le 6 septembre 2022 et soumis à enquête publique, en vue de la régularisation de l’autorisation, à la suite de l’arrêt de la cour comprenait ainsi qu’il a été dit, un chapitre complet sur la régularisation des activités financières. Ce chapitre présentait la SAS Boralex, filiale française du groupe portant le même nom qui la détient en totalité par l’intermédiaire de la société Boralex Europe dont le groupe est propriétaire à 70 %. La SAS Boralex préside et est l’associé unique de la société du parc éolien du Bois Désiré et a elle-même présenté la demande modifiée ce qui équivaut à un engagement de sa part. Le dossier comprenait en annexe des précisions sur le chiffre d’affaires et les capitaux propres de la SAS Boralex. Il comprenait en outre des éléments financiers sur le groupe Boralex. Dès lors, le vice relevé au point 19 de l’arrêt avant dire droit relatif à l’absence d’éléments financiers sur la société mère de la pétitionnaire est ainsi régularisé.

11. En deuxième lieu, le dossier comprenait également un plan d’affaires à 20 ans qui démontrait que le fonctionnement du parc, dont l’investissement total représente 15,6 millions d’euros, permet de dégager un excédent brut d’exploitation positif de plus d’un million d’euros par an dès la première année et un résultat net après impôt positif dès la cinquième année et assure ainsi une capacité de financement suffisante pour assurer le remboursement d’un emprunt à 20 ans. Le dossier de régularisation comportait en annexe, outre des données financières et comptables sur le groupe Boralex, des données sur le chiffre d’affaires de la SAS Boralex mentionné à 32 593 785 euros, pour des capitaux propres s’élevant à 126 884 669 euros. La SAS Boralex indiquait également dans ce dossier que les projets du groupe en Europe sont financés par des prêts bancaires et que le groupe a obtenu en septembre 2020, un crédit revolving de 125 millions d’euros auprès de ses partenaires bancaires pour financer ses nouveaux projets sur une durée de 4 ans. Le vice relevé au point 18 de l’arrêt relatif à l’insuffisante information sur la capacité à financer le projet par recours à l’emprunt est ainsi régularisé, sans qu’il soit nécessaire de disposer de l’engagement d’un établissement bancaire. Enfin le dossier indiquait également que la société Boralex SAS financerait le projet sur ses fonds propres au cas où elle n’obtiendrait pas de prêt bancaire. La société de projet pouvait ainsi se prévaloir dans le dossier de régularisation soumis à enquête de capacités financières suffisamment certaines, même en l’absence d’une lettre d’engagement à son profit de sa société mère. Il résulte de ce qui précède que le vice tiré de l’insuffisante présentation des capacités financières a été régularisé dans tous ses aspects.

S’agissant de l’insuffisance des capacités financières qui aurait ainsi été révélée :

12. Les appelants réitèrent que le pétitionnaire n’a pas les capacités suffisantes pour financer le projet. Ils produisent les comptes de la filiale française, la SAS Boralex. Si celle-ci a subi des pertes de 13,9 millions d’euros en 2020 et de 11,5 millions d’euros en 2021, son chiffre d’affaires a cru de 7 % sur la période. Le groupe Boralex qui détient à 70% sa filiale a, de son côté un résultat positif de 182 millions de dollars canadiens en 2021 et de 112 millions en 2022. Par ailleurs, comme indiqué au point précédent, il résulte de l’annexe au dossier soumis à enquête publique que la SAS Boralex a des capitaux propres importants de126 884 669 euros, lui permettant tant d’obtenir un emprunt bancaire que d’apporter les capitaux propres nécessaires à la société de projet. La pétitionnaire indique encore que la société Boralex Europe, société mère de la filiale française, possède 229 millions d’euros de fonds propres et a elle-même généré une marge opérationnelle de près de 134 millions d’euros, permettant ainsi de garantir les financements apportés par la filiale française. Le dossier précise aussi que la stratégie du groupe repose sur des contrats de vente de sa production à long terme et sur sa capacité de financement de ses investissements par l’emprunt, garanti par son niveau de fonds propres. Ces éléments permettent d’établir que la SAS Boralex société mère et présidente de la société pétitionnaire est en mesure tant d’apporter les 20 % d’autofinancement mentionnés dans le plan d’affaires que de financer en totalité l’investissement si la société n’obtenait pas de prêt bancaire. Le moyen tiré de l’insuffisance des capacités financières, révélée par le dossier complémentaire soumis à enquête publique, doit donc être écarté.

En ce qui concerne le vice relatif à l’avis de l’autorité environnementale :

S’agissant de la régularisation de ce vice :

13. Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l’illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités, qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

14. Dans son arrêt avant dire droit, la cour a jugé que le vice tiré de l’avis émis le 28 mai 2014 par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale pouvait être régularisé par la consultation de la mission régionale de l’autorité environnementale. Il résulte de l’instruction que la mission régionale Normandie de l’autorité environnementale, rattachée au conseil général de l’environnement et du développement durable et donc indépendante des services déconcentrés de l’Etat chargés d’instruire la demande, a été saisie le 7 septembre 2022 du dossier de régularisation. Cette mission a rendu son avis le 7 novembre 2022.

15. Le dossier soumis à enquête publique complémentaire comprenait cet avis ainsi que la réponse de la société pétitionnaire à cet avis. Par suite, le vice tiré de l’absence d’indépendance de l’autorité environnementale par rapport au service instructeur de la demande a été régularisé.

S’agissant des vices révélés par l’avis de l’Autorité environnementale :

Quant à la régularité de l’avis de l’Autorité environnementale :

16. En premier lieu, la mission régionale de l’Autorité environnementale a rendu son avis, le 7 novembre 2022, « au vu des contributions prévues par l’article R. 122-7 (III) du code de l’environnement ». L’arrêté de régularisation vise notamment l’avis de l’agence régionale de santé du 13 octobre 2022. Par ailleurs, la mission régionale de l’Autorité environnementale avait connaissance comme le démontre son avis, de l’avis émis par le préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime rendu le 28 mai 2014 en tant qu’autorité environnementale. Dans ces conditions, le vice tiré de ce que la mission régionale de l’Autorité environnementale aurait été rendu sans avoir connaissance des avis de l’agence régionale de santé et du préfet de la Seine-Maritime, qui n’est d’ailleurs assorti d’aucune précision circonstanciée, n’est pas établi.

17. En second lieu, les appelants soutiennent que la mission régionale de l’Autorité environnementale ne disposait pas de tous les éléments pour rendre son avis. Toutefois, la société pétitionnaire a actualisé l’ensemble des études, paysagère, écologique et acoustique constituant son dossier avant de transmettre celui-ci à la mission régionale de l’autorité environnementale. Ces actualisations ont conclu à l’absence de changements significatifs dans les circonstances de fait qui auraient nécessité une nouvelle étude d’impact. L’avis de la mission ne recommande d’ailleurs pas la réalisation d’une nouvelle étude, reconnaissant que « le dossier aborde l’ensemble des composantes environnementales » mais préconise seulement une actualisation systématique des différentes parties. En réponse à cet avis, la société a indiqué que l’actualisation des inventaires faunistiques datant de 2013 ne s’imposait pas compte tenu de leur caractère approfondi et que l’étude faunistique réalisée dans le cadre de la modification de l’implantation du parc du moulin ne révélait pas de modifications substantielles par rapport aux inventaires réalisés en 2013. Ces éléments ont également été portés à la connaissance du public. Par ailleurs, la circonstance que l’avis de l’Autorité environnementale, rendu le 7 novembre 2022, diffère sensiblement de celui du 28 mai 2014 ne suffit pas non plus à démontrer que le dossier de la pétitionnaire était incomplet. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que le dossier soumis à l’Autorité environnementale n’ait pas permis à celle-ci de se prononcer en toute connaissance de cause et ait par suite pu avoir une influence sur le sens de la décision ou ait pu nuire à l’information du public.

Quant à l’insuffisance de l’étude d’impact :

18. Les appelants soutiennent que l’avis de l’Autorité environnementale révèle l’insuffisance de l’étude d’impact. Toutefois, cet avis se borne, ainsi qu’il a été dit, à recommander une actualisation plus systématique des différentes parties de l’étude. Il résulte tant de l’actualisation des différents volets de l’étude d’impact, qui couvrent plus de cinquante pages du dossier soumis à enquête, que de la réponse apportée à la mission régionale de l’autorité environnementale que le pétitionnaire a apporté des éléments suffisants et proportionnés permettant d’informer de manière satisfaisante le public et d’apprécier les impacts du projet. Quant à la recommandation de cette autorité de prendre en compte le renouvellement du parc de la plaine du moulin, l’actualisation des études en particulier paysagère dans le dossier soumis à enquête a pris en compte ce renouvellement pour conclure à une absence d’incidence supplémentaire significative, conclusion que citent d’ailleurs les appelants. Au surplus, les photomontages reproduits par les appelants ne remettent pas en cause cette conclusion et ne démontrent pas que le projet cumulé au parc de la plaine du moulin modifié ait une incidence significative sur les paysages et monuments. Enfin, Les appelants considèrent que les critiques apportées par l’Autorité environnementale sur l’étude d’impact actualisée démontrent l’insuffisance de cette étude tant sur l’avifaune que sur les chiroptères. D’une part, il résulte de cette étude qu’elle a consacré des développements spécifiques au tadorne de Belon, espèce à sensibilité forte, présente en période de nidification, ce qui a conduit à un espacement des éoliennes permettant le transit de l’espèce. D’autre part, s’agissant des chiroptères, l’étude concluait après une analyse par espèce à un impact résiduel faible. L’actualisation de l’étude s’est attachée aux effets cumulés des parcs existants ou en cours d’instruction pour conclure à l’absence de modification substantielle par rapport au constat initial. Le plan de bridage préconisé par l’étude et repris dans l’autorisation permet de réduire les impacts résiduels. Les appelants n’apportent aucun élément de nature à remettre en cause les analyses à laquelle s’est livrée l’étude et les préconisations à laquelle elle aboutit. Dans ces conditions, l’insuffisance de l’étude d’impact n’est pas établie.

Quant aux atteintes aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement :

19. Dès lors qu’il résulte de l’instruction que la modification du parc de la plaine du moulin, n’a pas d’incidence significative sur l’impact cumulé du projet, la modification des mesures « éviter- réduire- compenser » n’était pas imposée par cette modification. Si la mission régionale de l’Autorité environnementale recommande une harmonisation avec ce parc d’un point de vue paysager, il ne résulte pas de l’instruction que cette absence d’harmonisation entraîne une atteinte significative aux paysages, les appelants ne produisant pas d’éléments circonstanciés de nature à le laisser présumer. Par ailleurs, le dossier initial d’autorisation prévoyait un plan de bridage pour respecter les émergences règlementaires nocturnes compte tenu de la présence à proximité du parc de la plaine du moulin. L’étude acoustique actualisée conclut au maintien de ce plan de bridage bien que le renouvellement du parc de la plaine du moulin réduise nettement les émergences. Ce moyen ne peut donc qu’être écarté.

En ce qui concerne le modèle des éoliennes autorisées par l’arrêté de régularisation :

20. Si les appelants reprochent à l’arrêté de régularisation de ne pas définir le modèle des éoliennes autorisées, il n’est pas contesté que ce modèle n’a pas varié depuis l’arrêté initial et était défini à l’article 2 de celui-ci. Dès lors que l’arrêté du 21 avril 2023 dispose que les dispositions de l’arrêté du 29 janvier 2015, sauf celles qui sont complétées ou remplacées par les nouvelles dispositions, demeurent inchangées, ce moyen doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les deux vices relevés par l’arrêt de la cour avant dire droit ont été régularisés par l’arrêté du 21 avril 2023 du préfet de la Seine-Maritime et que la SCI du château de Silleron et M. A ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que le préfet de la Seine Maritime a autorisé la société du parc éolien du bois Désiré à construire et exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Saint-Pierre le Viger et La Gaillarde.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société « Parc éolien du bois Désiré », qui n’est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que la SCI du château de Silleron et M. A demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

21. Il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SCI du château de Silleron et M. A la somme demandée par la société « Parc éolien du bois Désiré » au même titre et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI du château de Silleron et de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société « Parc éolien du bois Désiré » au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du château de Silleron, à M. B A, à la société « Parc éolien du bois Désiré » et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l’audience publique du 21 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

— Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

— Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

— M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Sire La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01669

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Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 5 octobre 2023, n° 21DA01669