CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 20NC01277, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 20NC01277
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 20NC01277
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nancy, 30 mars 2020, N° 1801192, 1803492
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044861235

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Nancy d’annuler les arrêtés de la ministre des solidarités et de la santé du 24 février 2017, du 13 juin 2017 et du 4 décembre 2017 prolongeant son placement en congé sans rémunération pour perte involontaire d’emploi pour la période allant du 1er janvier 2017 au 31 mars 2018, ainsi que l’arrêté du 15 février 2018 par lequel la ministre des solidarités et de la santé l’a licencié à compter du 16 avril 2018.

Par un jugement n° 1801192, 1803492 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés de la ministre des affaires sociales et de la santé des 24 février 2017, 13 juin 2017 et 4 décembre 2017, et a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 15 février 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, M. B… A…, représenté par Me Ambrosi, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 31 mars 2020 en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 15 février 2018.

2°) d’annuler cet arrêté du 15 février 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 700 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

 – n’ayant pas sollicité son licenciement, l’administration ne justifie pas du fondement de sa décision de licenciement ;

 – la décision méconnaît les dispositions de l’article 32 du décret du 17 janvier 1986, l’administration n’ayant pas respecté son obligation de réemploi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2021, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A… ne sont pas fondés.

La demande au bénéfice de l’aide juridictionnelle présentée par M. A… a été rejetée par une décision du 7 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

 – le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Lambing,

 – et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A… a été recruté en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2010, au sein de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) de Lorraine, en qualité de chargé de mission pour la politique de la ville. Du 1er octobre 2012 au 8 juillet 2013, le requérant a bénéficié d’un congé parental. Du 9 juillet 2013 au 8 juillet 2014, il a été placé en congé sans rémunération pour élever un enfant de moins de huit ans. Le 27 mai 2014, M. A… a sollicité son réemploi à compter du 9 juillet 2014. En l’absence d’emploi, sa demande a été rejetée le 27 juin 2014. Par arrêté du 9 juillet 2014, il a été placé en congé sans rémunération pour perte involontaire d’emploi. M. A… a exercé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. Par plusieurs arrêtés successifs, dont ceux des 24 février 2017, 13 juin 2017 et 4 décembre 2017, la ministre des affaires sociales et de la santé a prolongé le placement en congé sans rémunération de M. A…, pour perte involontaire d’emploi. Par un arrêté du 15 février 2018, M. A… a été licencié à compter du 16 avril 2018. M. A…, qui a formé un recours pour excès de pouvoir contre les arrêtés portant prolongation de placement en congé sans rémunération et contre la décision de licenciement, relève appel du jugement du 31 mars 2020 en tant que le tribunal administratif de Nancy, après avoir annulé les arrêtés relatifs au placement en congé sans rémunération, a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de cet arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 15 février 2018.

2. D’une part, aux termes de cet article 45-3 du décret du 17 janvier 1986 : « Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d’un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent doit être justifié par l’un des motifs suivants : (…) 5° L’impossibilité de réemploi de l’agent, dans les conditions prévues à l’article 32, à l’issue d’un congé sans rémunération ». Aux termes de l’article 32 du même décret : « A l’issue des congés prévus au titre IV, aux articles 20, 20 bis, 21, 22 et 23 du titre V et à l’article 26 du titre VI, les agents physiquement aptes et qui remplissent toujours les conditions requises sont réemployés sur leur emploi ou occupation précédente dans la mesure permise par le service. Dans le cas contraire, ils disposent d’une priorité pour être réemployés sur un emploi ou occupation similaire assorti d’une rémunération équivalente ».

3. Il résulte de ces dispositions que l’agent placé en congé parental a le droit, s’il remplit toujours les conditions requises, d’obtenir son réemploi sur l’emploi qu’il occupait antérieurement à son congé dans la mesure où ce dernier est vacant et que, dans le cas contraire, l’administration doit le faire bénéficier d’une priorité lorsqu’elle pourvoit à un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente. Elle peut, dès lors, légalement refuser de faire droit à la demande de réemploi en se fondant sur le motif tiré des nécessités du service et, notamment, l’absence de postes vacants ou d’adaptation du profil de l’agent aux postes vacants.

4. D’autre part, aux termes de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 : « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’Etat (…) sont, (…) occupés par des fonctionnaires régis par le présent titre, (…) ». Aux termes de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction applicable au présent litige : « Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : (…) /2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’Etat à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. »

5. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu’il n’a permis le recrutement d’agents contractuels qu’à titre dérogatoire et subsidiaire, dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou, par application des dispositions issues de la loi du 26 juillet 2005, de contrats à durée indéterminée. Par suite, l’administration peut, pour ce motif, légalement écarter la candidature d’un agent contractuel sur un emploi lorsque l’autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A… a demandé le 27 mai 2014 à être réintégré sur un poste au sein de la DRJSCS de Lorraine à compter du 9 juillet 2014 au terme de son congé parental. Par courrier du 4 juillet 2014, la direction a informé l’intéressé de l’absence de poste vacant au sein de la DRJSCS de Lorraine, correspondant à sa qualification de chargé de mission pour la politique de la ville, ce poste n’étant pas prioritaire dans le programme de recrutement pour l’année 2014. Dans un courrier complémentaire du 30 juillet 2014, la direction régionale de Lorraine précisait que l’intéressé n’a vocation à occuper que les emplois qui, en raison de leurs spécificités, peuvent légalement justifier le recours au recrutement de contractuels. A la suite de l’entretien préalable mené le 20 juillet 2015, la ministre a suspendu la procédure de licenciement de M. A… initialement engagée, afin de lui permettre de poursuivre sa recherche d’emploi. L’intéressé a bénéficié, le 5 février 2016, d’un entretien auprès des services de la direction des ressources humaines du ministère des affaires sociales et de la santé au cours duquel ses attentes ont été recueillies et plusieurs fiches de postes lui ont été remises. Par ailleurs, il lui a été proposé l’assistance de la mission des parcours professionnels afin, notamment, de l’aider à identifier des postes susceptibles de l’intéresser, en adéquation avec son expérience professionnelle, ses compétences et son projet professionnel.

7. Toutefois, M. A… a précisé à son administration, dès juillet 2015, qu’il était disposé à effectuer une mobilité géographique et qu’il n’était pas opposé à occuper des postes de catégorie B, alors qu’il relève de la catégorie A. L’administration ne lui a proposé aucun poste mais s’est bornée à conseiller à son agent de consulter la bourse interministérielle de l’emploi public et de postuler sur les emplois vacants qu’il aura lui-même sélectionnés. M. A… a ainsi spontanément fait acte de candidature sur plusieurs postes entre mars 2016 et août 2017, situés en Ile-de-France, dans la région des Hauts-de-France et dans le Grand Est, démontrant ainsi sa mobilité. Il n’est pas contesté que les postes sur lesquels il postulait correspondaient à ses compétences et ses qualifications. Le ministre ne peut opposer au requérant la circonstance qu’il n’aurait pas donné suite à la proposition d’accompagnement des services de la direction des ressources humaines du ministère dès lors qu’il appartenait à ces services de faire bénéficier à M. A… d’une priorité lorsqu’un emploi similaire à celui précédemment occupé par l’intéressé était vacant et pouvait être proposé à l’intéressé pour son réemploi. Par ailleurs, le ministre se prévaut du compte-rendu de la commission consultative paritaire du 1er décembre 2018 au cours de laquelle il a été évoqué que le directeur des ressources humaines du ministère et son adjoint seraient intervenus pour soutenir des candidatures de M. A… et que plusieurs directeurs des ressources humaines des directions régionales ou départementales auraient rapporté que l’agent ne semblait pas réellement motivé pour occuper les postes sur lesquels il a candidaté. Cependant, le ministre ne produit aucun élément permettant de corroborer ces allégations. Par ailleurs, le ministre fait valoir que les difficultés liées au réemploi de M. A… sont en lien avec un contexte général de réduction des effectifs répondant à des nécessités de service et indique que, comme cela lui a été rappelé dans un courrier du 30 juillet 2014, le requérant ayant été recruté en application des dispositions dérogatoires l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 précitées, son affectation en qualité d’agent contractuel sur des emplois vacants ne pouvait l’être qu’à titre dérogatoire et subsidiaire par rapport à celui de fonctionnaires titulaires. Néanmoins, le ministre ne démontre pas que l’ensemble des postes vacants, sur lesquels pouvait être affecté M. A… en raison de ses compétences et de ses qualifications, auraient été comblés par des agents titulaires conformément à ce principe d’affectation. Eu égard à l’ensemble de ces circonstances, et en admettant même que M. A… n’a pas fait acte de candidature sur le poste d'« attaché en charge des politiques territoriales de jeunesse et de promotion du service civique » à la direction départementale de la cohésion sociale de la Somme, ce seul élément ne suffit pas à établir que le ministre aurait été dans l’impossibilité de réemployer le requérant, lequel bénéficiait à cet égard d’une priorité, sur un emploi ou une occupation similaire. Il s’ensuit que M. A… est fondé à soutenir que le ministre des solidarités et de la santé a méconnu les dispositions de l’article 45-3 du décret du 17 janvier 1986 en le licenciant en raison de l’impossibilité de réemploi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A… et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L’article 2 du jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2020, ainsi que l’arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 15 février 2018 sont annulés.

Article 2 : L’Etat versera à M. A… la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et au ministre des solidarités et de la santé.

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N° 20NC01277

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