CAA de NANCY, 2ème chambre, 9 décembre 2021, 21NC01195, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 9 déc. 2021, n° 21NC01195
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC01195
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Sur renvoi de : Conseil d'État, 11 avril 2021
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044487115

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C… F… et M. D… E… ont demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le maire de Besançon a refusé d’inscrire leur fils B… au service public de restauration scolaire et à l’accueil périscolaire de l’après-midi, ainsi que la décision du 9 janvier 2018 portant rejet de leur recours gracieux formé par courriers des 7 et 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 1800042 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision de refus d’inscription au service public de restauration scolaire et la décision portant rejet de leur recours gracieux et enjoint à la commune de réexaminer la demande de Mme F… et de M. E… dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement.

Par un arrêt n° 18NC01791 du 8 avril 2020, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par la commune de Besançon contre ce jugement.

Par une décision du 12 avril 2021, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, saisi d’un pourvoi présenté pour la commune de Besançon, annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 8 avril 2020 et a renvoyé l’affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2018, et des mémoires, enregistrés les 5 février 2020, 14 septembre et 13 octobre 2021, la commune de Besançon, représentée par Me Lonqueue, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1800042 du tribunal administratif de Besançon du 24 avril 2018 ;

2°) de rejeter, en toutes ses conclusions, la demande présentée par Mme F… et M. E… devant le tribunal administratif de Besançon ;

3°) de ne pas admettre l’intervention volontaire de la Fédération des conseils de parents d’élèves de l’école publique ;

4°) de mettre à la charge de Mme F… et de M. E… une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – l’intervention de la Fédération des conseils de parents d’élèves de l’école publique n’est pas recevable, dès lors, d’une part, que l’association intervenante ne justifie pas d’un intérêt à agir et, d’autre part, que sa présidente n’a pas qualité pour la représenter en justice ;

 – la commune pouvait légalement opposer à Mme F… et à M. E… le manque de place disponible pour refuser d’inscrire leurs enfants au service public communal de restauration scolaire ;

 – ni la lettre de l’article L. 131-13 du code de l’éducation, ni l’intention du législateur, telle qu’elle résulte des travaux parlementaires, n’imposent aux communes, qui ont choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires, dont elles ont la charge, d’adapter et de proportionner le service afin de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit ;

 – une telle obligation, s’agissant d’un service public facultatif, serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales et lui imposerait, à court terme, des contraintes techniques et financières excessives ;

 – les dispositions de l’article L. 131-13 du code de l’éducation résultent d’un amendement parlementaire, qui visait à retranscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d’Etat, interdisant aux communes, sur le fondement du principe d’égal accès des usagers au service public, d’exclure dans le règlement des cantines scolaires les élèves dont les parents ne travaillent pas ;

 – le tribunal a commis une double contradiction de motifs, d’une part, en annulant le refus d’inscription en litige après avoir constaté que la limite de capacité d’accueil du site concerné, induites par les règles de sécurité en matière d’établissements recevant du public, auxquelles renvoie l’article L. 123-1 du code de la construction et de l’habitation, était atteinte, d’autre part, en lui reprochant de ne pas avoir pris les mesures suffisantes pour surmonter cette incapacité, alors qu’il s’agit d’une incapacité objective indépendante du règlement des accueils périscolaires pour l’année 2017/2018 qu’elle a édicté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, Mme C… F… et M. D… E…, représentés par Me Bluteau, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Besançon d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par la commune de Besançon ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 13 septembre 2018, la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, représentée par Me Bluteau, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Besançon une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de de Besançon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’éducation ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de la construction et de l’habitation ;

 – la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;

 – la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;

 – l’ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Lambing,

 – les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

 – et les observations de Me Kukuryka, représentant la commune de Besançon et Me Bieder, représentant Mme F… et M. E… et la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 15 novembre 2017, Mme F… et M. E… ont demandé au maire de Besançon que leur fils B…, élève à l’école élémentaire de La Butte, bénéficie, à compter de la rentrée scolaire, du service public de restauration scolaire et du service d’accueil de l’après-midi qui y sont organisés. Par une décision du 4 décembre 2017, le maire de Besançon a refusé de faire droit à leur demande concernant la restauration scolaire en raison du manque de place disponible et leur a indiqué que leur demande serait ultérieurement réexaminée au vu de la fréquentation de ces services. Mme F… et M. E… ont formé contre cette décision un recours gracieux en date du 7 et 22 décembre 2017, qui a été rejeté par décision du 9 janvier 2018. Par un jugement du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé ces deux décisions pour excès de pouvoir. Par un arrêt du 8 avril 2020, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par la commune de Besançon contre ce jugement. Par une décision du 12 avril 2021, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, saisi d’un pourvoi présenté pour la commune de Besançon, annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 8 avril 2020 et a renvoyé l’affaire devant la même cour.

Sur la recevabilité de l’intervention de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques :

2. D’une part, la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, qui a notamment pour objet d’apporter aide et soutien aux parents d’élèves des établissements publics, a intérêt au maintien du jugement attaqué.

3. D’autre part, l’article 10 des statuts de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques prévoit que toute procédure judiciaire est décidée par une délibération du conseil d’administration qui mandate son président à cet effet. La fédération justifie que son conseil d’administration a, le 14 septembre 2021, mandaté sa présidente aux fins de déposer en son nom un mémoire en intervention volontaire devant la cour administrative d’appel de Nancy dans le cadre du présent litige.

4. Il résulte de ce qui précède que son intervention à l’appui du mémoire en défense présenté par Mme F… et M. E… est recevable.

Sur le moyen d’annulation retenu par le tribunal administratif :

5. Aux termes de l’article L. 131-13 du code de l’éducation, résultant de l’article 186 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ». Par ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues, le législateur a entendu rappeler, d’une part, qu’il appartient aux collectivités territoriales ayant fait le choix d’instituer un service public de restauration scolaire de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les élèves puissent bénéficier de ce service public, d’autre part, qu’elles ne peuvent légalement refuser d’y admettre un élève sur le fondement de considérations contraires au principe d’égalité. Pour autant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les collectivités territoriales puissent légalement refuser d’y admettre un élève lorsque, à la date de leur décision, la capacité maximale d’accueil de ce service public est atteinte.

6. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Besançon a refusé l’inscription de l’enfant de Mme F… et M. E… pour le motif tiré du manque de place disponible en s’appuyant sur l’article 10 du règlement intérieur des accueils périscolaires pour l’année 2017/2018 qui subordonne l’inscription au service de restauration scolaire à la condition tenant au nombre de places disponibles suffisant. Il résulte de ce qui vient d’être dit au point 5 ci-dessus que l’autorité administrative a pu sans commettre d’erreur de droit opposer un tel motif. Dès lors, la commune de Besançon est fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que Mme F… et M. E… étaient fondés à demander l’annulation des décisions des 4 décembre 2017 et 9 janvier 2018 par le moyen tiré de l’exception l’illégalité de l’article 10 du règlement d’accueil en tant que celui-ci subordonne l’inscription au service de restauration scolaire à l’existence de places disponibles dans les cantines.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé par Mme F… et M. E… devant le tribunal administratif de Besançon.

Sur l’autre moyen soulevé par Mme F… et M. E… en première instance :

8. Mme F… et M. E… doivent être regardés comme soutenant que l’autorité administrative, en prenant les décisions attaquées, a fait, en l’espèce, une inexacte application des dispositions de l’article de l’article L. 131-13 du code de l’éducation.

9. Il ressort des pièces du dossier qu’à la suite d’une mutation professionnelle, Mme F… et M. E… ont demandé, par courrier du 15 novembre 2017, l’inscription de leur fils B… aux services de restauration scolaire et d’accueil périscolaire à l’école élémentaire de de la Butte de Besançon à compter du 13 décembre 2017. L’ensemble des places disponibles ayant déjà été attribué s’agissant de la restauration scolaire, le maire de la commune de Besançon a, par décision du 4 décembre 2017, rejeté la demande de Mme F… et M. E…. Leur recours gracieux à l’encontre de cette décision a été rejeté le 9 janvier 2018.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures en appel, de la délibération du conseil municipal du 4 avril 2019 ainsi que dans la note du 16 février 2021 produite devant le Conseil d’Etat en réponse à une mesure d’instruction, que pour justifier de l’incapacité matérielle d’accueillir des enfants supplémentaires, la commune fait valoir les modalités d’organisation de son service et les mesures prises à la rentrée 2017 pour augmenter sa capacité d’accueil. Cent-cinquante places supplémentaires ont été ouvertes en novembre 2017 sur l’ensemble de ses soixante-cinq restaurants scolaires afin de faire face aux cinq cents demandes d’inscription à la cantine scolaire qui n’ont pu être satisfaites, inscrites sur liste d’attente. En outre, la commune indique que son organisation, à la rentrée 2017, reposait sur un système dit de « liaison chaude », constitué autour d’une cuisine centrale préparant cinq mille repas maximum par jour, livrés en chaud aux heures de repas dans les restaurants scolaires par dix chauffeurs. La commune précise que l’accroissement de la capacité d’accueil ne peut être envisagé qu’en adaptant son service de restauration scolaire vers un système dit de « liaison froide », avec une cuisine centrale plus grande et la livraison de plats froids échelonnée dans la matinée, qui seront ensuite réchauffés dans chaque restaurant scolaire, tous équipés alors d’installations de mise en température. Le coût de cette nouvelle organisation a été évalué à six millions d’euros. Il s’ensuit que le budget du service de restauration scolaire étant de sept millions d’euros en 2017, cet investissement génère une contrainte financière significative. S’il est indiqué dans la note du 16 février 2021 que la commune a modifié le mode d’approvisionnement de deux restaurants scolaires pour permettre la livraison de repas en liaison froide, cette action a été cependant menée entre 2017 et 2020. Il ne ressort pas ainsi des pièces du dossier que cette même mesure aurait pu être également prise dès la rentrée 2017 à l’école de la Butte. Par ailleurs, l’organisation provisoire de deux services durant la pause méridienne ou l’installation de préfabriqués en vue d’accueillir des enfants supplémentaires, évoquées en défense, n’auraient en rien modifié les capacités d’accueil au service des restauration scolaire dès lors que, comme il a été dit précédemment, la cuisine centrale est dimensionnée pour produire un maximum de cinq mille repas. De plus, ces organisations supposent un délai de plusieurs semaines voire de plusieurs mois, afin de permettre notamment les recrutements supplémentaires de personnel, la commande de mobilier adapté, ou encore la location ou l’achat des modules préfabriqués. Or, les demandes formulées tardivement, comme c’est le cas pour l’enfant de Mme F… et M. E… en raison d’une mobilité professionnelle, ne permettent pas à la commune de s’adapter, dans un délai très contraint, à une demande d’inscription au service de restauration au-delà de la capacité maximale du service, déjà atteinte.

11. D’autre part, aux termes de l’article R. 123-3 du code de la construction et de l’habitation : " Les constructeurs, propriétaires et exploitants des établissements recevant du public sont tenus, tant au moment de la construction qu’au cours de l’exploitation, de respecter les mesures de prévention et de sauvegarde propres à assurer la sécurité des personnes ; ces mesures sont déterminées compte tenu de la nature de l’exploitation, des dimensions des locaux, de leur mode de construction, du nombre de personnes pouvant y être admises et de leur aptitude à se soustraire aux effets d’un incendie. ".

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment les éléments produits en reprise d’instance d’appel, et notamment du procès-verbal de la sous-commission des établissements recevant du public du Doubs du 18 mars 2014, que les locaux dédiés à la restauration scolaire du site périscolaire de l’école élémentaire de la Butte étaient limités, à la date de la décision attaquée, à une capacité d’accueil maximale au titre de la sécurité des personnes de cent-dix usagers et de six effectifs en personnel. La commune justifie que cent-dix élèves étaient admis au service de la cantine de l’école élémentaire de la Butte. Il s’ensuit que la réglementation en matière d’établissement recevant du public constituait une contrainte matérielle à l’accueil d’enfant supplémentaire au service de restauration scolaire et nécessitait des travaux d’agrandissement des locaux pour toute nouvelle admission au service.

13. Il résulte de l’ensemble de ces circonstances que la commune de Besançon doit être regardée comme démontrant qu’à la date de sa décision la capacité maximale d’accueil de ce service public était atteinte et qu’elle était dans l’incapacité matérielle et financière d’y remédier à court terme. Il s’ensuit que l’autorité administrative a pu légalement opposer le motif tiré du manque de place disponible au sein du service de restauration scolaire pour rejeter la demande d’inscription litigieuse.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Besançon est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé ses décisions du 4 décembre 2017 et 9 janvier 2018 qui refusent l’inscription du fils de A… F… et M. E… au service de restauration scolaire.

Sur les frais de l’instance :

15. D’une part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Besançon, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. D’autre part, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la commune de Besançon qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées à ce titre par Mme F… et M. E…, ainsi que par la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 24 avril 2018 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme F… et M. E… devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Besançon, par Mme F… et M. E… et par la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Besançon, à Mme C… F…, à M. D… E… et à la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques.

Copie en sera adressée, au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

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N° 21NC01195

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