Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 mai 2018, 16MA00690, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 2e ch. - formation à 3, 17 mai 2018, n° 16MA00690
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 16MA00690
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulon, 9 décembre 2015, N° 1303400
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036945571

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner, à titre principal, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 198 672 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par le centre hospitalier de Saint-Tropez et, à titre subsidiaire, le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme de 99 336 euros.

Par un jugement n° 1303400 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 février 2016 et le 15 février 2018, Mme B…, représentée par la Selarl Cabello et associés, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 décembre 2015 ;

2°) à titre principal, de condamner l’ONIAM à lui verser la somme de

170 350 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme de 85 175 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2013 et la capitalisation de ces intérêts ;

4°) d’enjoindre à la partie perdante d’exécuter l’arrêt dans un délai d’un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les conditions d’engagement de la solidarité nationale sont réunies dès lors qu’elle a été victime d’un accident médical non fautif et qu’elle présente une incapacité permanente partielle de 30 % ;

 – le centre hospitalier de Saint-Tropez a commis des fautes dans le suivi prénatal, dans l’organisation et le fonctionnement du service et en l’absence d’information du risque de macrosomie foetale et de ses conséquences ;

 – les fautes du centre hospitalier de Saint-Tropez lui ont fait perdre 50 % de voir le risque de déchirure se réaliser ;

 – elle est bien fondée à demander la réparation de l’intégralité des préjudices subis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2018, l’ONIAM, représenté par la Selarl GF Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

-les conditions d’application du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas réunies ;

 – il s’en remet à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la faute dans l’organisation et le fonctionnement du service et l’absence de réalisation d’une épisiotomie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, le centre hospitalier de Saint-Tropez représenté par Me C…, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – aucune faute médicale n’a été commise dans le suivi de la grossesse ;

 – l’épisiotomie pré-natale n’était pas indiquée ;

 – aucun défaut d’information sur les risques d’accouchement d’un enfant macrosome et le risque de dystocie des épaules ne peut être reproché au centre hospitalier ;

 – la macrosomie de l’enfant est imprévisible et seule à l’origine du dommage ;

 – la présence de l’obstétricien de garde n’était pas requise eu égard au déroulement normal du travail et à la rapidité de l’accouchement ;

 – le dommage est en lien avec l’accouchement par voie basse et non avec la manoeuvre réalisée par la sage-femme pour extraire l’enfant.

La requête a été communiquée au Régime social des indépendants qui n’a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

 – et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Saint-Tropez :

En ce qui concerne le défaut d’information :

1. Aux termes de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (…) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. (…) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ».

2. La circonstance que l’accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas les médecins de l’obligation de porter, le cas échéant, à la connaissance de la femme enceinte les risques qu’il est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du foetus ou à ses antécédents médicaux, et les moyens de les prévenir. En particulier, en présence d’une pathologie de la mère ou de l’enfant à naître ou d’antécédents médicaux entraînant un risque connu en cas d’accouchement par voie basse, l’intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et des risques inhérents à une telle intervention. Un manquement des médecins à leur obligation d’information engage la responsabilité de l’hôpital dans la mesure où il a privé la patiente d’une chance de se soustraire au risque lié à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée.

3. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du rapport de l’expert désigné par une ordonnance du 20 septembre 2005 du président du tribunal administratif de Toulon, que Mme B… n’était pas diabétique. Elle ne présentait pas non plus d’antécédents chirurgicaux, familiaux ou obstétricaux évocateurs d’un risque particulier de macrosomie de l’enfant. L’équipe médicale n’était donc pas tenue d’informer la mère des risques liés à la naissance par voie basse d’un gros bébé. Dans ces conditions, Mme B… ne saurait davantage rechercher en appel qu’en première instance la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Tropez pour défaut d’information.

En ce qui concerne les fautes dans la prise en charge :

4. Le I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que la responsabilité de tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peut être engagée en cas de faute. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé, n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue. En outre, une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service public hospitalier engage la responsabilité de celui-ci envers la victime.

5. Ainsi qu’indiqué au point 3, la requérante n’était pas diabétique, les résultats des recherches de diabète gestationnel réalisées étant négatifs. Le gros poids du bébé n’a ainsi pas pour origine un diabète gestationnel de la mère. Il n’existait pas non plus de suspicion de macrosomie de l’enfant. Il suit de là qu’en l’absence de motif particulier de pratiquer une césarienne, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier de Saint-Tropez a commis une faute en n’envisageant pas de geste prophylactique. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que Mme B… n’était pas fondée à invoquer une quelconque faute du centre hospitalier de Saint-Tropez dans le suivi de sa grossesse.

6. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expertise diligentée par la CRCI de Provence-Alpes-Côte d’Azur, que l’épisiotomie ne pouvait pas être réalisée du fait de la rapidité de l’enchaînement des actes au cours de l’expulsion. Par ailleurs, la réalisation d’une épisiotomie médico-latérale ne prévient pas le risque de lésion du sphincter anal. Il suit de là qu’aucune faute ne peut-être imputée à l’établissement de soins du fait de l’absence d’épisiotomie.

7. Aux termes de L. 4151-3 du code de la santé publique : « (…) en cas d’accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. (…) ». Il résulte de ces dispositions que lorsque survient une dystocie pendant un accouchement se déroulant sous la surveillance d’une sage-femme, celle-ci a l’obligation d’appeler un médecin. L’absence d’un médecin dans de telles circonstances est constitutive d’un défaut dans l’organisation et le fonctionnement du service engageant la responsabilité du service public hospitalier, à moins qu’il ne soit justifié d’une circonstance d’extrême urgence ayant fait obstacle à ce que la sage-femme appelle le médecin ou que le médecin appelé ait été, pour des motifs légitimes, placé dans l’impossibilité de se rendre au chevet de la parturiente.

8. Il résulte de l’instruction, et notamment des deux rapports d’expertise, que la dystocie des épaules constitue une complication de l’accouchement par voie basse difficilement prévisible, dont le risque de survenance ne pouvait être présumé en l’espèce d’après les constatations faites sur Mme B… lors des visites prénatales. Les manoeuvres d’accouchement ont été dispensées par la sage-femme selon les règles de l’art. Eu égard à la rapidité du travail et à l’impossibilité de prévoir la dystocie, l’absence d’appel d’un médecin par la sage-femme lors de l’accouchement n’est pas de nature à révéler une faute dans le déroulement de l’accouchement ou dans l’organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 qu’aucune faute médicale ou dans l’organisation et le fonctionnement du service public hospitalier n’est susceptible d’engager la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Tropez vis-à-vis de Mme B… ni n’est à l’origine d’une perte de chance d’échapper aux dommages qui sont advenus.

Sur l’obligation de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale :

10. L’article L. 1142-1 du code de la santé publique dispose que : " II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’incapacité permanente supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Ainsi, l’ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu’ils présentent un caractère d’anormalité au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l’article D. 1142-1 du code de la santé publique.

11. Un accident médical est un accident en lien avec un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. Les manoeuvres effectuées par la sage-femme ou le médecin lors de l’accouchement doivent nécessairement être regardées comme constituant de tels actes.

12. Ainsi qu’il a été dit au point 8, la déchirure sphinctérienne dont a été victime Mme B… n’est pas imputable aux manoeuvres obstétricales réalisées lors de l’accouchement. Il s’agit d’un risque inhérent à l’accouchement par voie basse aggravé par la macrosomie de l’enfant qui n’était pas prévisible au regard des échographies et des antécédents de la patiente, ainsi que par la rapidité de l’accouchement qui ne pouvait pas être prévue ni maîtrisée. La survenance d’une incontinence anale dans les suites immédiates de l’accouchement ne peut donc être regardée comme étant la conséquence d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. Par ailleurs, l’absence de réalisation de l’épisiotomie n’a pas fait perdre à Mme B… une chance d’éviter le dommage corporel. Dès lors, ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal administratif de Toulon, les conditions d’une indemnisation du dommage au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplies.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes de condamnation. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d’injonction et d’astreinte et celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.


D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B…, à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Saint-Tropez et au Régime social des indépendants.

Délibéré après l’audience du 4 mai 2018 où siégeaient :

— M. Vanhullebus, président de chambre,

 – M. Barthez, président assesseur,

 – Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 mai 2018.

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N° 16MA00690

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