Cour administrative d'appel de Marseille, 31 mars 2014, n° 12MA00606

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 31 mars 2014, n° 12MA00606
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 12MA00606
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Marseille, 31 août 2013

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE MARSEILLE

N° 12MA00606

__________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

COMMUNE DE LA CRAU

__________

Mme Carotenuto AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Rapporteur

__________

Mme Felmy La cour administrative d’appel de Marseille

Rapporteur public

_________ (6e chambre)

Audience du 10 mars 2014

Lecture du 31 mars 2014

__________

39-02-02

C

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2012 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille sous le n° 12MA00606, présentée pour la commune de La Crau, représentée par son maire, par la Llc & associés ;

La commune de La Crau demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1002609 du 16 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon, saisi par le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, a annulé les décisions du 23 juillet 2010 d’attribution des lots n° 1, n° 2 et n° 4 ainsi que la décision du 22 juillet 2010 d’attribution du lot n° 3 du marché d’études d’ingénierie en vue de la construction de la nouvelle école Y Z ;

2°) de rejeter la demande présentée par le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge du conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

— le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a pas d’intérêt lui donnant qualité pour agir ;

— les décisions attaquées se rapportent à une procédure de passation relative à un marché d’ingénierie, regroupant plusieurs études préalables, de telle sorte qu’un architecte n’a ni qualité à être attributaire, ni la capacité à réaliser les prestations objet des différents lots ;

— la loi du 12 juillet 1985, dite loi « MOP » ne concerne que les rapports entre la maîtrise d’ouvrage publique et la maîtrise d’œuvre privée ;

— le tribunal administratif a fait une interprétation erronée de cette loi puisqu’elle a opté pour l’exercice interne de la maîtrise d’œuvre ;

— la circonstance que certains des éléments de la mission de base, et non l’intégralité, aient été confiés aux bureaux d’études choisis dans chacun des lots du marché n’est en rien contraire aux dispositions de la loi « MOP » ;

— aucun texte ni aucun principe n’interdit que la maîtrise d’œuvre soit conservée par le maître d’ouvrage public notamment lorsque celui-ci compte dans ses effectifs un agent ayant suivi une formation d’architecte ;

— il n’est pas davantage prohibé pour une commune de s’attacher les services d’un opérateur économique pour la réalisation d’études ou de missions d’ingénierie répondant à ses besoins propres ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2012, présenté pour le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur par Me A-B, qui conclut au rejet de la requête de la commune de La Crau, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de la commune appelante la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— la procédure de passation litigieuse est entachée d’illégalité au regard de la loi « MOP » du 12 juillet 1985 en ce qu’elle exclut les architectes de l’avis d’appel à la concurrence ;

— l’article 1.3 du CCAP se réfère expressément à la réglementation issue de la loi « MOP » ;

— l’ensemble des huit phases additionnées du règlement de la consultation constitue une mission complète de maîtrise d’œuvre ;

— en limitant la portée de l’appel public à la concurrence aux seuls bureaux d’études, la commune de La Crau a volontairement évincé la conception architecturale et, de façon plus générale, les prestations relatives à l’intervention d’un architecte ;

— il a donc bien qualité à agir ;

— les rapports entre la maîtrise d’ouvrage publique et la maîtrise d’œuvre privée sont caractérisés ;

— la loi « MOP » trouve à s’appliquer ;

— il ressort des pièces du dossier que les huit phases comprises dans les quatre lots litigieux correspondent à la mission de base qui doit être confiée au maître d’œuvre selon un contrat unique ;

— en vertu du principe d’unicité du contrat, la commune de La Crau aurait dû décider soit d’assurer elle-même l’ensemble de la mission de maîtrise d’œuvre, soit de confier la totalité de cette mission à une personne privée ou un groupement de droit privé ;

— le maître d’ouvrage ne pouvait cumuler ces deux options ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2013, présenté pour la commune de La Crau qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que :

— le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur ne peut se prévaloir de la loi du 17 mai 2011, postérieure à l’introduction de sa requête devant le tribunal administratif, pour justifier son intérêt à agir ;

— lorsqu’une personne publique intervient en tant que maître d’œuvre public pour un maître d’ouvrage public, la loi « MOP » n’a pas vocation à s’appliquer ;

— la réponse architecturale au programme de l’opération envisagée n’est confiée à aucune personne privée ;

— l’étude d’ingénierie confiée aux entreprises ne peut, par conséquent, être qualifiée de mission de maîtrise d’œuvre ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 août 2013, présenté pour le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que :

— il a intérêt à agir en raison de l’atteinte particulière portée par la procédure de passation en litige aux intérêts collectifs de la profession d’architecte ;

— la commune appelante ne pouvait confier une partie des prestations à l’un de ses agents ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er septembre 2013 du président de la cour administrative d’appel de Marseille portant désignation, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d’absence ou d’empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 mars 2014 :

— le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

— les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

— et les observations de Me X représentant la commune de La Crau et de Me A-B représentant le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

1. Considérant que, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 9 février 2010, la commune de La Crau a lancé une procédure de passation d’un marché d’études d’ingénierie en vue de la construction de la nouvelle école Y Z divisé en quatre lots, le lot n° 1 étant relatif à la mission d’études béton armé, le lot n° 2 à la mission d’études économiste, le lot n° 3 à la mission d’études voierie et réseaux divers et le lot n° 4 à la mission d’études électricité, fluides, thermique ; que le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a saisi le tribunal administratif de Toulon d’une demande tendant à l’annulation des décisions du 23 juillet 2010 d’attribution des lots n° 1, n° 2 et n° 4 ainsi que la décision du 22 juillet 2010 d’attribution du lot n° 3 ; que par le jugement attaqué du 16 décembre 2011, le tribunal administratif a fait droit à sa demande ;

Sur la recevabilité de la demande présentée par le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur devant le tribunal administratif :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 26 de la loi du 3 janvier 1977 susvisée : « Le conseil national et le conseil régional de l’ordre des architectes concourent à la représentation de la profession auprès des pouvoirs publics. \ Ils ont qualité pour agir en justice en vue notamment de la protection du titre d’architecte et du respect des droits conférés et des obligations imposées aux architectes par la présente loi. (…) » ;

3. Considérant que le marché d’étude d’ingénierie passé par la commune de La Crau en vue de la construction de la nouvelle école Y Z, en omettant la conception architecturale de l’opération et, de façon plus générale, les prestations relatives à l’intervention d’un architecte, est susceptible d’affecter les droits conférés aux architectes lorsque leur intervention est requise en application des dispositions de la loi du 3 janvier 1977 ; que le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a, par suite, intérêt lui donnant qualité à agir contre les décisions du 23 juillet 2010 d’attribution des lots n° 1, n° 2 et n° 4 ainsi que la décision du 22 juillet 2010 d’attribution du lot n° 3 dudit marché ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la loi du 12 juillet 1985 susvisée : « La mission de maîtrise d’œuvre que le maître de l’ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé doit permettre d’apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme mentionné à l’article 2. Pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maîtrise d’œuvre est distincte de celle d’entrepreneur. \ Le maître de l’ouvrage peut confier au maître d’œuvre tout ou partie des éléments de conception et d’assistance suivants : \ 1° Les études d’esquisse ; \ 2° Les études d’avant-projets ; \ 3° Les études de projet ; \ 4° L’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation du contrat de travaux ; \ 5° Les études d’exécution ou l 'examen de la conformité au projet et le visa de celles qui ont été faites par l’entrepreneur ; \ 6° La direction de l’exécution du contrat de travaux ; \ 7° L’ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier ; \ 8° L’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement. \ Toutefois, pour les ouvrages de bâtiment, une mission de base fait l’objet d’un contrat unique. Le contenu de cette mission de base, fixé par catégories d’ouvrages conformément à l’article 10 ci-après, doit permettre : \ – au maître d’œuvre, de réaliser la synthèse architecturale des objectifs et des contraintes du programme, et de s’assurer du respect, lors de l’exécution de l’ouvrage, des études qu’il a effectuées ; \ – au maître de l’ouvrage, de s’assurer de la qualité de l’ouvrage et du respect du programme et de procéder à la consultation des entrepreneurs, notamment par lots séparés, et à la désignation du titulaire du contrat de travaux. » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : « Le maître de l’ouvrage définit dans le programme les objectifs de l’opération et les besoins qu’elle doit satisfaire ainsi que les contraintes et exigences de qualité sociale, urbanistique, architecturale, fonctionnelle, technique et économique, d’insertion dans le paysage et de protection de l’environnement, relatives à la réalisation et à l’utilisation de l’ouvrage. » ; que selon les dispositions de l’article 10 de la même loi : « Des décrets en Conseil d’Etat fixent, en distinguant selon qu’il s’agit d’opérations de construction neuve ou d’opérations de réutilisation et de réhabilitation et, le cas échéant, selon les catégories d’ouvrages et les maîtres d’ouvrages : 1° Le contenu détaillé des éléments de mission de maîtrise d’œuvre ainsi que le contenu détaillé des éléments de mission de maîtrise d’œuvre spécifiques, lorsque les méthodes ou techniques de réalisation ou les produits industriels à mettre en œuvre impliquent l’intervention, dès l’établissement des avant-projets, de l’entrepreneur ou du fournisseur de produits industriels ; 2° Le contenu de la mission de base pour les ouvrages de bâtiment ; 3° Les conditions selon lesquelles les parties déterminent la rémunération prévue à l’article 9 et précisent les conséquences de la méconnaissance par le maître d’œuvre des engagements souscrits sur un coût prévisionnel des travaux » ; qu’aux termes de l’article 15-I du décret du 29 novembre 1993 susvisé : « Pour les opérations de construction neuve de bâtiment, la mission de base comporte les études d’esquisse, d’avant-projet, de projet, l’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation des contrats de travaux, la direction de l’exécution du contrat de travaux et l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement. Font également partie de la mission de base l’examen de la conformité au projet des études d’exécution et leur visa lorsqu’elles ont été faites par un entrepreneur et les études d’exécution lorsqu’elles sont faites par le maître d’œuvre » ;

5. Considérant que les quatre lots du marché en litige sont relatifs respectivement à la mission d’études béton armé, à la mission d’études économiste, à la mission d’études voierie et réseaux divers et à la mission d’études électricité, fluides, thermique en vue de la construction de la nouvelle école Y Z ; que si le marché en cause est relatif uniquement à des études d’ingénierie, il résulte de l’instruction que sont également confiées aux bureaux d’études techniques des missions d’assistance lors des opérations de réception ; que selon l’article 15-I précité du décret du 29 novembre 1993 susvisé, l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception fait partie de la mission de base ; qu’en outre, le règlement de la consultation du marché en litige détaille les études comprises dans chaque lot selon 8 phases correspondant à la mission de base qui doit être confiée au maître d’œuvre selon un contrat unique pour les opérations de construction neuve de bâtiment, en application des dispositions susmentionnées de l’article 7 de la loi du 12 juillet 1985 ; que ces dispositions de l’article 7 font obstacle à la passation de contrats distincts en vue de la réalisation des divers éléments constitutifs de la mission de base ; que dans ces conditions, dès lors que les études du marché en litige correspondent pour certains de leurs éléments à une mission de base de maîtrise d’œuvre, dont l’assistance apportée au maître d’ouvrage lors des opérations de réception, la commune de La Crau, alors même qu’elle dispose dans ses services d’un architecte, a méconnu les dispositions de l’article 7 précité de la loi du 12 juillet 1985 qui prescrivent que pour les ouvrages de bâtiment la mission de base de maîtrise d’œuvre doit être confiée au maître d’œuvre selon un contrat unique ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de La Crau n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé les décisions du 23 juillet 2010 d’attribution des lots n° 1, n° 2 et n° 4 ainsi que la décision du 22 juillet 2010 d’attribution du lot n° 3 du marché en litige ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de La Crau demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de La Crau la somme demandée par le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La Crau est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Crau et au conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Délibéré après l’audience du 10 mars 2014, où siégeaient :

— M. Marcovici, président,

— M. Thiele, premier conseiller,

— Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 mars 2014.

Le rapporteur, Le président,

S. CAROTENUTO L. MARCOVICI

Le greffier,

J.P. LEFEVRE

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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Cour administrative d'appel de Marseille, 31 mars 2014, n° 12MA00606