CAA de MARSEILLE, 7ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2018, 16MA03436, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 7e ch. - formation à 3, 28 sept. 2018, n° 16MA03436
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 16MA03436
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nîmes, 27 juin 2016, N° 1501292
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037454663

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A… B… ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler la délibération du 26 février 2015 par laquelle la commune de Montfrin a décidé l’abandon définitif de la propriété du lot de copropriété qu’elle détient sur l’hôtel de Calvières.

Par un jugement n° 1501292 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette délibération.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2016, la commune de Montfrin, représentée par Me C…, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 28 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B… devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B… la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en faisant application d’un texte de valeur législative pour contester sa décision d’abandonner son bien alors que le droit de propriété est de valeur supra législative, les premiers juges ont méconnu la hiérarchie des normes ;

- les dispositions de l’article L. 621-29-1 du code du patrimoine ne s’opposent pas au droit absolu et de valeur constitutionnelle de disposer de ses biens, notamment de les abandonner.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me E…, représentant la commune de Montfrin.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Montfrin, dans le Gard, a fait l’acquisition, le 12 octobre 2001, d’un bien immobilier situé à proximité de la mairie. Ce bien constitue une partie de l’hôtel de Calvières qui est un immeuble en copropriété à usage d’habitation construit sur deux parcelles cadastrées n° 512 et 513, le second copropriétaire étant l’indivision formée par M. et Mme B…. Par arrêté du 18 septembre 2003, l’Hôtel de Calvières a été inscrit à l’inventaire des monuments historiques. L’immeuble se dégradant faute d’entretien, les consorts B… ont assigné la commune à comparaître le 4 février 2015 devant le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes afin de voir condamner le syndic de la copropriété à faire réaliser les travaux conservatoires urgent portant notamment sur la toiture et les murs extérieurs. Pour éviter ce qu’elle estime être une charge indue et insupportable pour les finances communales, la commune a, par délibération du 26 février 2015, décidé l’abandon définitif de la propriété du lot de copropriété qu’elle détient sur l’hôtel de Calvières. Les consorts B… ont contesté cette délibération devant le tribunal administratif de Nîmes. Par jugement du 28 juin 2016, le tribunal a fait droit à cette demande d’annulation. La commune de Montfrin relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la commune de Montfrin soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l’article L. 621-29-1 du code du patrimoine faisaient obstacle à son droit d’abandonner son bien, qui constitue selon elle une modalité d’exercice du droit de propriété lequel est un droit de valeur constitutionnelle, une erreur de cette nature, à la supposer établie, affecte le bien-fondé d’un jugement et non sa régularité. Dès lors, le moyen soulevé par la commune, qui est articulé comme un moyen d’irrégularité du jugement, ne peut qu’être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l’article L. 621-25 du code du patrimoine : « Les immeubles ou parties d’immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l’autorité administrative, au titre des monuments historiques. (…) ». Aux termes de l’article L. 621-29-1 du même code : « Le propriétaire ou l’affectataire domanial a la responsabilité de la conservation du monument historique classé ou inscrit qui lui appartient ou lui est affecté ». Aux termes de l’article L. 621-29-5 de ce code : « Les effets du classement ou de l’inscription au titre des monuments historiques suivent l’immeuble ou la partie d’immeuble en quelques mains qu’il passe. ». Aux termes de l’article L. 621-29-6 dudit code : « Quiconque aliène un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques est tenu de faire connaître au futur acquéreur l’existence du classement ou de l’inscription. / Toute aliénation d’un immeuble classé ou inscrit doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, être notifiée à l’autorité administrative par celui qui l’a consentie. ».

4. Il résulte des dispositions précitées, d’une part, que les sujétions et servitudes légales attachées à un immeuble inscrit au titre des monuments historiques s’imposent à son propriétaire et le suivent en quelques mains qu’il passe, d’autre part, que le régime de protection dont bénéficie cet immeuble ne saurait s’éteindre du fait des seules convenances de son propriétaire.

5. Il est constant que l’immeuble dit hôtel Calvières au sein duquel la commune de Montfrin a acquis les lots 1, 2 et 4 sur la parcelle cadastrée n° 513 a fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 18 septembre 2003. En décidant, par la délibération contestée, d’abandonner définitivement la propriété qu’elle détient sur ces lots pour lui permettre de sortir du régime de copropriété auquel est soumis cet immeuble et ainsi se soustraire aux dépenses d’entretien qu’exige son état, sans prendre les mesures de nature à ce que soient utilement transférés les effets de l’inscription au titre des monuments historiques de l’immeuble, la commune a méconnu les obligations qui pèsent sur elle en sa qualité de propriétaire d’un bien inscrit qui, en vertu des dispositions précitées du code du patrimoine, assume la responsabilité de la conservation de ce bien. La circonstance selon laquelle, en l’espèce, la commune serait amenée à supporter 92 % des dépenses d’entretien de l’immeuble en cause en raison de la répartition des tantièmes fixée par l’état descriptif de copropriété pour la partie de l’hôtel assise sur la parcelle n° 513 alors qu’elle aurait acquis ce bien dans le but de procéder à sa destruction ne saurait l’exonérer de cette responsabilité.

6. Aux termes de l’article R. 771-3 du code de justice administrative : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l’enveloppe qui le contient, portent la mention : »question prioritaire de constitutionnalité«   ».

7. Le moyen tiré de ce que l’interprétation des dispositions de l’article L. 621-29-1 du code du patrimoine dans le sens qu’elles feraient obstacle au droit de la commune de Montfrin d’abandonner son bien et méconnaitraient ainsi son droit de propriété qui a valeur constitutionnelle doit être regardé comme une exception d’inconstitutionnalité desdites dispositions. A défaut d’avoir été soulevée en la forme d’une question prioritaire de constitutionnalité présentée par un mémoire distinct, cette exception est irrecevable.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montfrin n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la délibération du 26 février 2015.


D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Montfrin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montfrin et à M. A… et Mme D… B….

Délibéré après l’audience du 14 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

—  M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 septembre 2018.

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N° 16MA03436

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