COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 6ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2012, 11LY00943, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 6e ch. - formation à 3, 27 sept. 2012, n° 11LY00943
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 11LY00943
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 9 février 2011, N° 0604581
Identifiant Légifrance : CETATEXT000026454364

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2011, présentée pour la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION, dont le siège est avenue Edmond Vaucher 18, case postale 3100, 1211 Genève 2 (Suisse) ;

La CAISSE SUISSE DE COMPENSATION demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0604581 du 10 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune des Allues et de la société d’exploitation Méribel-Alpina à lui verser une somme de 121 962 francs suisses outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts échus ;

2°) de condamner la commune des Allues et la société d’exploitation Méribel-Alpina à lui verser une somme de 167 472 francs suisses, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts échus ;

3°) de mettre à la charge de la commune des Allues et de la société d’exploitation Méribel-Alpina la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le fait que la réglementation prévue par l’arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l’établissement à l’extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement ne prévoyait pas d’obligation de signalement, ne dispensait pas le maire de signaler le catex qui, n’étant pas visible, constitue une installation potentiellement dangereuse ; que, faute d’avoir signalé le catex le maire a commis une faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police en raison des nombreuses activités de vol pratiquées sur ce site ; que M. A étant un tiers par rapport à l’ouvrage que constitue le câble litigieux, la responsabilité de la société Méribel-Alpina se trouve ainsi engagée à raison des dommages causés par ce câble dont la présence, non visible et non signalée, est à l’origine exclusive de l’accident ; que c’est à tort que le tribunal administratif a considéré que l’accident était dû à des imprudences graves de M. A ; qu’il ressort de la réglementation applicable qu’il n’est pas interdit à un pilote de vol à voile d’évoluer à moins de 150 mètres du sol ; que la victime était un pilote chevronné et très expérimenté, comptabilisant plus de 1 800 heures de vol ; que les aéronefs non moto propulsés effectuant des vols de pente peuvent faire exception aux règles de hauteur de vol lorsqu’ils effectuent des vols de pente ; que M. A a donc effectué un vol conformément aux pratiques sportives en la matière et dans le respect des textes qui excluent des hauteurs minimales les vols de pente ; que c’est bien la seule présence du catex qui est la cause de la chute et du décès du pilote ; que la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION justifie de l’immatriculation au régime d’assurance obligatoirement souscrit par la victime et donc de la subrogation dans les droits de la fille de la victime ; qu’il existe un lien de causalité directe entre les prestations qu’elle a versées à celle-ci et celles qui restent à lui verser, et le décès de M. A provoqué par la présence du catex ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mai 2012, présenté pour la société d’exploitation Méribel-Alpina qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

— que la requête est irrecevable dès lors que la requérante ne produit aucun document signé de la fille de la victime justifiant de sa qualité à agir ;

 – que c’est à bon droit que le Tribunal n’a pas retenu le défaut d’entretien normal dès lors que le câble qui a été percuté, eu égard à sa hauteur et compte tenu de la réglementation applicable, n’avait pas été signalé et ne présentait par lui-même aucun danger particulier dès lors que le survol à 30 m d’altitude ne fait pas partie des éléments prévisibles ;

 – qu’en l’espèce il résulte de l’enquête de gendarmerie que l’accident est survenu en conséquence du comportement fautif de la victime qui a pris le risque de survoler la station de ski à une altitude de 30 mètres en dépit de la réglementation qui autorise les planeurs à descendre en dessous de 150 mètres d’altitude sous réserve qu’il n’en résulte aucun risque pour les personnes et les biens ;

 – que la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION ne justifie pas des sommes pour lesquelles elle sollicite une indemnisation dès lors qu’elle ne produit pas la justification de l’intégralité des sommes qu’elle aurait versées ; que, pour partie, les sommes qu’elle doit verser correspondent à des dépenses liées aux études d’un enfant et n’ont, de ce fait, pas de caractère certain ;

 – que la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION ne fournit aucune précision sur les procédures qu’elle a engagées parallèlement en vue d’obtenir une indemnisation couvrant les mêmes préjudices que ceux dont elle fait état dans le cadre de la présente instance ; qu’elle doit faire connaître les sommes qu’elle aurait perçues en conséquence de décisions du juge judiciaire afin d’éviter une double indemnisation ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2012, présenté pour la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2012, présenté pour la commune des Allues qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, comme l’ont relevé les premiers juges, sa responsabilité pour faute ou sans faute ne saurait être engagée dès lors qu’il n’existait pas d’obligation de signalisation de l’ouvrage et qu’aucun danger particulier ne justifiait une telle signalisation ; qu’en tout état de cause, en tant qu’autorité concédante, seule la responsabilité pour faute peut être utilement invoquée à son encontre ; que le préjudice allégué n’est pas caractérisé ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2012, présenté pour la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre qu’elle a déjà versé la somme de 63 021 francs suisses à la fille de M. A sur la somme totale et actualisée de 175 412 francs suisses ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juillet 2012, présenté pour la commune des Allues qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance du 25 juin 2012 fixant au 13 juillet 2012 la date de clôture de l’instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’aviation civile ;

Vu l’arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l’établissement à l’extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 septembre 2012 :

— le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

— les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

— et les observations de Me Chaulot, avocat de la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et de Me Xynopoulos, avocat de la commune des Allues ;

Considérant que le 15 juillet 2004, le planeur piloté par M. A, ressortissant suisse qui participait à une épreuve de vitesse de la coupe du monde de vol à voile en montagne, est décédé après avoir percuté un câble de transport d’explosifs pour le déclenchement d’avalanches, ou « catex », du domaine skiable de la station de ski de Méribel ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION tendant à la condamnation de la commune des Allues et de la société d’exploitation Méribel-Alpina à lui verser une somme correspondant à la rente d’orphelin qu’elle verse à la fille de la victime ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l’établissement à l’extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation : " Pour l’application du troisième alinéa de l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile, ne peuvent être soumises à un balisage diurne et nocturne, ou à un balisage diurne ou nocturne, que les installations (y compris les lignes électriques) dont la hauteur en un point quelconque au-dessus du niveau du sol ou de l’eau est supérieure à : a) 80 mètres, en dehors des agglomérations ; b) 130 mètres, dans les agglomérations ; c) 50 mètres, dans certaines zones, ou sous certains itinéraires où les besoins de la circulation aérienne le justifient, notamment : (…) les zones montagneuses (…). » ; qu’aux termes de l’article D. 131-7 du code l’aviation civile : «  Les règles de l’air définies à l’annexe I de la présente section s’imposent à tous les aéronefs compris dans la circulation aérienne générale dans l’espace aérien où les services de la circulation aérienne sont assurés par l’administration française. » ; qu’aux termes du 4.5 du chapitre IV, intitulé « Règles de vol à vue (VFR) », de cette annexe : " (…) aucun vol VFR ne doit être effectué : a) Au-dessus des zones à forte densité, des villes ou autres agglomérations ou de rassemblements de personnes en plein air à moins de 300 mètres (1 000 pieds) au-dessus de l’obstacle le plus élevé situé dans un rayon de 600 mètres autour de l’aéronef ; b) Ailleurs qu’aux endroits spécifiés en 4.5 (a), à une hauteur de moins de 150 mètres (500 pieds) au-dessus du sol ou de l’eau et à une distance de moins de 150 mètres de toute personne, de tout véhicule ou navire à la surface ou de tout obstacle artificiel. Les aéronefs non moto propulsés effectuant des vols de pente peuvent faire exception à cette règle sous réserve de n’entraîner aucun risque pour les personnes ou les biens à la surface.  » ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées, d’une part, que seules les installations d’une hauteur supérieure à 50 mètres sont soumises à une obligation de balisage et, d’autre part, que s’il n’est pas interdit aux pilotes d’aéronefs non moto propulsés de voler à moins de 150 mètres du sol, c’est à la condition qu’ils prennent toutes les précautions nécessaires destinées non seulement à prévenir les risques qu’ils pourraient faire courir aux personnes ou aux bien situés à la surface, mais également à éviter les dangers auxquels ils sont eux-mêmes exposés en raison d’un vol à basse altitude, en particulier en montagne ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le 15 juillet 2004, alors qu’il participait à une épreuve de la coupe du monde de vol à voile en montagne, M. A a percuté avec son planeur un câble dit « catex » situé à environ 30 mètres du sol, sur le territoire de la commune des Allues, au droit du domaine de la station de ski de Méribel Les Allues ; que, comme tout pilote expérimenté participant à ce type de compétition de haut niveau, M. A ne pouvait ignorer les risques liés au survol de stations de ski, qui comportent nécessairement la présence de câbles, notamment des câbles de transport d’explosifs (catex), dont la hauteur, lorsqu’elle est inférieure à 50 mètres, n’exige pas, eu égard à la réglementation applicable, qu’ils soient signalés ; qu’en l’espèce, selon le procès-verbal de synthèse du service des transports aériens de Lyon de la gendarmerie nationale du 20 août 2004, dans le cadre de la compétition, M. A, alors deuxième au classement, « a pris un maximum de risques en évoluant trop près du relief » en raison du manque de courants ascendants ; que, dans ces conditions, l’accident dont il a été victime en percutant un câble est exclusivement imputable à l’imprudence dont il a fait preuve ; que, dès lors, ni la commune des Allues, dont le maire n’a pas commis de faute en ne signalant pas l’ouvrage, ni la société d’exploitation Méribel-Alpina, chargée de la gestion du domaine skiable de la commune, ne sont responsables des conséquences dommageables de l’accident ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION le paiement à la commune des Allues et à la société d’exploitation Méribel-Alpina le paiement à chacune d’une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;


DECIDE :

Article 1er : La requête de la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION est rejetée.

Article 2 : La CAISSE SUISSE DE COMPENSATION versera à la commune des Allues la somme de 1 000 euros et la même somme à la société d’exploitation Méribel-Alpina.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION, à la commune des Allues et à la société Méribel-Alpina.

Délibéré après l’audience du 6 septembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2012.

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