Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 16 juin 2020, n° 18LY04519

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 3e ch., 16 juin 2020, n° 18LY04519
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 18LY04519
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 22 octobre 2018, N° 1606774
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A F a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d’annuler la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le maire de Romans-sur-Isère a refusé de la réintégrer et l’a maintenue en congé de maladie ordinaire et la décision implicite de rejet de sa demande de reclassement présentée le 20 octobre 2016 ;

2°) de condamner la commune de Romans-sur-Isère à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1606774 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 30 septembre 2016 et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2018 et le 15 mai 2019, Mme F, représentée en dernier lieu par Me G, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 octobre 2018;

2°) d’ordonner par un arrêt avant dire droit une expertise afin de dire :

— si les pathologies déclarées en août 2013 sont distinctes de celle survenue le 17 novembre 2008 ou n’en constituent qu’une rechute ;

— si son affection est compatible avec des fonctions de ménage ;

— quelles sont les tâches qu’elle peut assumer en raison de son état de santé ;

— si elle doit être reclassée ;

3°) d’annuler la décision du 30 septembre 2016 et la décision implicite de rejet de sa demande de reclassement du 20 octobre 2016 ;

4°) d’enjoindre à la commune de Romans-sur-Isère de :

— la placer en congé de maladie avec plein traitement ;

— procéder à son reclassement ;

5°) de condamner la commune de Romans-sur-Isère à lui verser une indemnisation de 30 000 euros en réparation de son préjudice ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Romans-sur-Isère la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— c’est à tort que les juges de première instance n’ont pas retenu que ses congés de maladie ordinaire n’avaient pas à être payés à plein traitement en application des dispositions du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 car sa maladie est en lien avec le service ;

— c’est à tort que les juges de première instance ont considéré qu’elle n’avait pas à être reclassée ;

— la dégradation de son état mental du fait des refus de la commune de la reclasser entraîne un préjudice qui doit être réparé par le versement d’une indemnité de 30 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 mars 2019 et le 24 mai 2019 (non communiqué), la commune de Romans-sur-Isère représentée par Me D conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme F la somme de 4 000 euros.

Elle soutient que :

— les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 30 septembre 2016 sont irrecevables, cette décision étant d’ores et déjà annulée par le jugement du 23 octobre 2018 ;

— les moyens dirigés contre la décision implicite de rejet de la demande de reclassement doivent être écartés, l’inaptitude définitive de Mme F à exercer les fonctions de son grade n’ayant jamais été reconnue ; cette dernière n’avait pas épuisé ses droits congé maladie ordinaire ; la commune a fait preuve de diligence ;

— les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

En application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative la clôture d’instruction a été fixée au 24 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

— les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

— et les observations de Me G, représentant Mme F, et de Me C représentant la commune de Romans-sur-Isère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F a été recrutée par contrat par la commune de Romans-sur-Isère en octobre 2003, comme agent de propreté. Devenue adjointe technique deuxième classe stagiaire le 1er juillet 2010, elle a été titularisée le 1er juillet 2012. A la suite d’un arrêt de travail du 30 juin 2016 consécutif à son affection aux membres supérieurs, Mme F a été examinée le 19 août 2016 par le docteur Duchange, médecin régional inspecteur qui a fait part de préconisations pour sa reprise du travail. Suite à l’avis du 8 septembre 2016 du comité médical, qui a confirmé l’aptitude de Mme F à la reprise du travail sur un poste conforme au descriptif du docteur Duchange, et par un courrier du 30 septembre 2016, la commune de Romans-sur-Isère a fait savoir à Mme F qu’elle ne disposait pas de poste disponible correspondant à ces préconisations et que, n’étant pas non plus en mesure de la reclasser, il était décidé de la maintenir en congé maladie ordinaire à demi-traitement. Par un courrier du 24 octobre 2016, Mme F a demandé à être reclassée. Mme F relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 octobre 2018 qui a, en premier lieu, annulé la décision du 30 septembre 2016 pour un motif de légalité externe et, en second lieu, rejeté, d’une part, sa demande d’annulation dirigée contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune sur sa demande du 24 octobre 2016 et d’autre part, ses conclusions à fin de condamnation de la commune de Romans-sur-Isère à lui verser en réparation de son préjudice une indemnité de 30 000 euros.

Sur l’absence de reclassement de Mme F :

Sans qu’il soit besoin de diligenter l’expertise demandée par Mme F :

2. Ainsi qu’il a été dit au point 1 du présent arrêt, la commune de Romans-sur-Isère a fait part à Mme F de son impossibilité de la reclasser par décision du 30 septembre 2016, et a implicitement rejeté sa demande de reclassement du 24 octobre 2016.

3. Aux termes de l’article 81 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : « Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d’altération de leur état physique, inaptes à l’exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d’un autre cadre d’emploi, emploi ou corps s’ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d’une demande par l’intéressé. » L’article 1er du décret du 30 septembre 1985 susvisé dispose que : « Lorsque l’état de santé d’un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d’exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d’aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. » L’article 2 du même décret, dans sa version applicable aux faits en litige dispose que : « Lorsque l’état physique d’un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d’exercer toute activité, ne lui permet pas d’exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l’autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l’intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d’un autre corps ou cadres d’emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l’article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. » Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un fonctionnaire territorial est reconnu, par suite de l’altération de son état physique, inapte à l’exercice de ses fonctions, il incombe à l’administration de rechercher un aménagement de ses conditions de travail adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l’agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l’administration de l’inviter à présenter une demande de reclassement, et lorsque cette demande lui a été faite, de chercher à reclasser l’intéressé dans un autre emploi.

4. Par un avis rendu le 19 août 2016, le docteur Duchange, médecin inspecteur régional, qui a examiné Mme F, a indiqué que l’état de santé de cette dernière lui permettait d’accomplir certaines tâches limitées de nettoyage. Dans un rapport d’expertise établi le 26 août 2016, le docteur Walser a mentionné qu’il serait indiqué que Mme F change de type de travail, mais n’en a pas moins admis qu’elle n’était pas totalement inapte à son poste de travail. Par un avis du 8 septembre 2016, le comité médical a considéré que l’intéressée était apte à un poste répondant aux préconisations du docteur Duchange et du médecin de prévention. Prenant en compte lesdites préconisations, la commune a élaboré, le 2 janvier 2017, une fiche de poste pour un poste destiné à accueillir Mme F les respectant intégralement, et celle-ci a été validée par le médecin de prévention par un courrier du 20 janvier 2017. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la commune disposait d’un autre poste compatible avec les compétences, les qualifications limitées et les affections de Mme F. Dans ces circonstances, cette dernière n’est pas fondée à soutenir que la commune de Romans-sur-Isère a manqué à son obligation de lui confier, en application des textes mentionnés au point précédent, un poste adapté à son affection ou de la reclasser.

5. Ses conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite née du silence conservé par l’administration sur sa demande du 24 octobre 2016 ne peuvent dès lors qu’être rejetées ainsi par voie de conséquence que celles relatives à ce qu’il soit enjoint à l’administration de la reclasser.

Sur le maintien de Mme F en congé maladie ordinaire avec demi-traitement :

6. Lorsque le juge de l’excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l’annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l’annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d’annulation, des conclusions à fin d’injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l’autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l’excès de pouvoir d’examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l’injonction demandée.

7. Mme F soutient que c’est à tort que les juges de première instance n’ont pas retenu que ses congés de maladie ordinaire n’avaient pas à être payés à plein traitement en application des dispositions du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 car sa maladie est en lien avec le service.

8. L’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa version applicable à la date des arrêtés en litige dispose : « Le fonctionnaire en activité a droit : / 2° A des congés de maladie () / (), si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite. ». Le droit, issu de ces dispositions, de conserver l’intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident ou une pathologie survenu dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions et ne saurait dès lors s’appliquer aux agents qui n’avaient pas la qualité de fonctionnaire territorial à la date à laquelle est survenu l’accident ou à laquelle la pathologie s’est manifestée pour la première fois.

9. Mme F expose qu’elle souffre d’un syndrome du canal carpien des deux poignets reconnu comme maladie professionnelle depuis le 10 juin 2009 et dont il a été admis par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qu’elle avait été victime d’une rechute le 23 septembre 2014. Si par ailleurs il n’est pas contesté que Mme F est également affectée par un syndrome du canal ulnaire des deux coudes, il ressort des pièces du dossier que cette maladie a été constatée pour la première fois le 17 novembre 2008 et que, comme son affection du canal carpien, elle a été reconnue comme maladie professionnelle et prise en charge par la CPAM. Mme F ne produit aucun élément de nature à établir que son affection des deux coudes, qui s’est à nouveau manifestée à partir du 10 août 2013, est sans lien avec l’affection constatée le 17 novembre 2008. A la date où les syndromes des canaux carpiens et ulnaires se sont déclarés, Mme F avait la qualité d’agent contractuel et non de fonctionnaire. Elle ne peut dès lors utilement se prévaloir du bénéfice des dispositions précitées de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour soutenir que la commune devait lui octroyer le bénéfice de son plein traitement dans sa décision du 30 septembre 2016. Il s’ensuit que Mme F n’étant pas fondée à obtenir l’annulation de cette décision sur le fondement de ces dispositions, ses conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de la placer en congé maladie avec maintien du plein traitement ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les conclusions à fin de condamnation de la commune :

10. Les conclusions de Mme F tendant à la condamnation de la commune à lui verser une indemnisation de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi en raison de sa dépression provoquée, selon le moyen, par les faits de harcèlement moral de la commune doivent être écartées par les motifs retenus par le tribunal administratif de Grenoble au point 11 de son jugement, et qu’il y a lieu, pour la cour, d’adopter.

Sur les conclusions à fin d’injonction et sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les conclusions à fin d’annulation de Mme F devant être rejetées, doivent l’être également, d’une part, ses conclusions à fin d’injonction, la présente décision n’appelant ainsi aucune mesure d’exécution, et d’autre part, celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge.

12. Il n’y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme F la somme demandée par la commune de Romans-sur-Isère, au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Romans-sur-Isère relatives aux frais irrépétibles sont rejetées.

Article 3 :Le présent arrêt sera notifié à Mme A F et à la commune de Romans-sur-Isère.

Délibéré après l’audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E B, présidente de chambre,

Mme H, présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

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