Cour administrative d'appel de Lyon, Plénière, du 31 décembre 1993, 92LY01605, mentionné aux tables du recueil Lebon

  • Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel·
  • Procédures de revision -effets d'une irrégularité·
  • Conformément aux intérêts de ce propriétaire·
  • Rj1 responsabilité de la puissance publique·
  • Rj1 urbanisme et aménagement du territoire·
  • Contrats ayant un caractère administratif·
  • Rj1 marchés et contrats administratifs·
  • Modification et revision des plans·
  • Plans d'aménagement et d'urbanisme·
  • Notion de contrat administratif

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Une convention entre une commune et un particulier prévoyant qu’en contrepartie de la cession à la commune à prix réduit d’une parcelle nécessaire à la réalisation d’équipements publics, d’autres parcelles appartenant au co-contractant deviendraient constructibles lors de la révision du plan d’occupation des sols et qu’au contraire des parcelles contigües appartenant à d’autres propriétaires demeureraient non constructibles met en jeu des prérogatives de puissance publique et, comportant ainsi une clause exorbitante du droit commun, constitue un contrat administratif.

La commune ne pouvant légalement s’engager à modifier la réglementation d’urbanisme dans le sens d’une convention avec un particulier, ce contrat est nul et ne peut être invoqué.

Toutefois, la signature par le maire d’une telle convention constitue une faute de service engageant la responsabilité de la commune à raison des promesses irrégulièrement faites. Alors même qu’il peut être regardé comme n’étant pas averti des procédures administratives, le co-contractant a, en suscitant un tel accord, commis une faute de nature à atténuer d’un tiers la responsabilité de la commune. Le premier terme de l’accord consistant dans la cession à prix réduit ayant seul été exécuté et même si le fait pour la commune de n’avoir pas donné suite à ses promesses manifestement illégales relatives au plan d’occupation des sols ne constitue pas une faute, le co-contractant justifie d’un préjudice procédant directement de la faute de service et lui ouvrant droit à indemnité.

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, plén., 31 déc. 1993, n° 92LY01605, Lebon T.
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 92LY01605
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 22 octobre 1992
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
. CAA de Paris, 13/06/1989, Commune de Bois d'Arcy, p. 318
Textes appliqués :
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel L8-1
Dispositif : Annulation indemnité
Identifiant Légifrance : CETATEXT000007455626

Sur les parties

Texte intégral


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 28 décembre 1992, la requête présentée pour M. et Mme Y… demeurant … par Me BOYER-BESSON, avocat au barreau de Grenoble ;
M. et Mme Y… demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 23 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Saint-Quentin-sur-Isère soit condamnée à leur payer une indemnité de 200 000 francs en réparation du préjudice résultant du non respect des engagements pris sur la constructibilité de terrains ;
2°) de condamner la commune de Saint-Quentin-sur-Isère à leur payer une indemnité de 200 000 francs en réparation du préjudice subi ainsi qu’une indemnité de 10 000 francs sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 décembre 1993 :
 – le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
 – les observations de Me LE DISEZ, substituant Me BOYER-BESSON, avocat de M. et Mme Y…, et Me Z… substituant Me X… DAY DREYFUS POIROT, avocat de la commune de Saint-Quentin-sur-Isère ;
 – et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requérants demandent l’annulation du jugement du 23 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Saint-Quentin-sur-Isère soit condamnée à leur payer une indemnité de 200 000 francs en réparation du préjudice résultant du non-respect des engagements qu’elle avait pris sur la constructibilité de terrains leur appartenant ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le maire de Saint-Quentin-sur-Isère et M. et Mme Y… ont conclu le 2 février 1987 une convention intitulée « protocole d’accord global » au terme de laquelle M. et Mme Y… se sont engagés à échanger ou céder à la commune à titre onéreux des parcelles nécessaires à la réalisation d’équipements publics et notamment une parcelle cadastrée AW 71 de 1 498 m2 pour un prix stipulé de 85 000 francs ; qu’en contrepartie la commune s’est engagée à faire en sorte, notamment à l’occasion de la révision du plan d’occupation des sols, qu’une parcelle cadastrée AL 196 appartenant aux requérants devienne constructible, que deux autres cadastrées AL 197 et 198 puissent continuer à pouvoir former deux lots constructibles et qu’enfin des parcelles contiguës appartenant à d’autres propriétaires demeurent au contraire non constructibles ; qu’en outre la commune s’engageait à raccorder une canalisation passant sous le terrain de football au drain établi sur la parcelle contiguë appartenant aux requérants ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la juridiction administrative est en tout état de cause compétente pour connaître, des demandes présentées par M. et Mme Y… à la commune de Saint-Quentin-sur-Isère, soit que ces dernières soient fondées sur l’inexécution par la commune des dispositions du protocole d’accord lequel doit être regardé dès lors qu’il mettait en oeuvre l’exercice de prérogatives de puissance publique détenues par la commune en matière d’urbanisme comme ne constituant pas une simple transaction financière d’ordre privé entre les parties, mais comme présentant le caractère d’un contrat administratif, soit que ces dernières trouvent leur fondement dans la faute de service commise par le maire de la commune, en prenant à l’égard des demandeurs des promesses qui excédaient manifestement sa compétence ;
Sur la responsabilité de la commune :

Considérant que le maire ne pouvait légalement s’engager au nom de la commune à modifier ou maintenir la règlementation d’urbanisme dans le sens de stipulations contractuelles conclues avec un particulier ; que, par suite, la commune n’a commis aucune faute en n’appliquant pas une convention nulle ; que par contre, M. et Mme Y… sont fondés à soutenir que le maire de Saint-Quentin-sur-Isère a commis une faute engageant la responsabilité de la commune à leur égard en s’engageant, de façon inconsidérée, à modifier ou maintenir la règlementation d’urbanisme applicable sur le territoire de la commune conformément au protocole d’accord intervenu ; que toutefois, même en admettant de les regarder comme n’étant pas avertis des procédures administratives, M. et Mme Y… ont, en se prêtant à la conclusion d’un tel accord manifestement illégal, commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune ; qu’il sera fait une exacte appréciation des responsabilités respectives en déclarant la commune responsable des deux tiers des conséquences dommageables pour les requérants des promesses qui leur ont été irrégulièrement faites ;
Sur le droit à réparation des préjudices invoqués par M. et Mme Y… :
Considérant que si les requérants se plaignent de l’absence de paiement du prix de certaines parcelles visées dans le protocole, comme devant être cédées à la commune et dont cette dernière a pris possession, sans que la situation soit régularisée par un acte authentique, le préjudice dont s’agit n’est en tout état de cause pas directement imputable aux promesses reçues par les demandeurs ; qu’il en est de même du préjudice qui résulterait pour les requérants du fait que la commune n’a pas effectué le raccordement de canalisations prévue par le protocole d’accord ; que les conclusions tendant à la réparation de ces préjudices doivent dès lors être écartés ;
Considérant que le fait que les requérants aient été amenés à céder à la commune la parcelle AW 71 à un prix inférieur à sa valeur réelle et qu’ils se soient ensuite trouvés dans l’impossibilité de vendre à des tiers comme terrains à bâtir les parcelles cadastrées AL 196, 197 et 198, est la conséquence directe des promesses qui leur ont été irrégulièrement faites  ; qu’ils ne peuvent toutefois prétendre à une indemnité, au titre de la privation des bénéfices qu’ils pouvaient escompter réaliser sur la vente des parcelles AL 196, 197 et 198 qui devaient être maintenues ou rendues constructibles, ce chef de préjudice ne présentant qu’un caractère purement éventuel ; qu’ils peuvent en revanche demander à être indemnisés du préjudice résultant de la cession à la commune de la parcelle cadastrée AW 71 ;
Sur l’évaluation du préjudice :

Considérant que la commune ne conteste pas que le prix de 85 000 francs stipulé pour une parcelle de 1 498 m2 est nettement inférieur à celui auquel elle pouvait normalement être vendue, compte tenu de sa situation en zone UD au plan d’occupation des sols alors en vigueur ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les requérants en le fixant, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, à la somme de 120 000 francs ; qu’il y a lieu en conséquence d’annuler le jugement attaqué et de condamner la commune de Saint-Quentin-sur-Isère à payer à M. et Mme Y… une indemnité de 120 000 francs ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner la commune de Saint-Quentin-sur-Isère à payer à M. et Mme Y… une indemnité de 3 000 francs ; que les conclusions de la commune tendant à obtenir une indemnité de 5 000 francs ne peuvent, dès lors qu’elle est la partie perdante, qu’être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 23 octobre 1992 est annulé.
Article 2 : La commune de Saint-Quentin-sur-Isère est condamnée à payer à M. et Mme Y… une indemnité de 120 000 francs.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Y… est rejeté.
Article 4 : La commune de Saint-Quentin-sur-Isère est condamnée à payer à M. et Mme Y… une indemnité de 3 000 francs sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Quentin-sur-Isère tendant à obtenir une indemnité de 5 000 francs sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont rejetées.

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