CAA de LYON, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2018, 16LY02646, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 6e ch. - formation à 3, 12 juill. 2018, n° 16LY02646
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 16LY02646
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 25 mai 2016, N° 1501170
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037249709

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. B… Vrevin a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l’Etat à lui verser la somme de 435 870 euros en réparation des préjudices subis en lien avec l’illégalité fautive dont sont entachés les arrêtés du préfet de l’Allier des 20 septembre et 5 décembre 2012 pris à son encontre et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1501170 du 26 mai 2016, le tribunal a rejeté la requête de M. Vrevin.


Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 juillet 2016 et 15 décembre 2017, M. Vrevin, représenté par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1501170 du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 435 870 euros en réparation du préjudice en lien avec l’illégalité fautive entachant les arrêtés du préfet de l’Allier des 20 septembre et 5 décembre 2012 pris à son encontre, ladite somme devant être assortie des intérêts légaux à compter du 13 février 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – il existe un lien de causalité direct et certain entre les illégalités fautives commises par le préfet de l’Allier et les préjudices économiques dont il demande réparation ;

 – les pertes de revenus résultant de l’impossibilité d’exercer les fonctions de directeur administratif et pédagogique de l’association AVSport Concept jusqu’à sa mise à la retraite, les pertes de revenu d’enseignant pendant 42 jours, les pertes de salaires en qualité de directeur de colonie de vacances pendant la période d’octobre 2012 à septembre 2014 sont établies par les pièces du dossier produites ;

 – les illégalités fautives commises par le préfet de l’Allier lui ont également causé un préjudice moral certain qui peut être évalué à la somme de 10 000 euros ;

 – la circonstance qu’il était fonctionnaire ne lui interdisait pas d’exercer les fonctions de président de l’association AVSport et de demander la réparation des préjudices subis en relation avec les décisions illégales prises à son encontre ;

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2017, le ministre de l’éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – M. Vrevin ne peut solliciter l’indemnisation de pertes de revenus en lien avec les illégalités fautives invoquées dès lors qu’en raison de son statut de fonctionnaire en congé de maladie, il se trouvait dans une situation illégale en exerçant une autre activité salariée ; en outre, il ne peut demander l’indemnisation des pertes de revenus dès lors que l’association AVSport étant en liquidation judiciaire, l’association n’aurait plus eu besoin de lui ;

 – il n’existe pas de lien de causalité entre les préjudices financiers invoqués et les mesures de police administrative prises à son encontre et annulées par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

 – le requérant n’établit pas l’existence du préjudice financier résultant de l’impossibilité d’exercer les fonctions de directeur de colonie de vacances d’octobre 2012 à septembre 2014 dès lors qu’il n’apporte aucune pièce de nature à établir qu’au titre de la période susmentionnée, en l’absence des mesures de police illégales prises à son encontre, il aurait exercé des fonctions de directeur de colonie ;

 – le préjudice moral dont le requérant se prévaut n’est pas davantage établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code de justice administrative ;

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 21 juin 2018 :

 – le rapport de M. Carrier ;

 – les conclusions de Mme Caraës, rapporteur public ;

 – et les observations de Me Remedem, avocat de M. Vrevin.

1. Considérant que, M. Vrevin, professeur de lycée professionnel, est devenu président de l’association AVSport concept qui organisait des séjours de vacances ; que, le 24 août 2012, lors d’un séjour de vacances organisé par l’association AVSport concept, un véhicule de transport d’enfants de cette association a eu un accident de la circulation ayant causé à l’un des enfants transportés un traumatisme crânien et à la conductrice et aux autres passagers des blessures plus légères ; que l’enquête administrative a révélé de nombreux dysfonctionnements administratifs ; que le préfet de l’Allier a estimé que la poursuite des activités de l’association AVSport concept était de nature à présenter des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs ; que, par un arrêté du 20 septembre 2012, il a prononcé la suspension de M. Vrevin, président de l’association, de l’exercice de ses fonctions d’organisateur ou de quelques fonctions que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l’article L. 227-7 du code de l’action sociale et des familles, puis, par un arrêté du 5 décembre suivant, a interdit à titre définitif à l’intéressé d’exercer une quelconque fonction auprès de mineurs accueillis dans le même cadre ; que, par deux jugements des 9 octobre 2013 et 21 janvier 2014 devenus définitifs, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces arrêtés, aux motifs, pour le premier, que le préfet n’avait pas fait mention des circonstances de fait caractérisant l’urgence et justifiant le recours aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 227-10 du code de l’action sociale et des familles et, pour le second, que les griefs retenus par le préfet n’étaient pas, par eux-mêmes et à eux seuls, de nature à caractériser des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs concernés ; qu’à la suite de ces jugements, M. Vrevin a présenté une demande indemnitaire d’un montant de 435 870 euros aux fins d’obtenir réparation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait de l’illégalité fautive des arrêtés susmentionnés ; que, par jugement du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande ; que, par sa requête, M. Vrevin demande l’annulation de ce jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant, en premier lieu, que M. Vrevin demande à être indemnisé des pertes de revenus résultant de la différence entre le salaire qu’il aurait perçu en qualité de directeur administratif et pédagogique de l’association AVSport concept et son traitement de professeur pendant une période de 25 ans ; qu’il résulte de l’instruction, notamment de la déclaration unique d’embauche du 13 septembre 2012 produite en appel, que M. Vrevin était, à cette date, en passe d’être recruté par l’association AVSport concept ; que, toutefois, le requérant ne produit pas davantage en appel qu’en première instance de document (contrat de travail, projet de contrat de travail, fiche de poste, etc.) établissant le montant exact de sa rémunération, la nature de ses fonctions et la durée de son engagement ; que si le procès-verbal du bureau de l’association AVSport concept du 3 juillet 2012 produit par le requérant fait état du projet de création d’un poste de directeur administratif et pédagogique, en contrat à durée indéterminée pour un salaire net d’environ 3 400 euros, qui serait confié à M. Vrevin, ce document est insuffisant à lui seul pour établir la perte de rémunération alléguée ou même l’existence d’une perte de chance sérieuse ; qu’il s’ensuit, qu’en l’état du dossier, ce chef de préjudice ne peut être accueilli ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant demande l’indemnisation de la perte de son traitement de professeur pendant une période de 42 jours ; que, toutefois, cette perte de traitement est en lien non avec les arrêtés préfectoraux susmentionnés mais exclusivement avec la demande de mise en disponibilité pour convenance personnelle que M. Vrevin avait formulée le 4 juin 2012 qui a été acceptée par son administration le 20 août 2012 et à laquelle il a été mis fin à sa demande le 12 novembre 2012 ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le requérant demande l’indemnisation des pertes de revenu qu’il aurait subies du fait de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé d’exercer les fonctions de directeur de colonie de vacances d’octobre 2012 à septembre 2014 ; que, toutefois, M. Vrevin n’apporte aucun élément de nature à établir qu’en raison des arrêtés préfectoraux susmentionnés, des engagements en qualité de directeur de colonie de vacances auraient été rompus ou que sa candidature aurait été rejetée ; qu’il n’établit pas davantage, en se bornant à produire une fiche de salaire, qu’avant les arrêtés préfectoraux annulés, la direction de colonies de vacances aurait constitué pour lui une source de revenus régulière ; qu’enfin, et en tout état de cause, il n’établit pas qu’il aurait obtenu une autorisation de cumul de la part de l’administration de l’éducation nationale pour exercer cette activité accessoire à ses fonctions de professeur de lycée professionnel ; qu’il s’ensuit que les conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice ne peuvent être accueillies ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que les arrêtés préfectoraux susmentionnés qui sont entachés d’une illégalité fautive ont causé un préjudice moral à M. Vrevin qui exerçait des fonctions d’animation et d’encadrement dans le secteur de la jeunesse depuis un grand nombre d’années ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, à la date à laquelle les arrêtés préfectoraux ont été adoptés, M. Vrevin qui était placé en disponibilité pour convenance personnelle n’était pas dans une situation administrative irrégulière ; que, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui accordant à ce titre la somme de 3 000 euros ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 février 2015, date de réception de la demande préalable ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Vrevin est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. Vrevin et non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 mai 2016 est annulé.

Article 2 : L’Etat est condamné à verser à M. Vrevin la somme de 3 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 février 2015.

Article 3 : L’Etat versera M. Vrevin la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Vrevin est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… Vrevin et au ministre de l’éducation nationale. Copie en sera adressée au préfet de l’Allier.

Délibéré après l’audience du 21 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2018.


N° 16LY02646 2

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