CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2015, 14LY02301, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 4e ch. - formation à 3, 18 juin 2015, n° 14LY02301
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 14LY02301
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Lyon, 27 mai 2014, N° 1105446
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030770484

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’union sportive albenassienne de tir a demandé au Tribunal administratif de Lyon d’annuler l’arrêté en date du 7 juin 2011 par lequel le sous-préfet de Largentière a réglementé les activités du club « USA tirs » d’Aubenas et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1105446 du 28 mai 2014, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2014 et le 21 avril 2015, l’union sportive albenassienne de tir, représentée par Me A…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Lyon du 28 mai 2014 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 7 juin 2011 ;

3°) d’enjoindre à l’administration de tirer toutes conséquences de droit et de fait de cette annulation et notamment d’ordonner de nouvelles diligences expertales de mesures sonométriques ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement attaqué ne répond pas à tous les moyens et conclusions présentés dans sa requête et ses deux mémoires complémentaires ; il n’est statué ni sur la compétence du sous-préfet, ni sur les conditions de son intervention, alors qu’il n’est pas justifié qu’une mise en demeure avait été adressée au maire d’Aubenas ; il n’est pas davantage statué sur l’insuffisance de motivation ; le moyen tiré du détournement de pouvoir n’est pas examiné ; l’excès de pouvoir et l’erreur manifeste d’appréciation ont été traités en parallèle, la justification de l’un empêchant que l’autre soit constituée ; l’existence d’un bruit nocif n’est pas caractérisée, son argumentation n’a pas été examinée ;

 – il n’a pas été tenu compte de son dernier mémoire ; seul le décès du précédent avocat de l’association et les difficultés pour prendre possession du dossier ont entraîné un tel délai de réaction, les circonstances de fait et de droit qui étaient exposées dans ce mémoire auraient dû conduire le juge à reporter la clôture de l’instruction ;

 – les considérations annexes retenues par les premiers juges sont inopérantes, le maire exerçant un pouvoir de police spécial en la matière, qui n’est pas discrétionnaire ;

 – le sous-préfet ne pouvait édicter l’arrêté litigieux et a commis une erreur de droit, en absence de carence du maire, dès lors qu’aucune état de nécessité n’est avéré et, de justification d’une mise en demeure ; seul le préfet pouvait agir ; le maintien de l’ordre public ne peut être utilement invoqué par le ministre de l’intérieur pour soutenir que l’arrêté est légal, cette notion étant distincte de la tranquillité publique ;

 – l’arrêté litigieux est insuffisamment motivé ; ce moyen est recevable, s’agissant d’un moyen de légalité interne, des critiques de la légalité externe de l’acte ayant par ailleurs été formulées en première instance ;

 – cet arrêté est entaché d’un excès de pouvoir, le sous-préfet s’étant arrogé les pouvoirs du maire qui avait correctement apprécié la situation ; aucune carence ne peut être reprochée au maire puisqu’il a pris une décision ;

 – l’arrêté est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;

 – il est constitutif d’un détournement de pouvoir ;

 – sa requête est recevable, le président a été régulièrement habilité à agir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2015, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – la requête est irrecevable, la décision d’interjeter appel ayant été prise par le comité directeur et l’association ayant été représentée par un avocat qui n’a pas été habilité par le président, en méconnaissance de l’article 11 des statuts de l’association ;

 – le jugement n’est pas irrégulier, la juridiction n’étant pas obligée de tenir compte du dernier mémoire de l’association, produit après la clôture de l’instruction ;

 – le maire était compétent pour réglementer l’activité de l’association afin de limiter les nuisances sonores sur la base de ses pouvoirs de police générale, nonobstant l’existence d’une police spéciale ; le représentant de l’Etat était compétent pour se substituer au maire, qui avait refusé de faire droit aux demandes du sous-préfet d’exercer son pouvoir de police ; le sous-préfet avait reçu délégation ; il était également compétent, en tout état de cause, pour agir sans mise en demeure, sur le fondement du 2° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors que les nuisances sonores débordaient les limites de la commune d’Aubenas ;

 – le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêté est irrecevable dès lors que l’association n’avait soulevé aucun moyen de légalité externe en première instance ; ce moyen n’est pas fondé ;

 – les premiers juges ont exercé un plein contrôle de la qualification juridique des faits, il ne peut leur être reproché d’avoir exercé un contrôle restreint ; l’invocation des dispositions du code de la santé publique est inopérante ; en tout état de cause, les mesures imposées sont justifiées par les nuisances sonores produites par son activité et strictement proportionnées ; ni la réalité des nuisances, ni l’adéquation entre les mesures et les nuisances ne sont contestées ;

 – le moyen tiré du détournement de pouvoir n’est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

 – les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public, désignée en application des dispositions des articles R. 222-32 et R. 222-24 du code de justice administrative,

 – et les observations de M. Comte, président de l’union sportive albenassienne de tir.

1. Considérant que l’union sportive albenassienne de tir relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 7 juin 2011 du sous-préfet de Largentière réglementant les activités du club « USA tirs » d’Aubenas ;

Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête d’appel par le ministre de l’intérieur :

2. Considérant qu’en l’absence dans les statuts d’une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l’organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que dans le silence desdits statuts sur ce point, l’action ne peut être régulièrement engagée que par l’assemblée générale ;

3. Considérant qu’il ressort de l’article 11 des statuts de l’association requérante que son président la représente dans tous les actes de la vie civile et devant les tribunaux ; qu’aucune stipulation ne réserve expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice ; que, dans ces conditions, le président de l’union sportive albenassienne de tir avait seul compétence, tant pour décider de relever appel du jugement en litige que pour représenter l’association au cours de l’instance et choisir un avocat ; que la circonstance que le comité directeur de l’union sportive a, de manière surabondante, été consulté, est sans incidence sur la recevabilité de la requête d’appel ; que les fins de non-recevoir tirées de ce que la décision d’interjeter appel et la désignation de l’avocat ont été prises par des autorités incompétentes doivent, par suite, être écartées ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par le préfet de l’Ardèche :

4. Considérant qu’il ressort de l’article 11 des statuts de l’union sportive albenassienne de tir, dont la teneur a été rappelée au point 3, que la demande pouvait être valablement introduite par le président de l’union sportive ; qu’il ressort du dossier de première instance que l’association était représentée par son président ; que la circonstance alléguée que le bureau de l’association aurait été consulté, de manière surabondante, est sans incidence sur la recevabilité de la demande ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l’Ardèche en première instance doit être écartée ;

Sur la légalité de l’arrêté litigieux :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ou sur les autres moyens contestant la légalité de l’arrêté ;

5. Considérant qu’aux termes du 1° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : « Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. /Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’Etat dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat » ;

6. Considérant qu’aucun courrier valant mise en demeure ne figure parmi les pièces du dossier ; qu’il ne ressort pas davantage des comptes-rendus de réunion produits par le préfet de l’Ardèche qu’une telle mise en demeure aurait, en toute hypothèse, été adressée verbalement au maire d’Aubenas ; que si l’arrêté litigieux se réfère au courrier du maire d’Aubenas en date du 19 mai 2011, indiquant au sous-préfet de Largentière que « dans le prolongement de vos différentes demandes, je vous précise que je n’envisage pas, pour l’instant, d’exercer mon pouvoir de police », ce document est, compte tenu de l’imprécision de ses termes, insuffisant pour tenir pour établie l’existence d’une véritable mise en demeure de mettre en oeuvre son pouvoir de police ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’urgence aurait justifié que la mesure litigieuse soit prise sans mise en demeure préalable ;

7. Considérant que le ministre de l’intérieur fait valoir par ailleurs que la compétence de l’Etat pouvait également se fonder sur le 2° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose : « Si le maintien de l’ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l’Etat dans le département peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires de ces communes pour l’exercice des pouvoirs mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2213-23 » ;

8. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles constatés nécessitaient l’intervention d’un autre maire que celui d’Aubenas pour réglementer l’activité du club de tir, dont il est constant qu’il est exclusivement situé sur son territoire, alors même que les nuisances sonores générées par cette activité sont également perceptibles depuis la commune limitrophe de Saint-Didier-sous-Aubenas ; que, par l’arrêté litigieux, le sous-préfet s’est seulement substitué au maire d’Aubenas ; que, dans ces conditions, le 2° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui ne prévoit pas d’obligation de mise en demeure du maire, ne saurait trouver à s’appliquer en l’espèce ; que, dès lors, le ministre de l’intérieur n’est pas fondé à solliciter une substitution de base légale ;

9. Considérant que, dans ces conditions, l’association requérante est fondée à soutenir que l’arrêté litigieux a été édicté par une autorité incompétente ; qu’elle est également fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

10. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative ; « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ;

11. Considérant que l’union sportive albenassienne de tir demande à la cour d’enjoindre à l’administration de tirer toutes conséquences de droit et de fait de cette annulation, et notamment d’ordonner de nouvelles diligences expertales de mesures sonométriques ;

12. Considérant que le présent arrêt n’implique pas nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde pour annuler l’arrêté du 7 juin 2011, que des mesures acoustiques soient ordonnées ; qu’il y a seulement lieu de prescrire au préfet de l’Ardèche de réexaminer la situation, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date de ce nouvel examen ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante, le versement à l’association requérante d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1105446 du tribunal administratif de Lyon en date du 28 mai 2014 et l’arrêté du sous-préfet de Largentière du 7 juin 2011 réglementant les activités du club « USA tirs » d’Aubenas sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l’Ardèche de réexaminer la situation dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le ministre de l’intérieur versera à l’union sportive albenassienne de tir une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l’union albenassienne de tir est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’union albenassienne de tir, au ministre de l’intérieur, et au préfet de l’Ardèche.

Copie en sera adressée à l’association USA Tirs.

Délibéré après l’audience du 28 mai 2015, où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Mesmin d’Estienne, président-assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2015.

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N° 14LY02301 6

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