CAA de NANCY, 3ème chambre, 29 décembre 2022, 20NC02933, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Arnaud Gossement · 4 janvier 2023

Par deux arrêts n°20NC02931 et n°20NC02933 rendus le 29 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé que, si "l'impératif général de réduction de la dépendance des énergies fossiles" énoncé par la loi du 17 août 2015 et l'accord de Paris constitue un "objectif permanent de l'Etat", il n'autorise pas la ministre chargée de l'écologie à refuser la délivrance de permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures au titre du code minier à une société de droit privé. Ces arrêts confirment la portée juridique réduite des objectifs et engagements de lutte contre le changement …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 3e ch. - formation à 3, 29 déc. 2022, n° 20NC02933
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 20NC02933
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 21 juillet 2020, N° 1703937
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046845481

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EG Lorraine SAS a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande tendant à la délivrance du permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux dit « permis La Grand Garde », ainsi que la décision du 20 juin 2017 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l’économie et des finances ont explicitement rejeté cette demande.

Par un jugement n° 1703937 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 20 juin 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 octobre 2020 et le 16 juillet 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juillet 2020 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la société EG Lorraine SAS.

Elle soutient que :

— l’objectif de réduction de la dépendance à l’égard des énergies fossiles, notamment consacré par la loi du 17 août 2015 relative à la transition écologique, implique nécessairement une réduction de l’extraction des ressources fossiles et le ministre de la transition écologique et solidaire a pu, à bon droit, prendre en compte, dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui était le sien, ce contexte juridique nouveau pour refuser le titre sollicité ;

— le ministre n’a ainsi fait qu’adapter les critères de délivrance d’un permis exclusif de recherches prévus à l’article L. 122-2 du code minier ;

— le motif tiré de l’insuffisance des capacités techniques et financières de la société pétitionnaire aurait été, à lui seul, de nature à justifier le refus de la demande de permis exclusif de recherches ;

— saisi par l’effet dévolutif de l’appel, la cour ne pourra qu’écarter les autres moyens soulevés par la société pétitionnaire.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 janvier 2021 et le 22 juillet 2021, la société EG Lorraine SAS, représentée par Mes Levain et Prats-Denoix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les objectifs de la loi du 17 août 2016 ne pouvaient pas légalement justifier le rejet de la demande du Permis La Grand Garde ;

— elle dispose de capacités financières suffisantes pour réaliser les travaux d’exploitation en protégeant les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’énergie ;

— le code minier ;

— la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement ;

— la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;

— le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et au titres de stockage souterrain ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A,

— les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

— et les observations de Me Levain pour la société EG Lorraine SAS.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 mars 2014, la société EG Lorraine SAS a sollicité la délivrance d’un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Elle a présenté, par un courrier du 2 avril 2015, reçu le 7 avril 2015, une rectification de sa demande en modifiant notamment le périmètre du permis sollicité. En l’absence de réponse expresse, sa demande concernant le permis dit « B » a été implicitement rejetée. Par une décision du 20 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l’économie et des finances ont explicitement rejeté la demande. La société EG Lorraine SAS a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler ces deux décisions. Par un jugement n° 1703937 du 22 juillet 2020, le tribunal, après avoir considéré que la décision du 20 juin 2017 s’était substituée à la décision implicite, a annulé cette décision. La ministre de la transition écologique interjette appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision du 20 juin 2017 :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 122-2 du code minier: « Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s’il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d’État définit les critères d’appréciation de ces capacités, les conditions d’attribution de ces titres ainsi que la procédure d’instruction des demandes ».

3. D’autre part, aux termes de l’article 2 de la loi susvisée du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : « Les politiques publiques intègrent les objectifs mentionnés aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie. / Elles soutiennent la croissance verte par le développement et le déploiement de processus sobres en émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, par la maîtrise de la consommation d’énergie et de matières, par l’information sur l’impact environnemental des biens ou services, ainsi que par l’économie circulaire, dans l’ensemble des secteurs de l’économie. () / L’Etat mène une politique énergétique internationale ambitieuse et cohérente avec les politiques nationales et territoriales, en particulier en matière de lutte contre le changement climatique () ». Aux termes de l’article L. 100-1 du code de l’énergie, tel qu’issu de la loi du 17 août 2015: " La politique énergétique : / 1° Favorise l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte qui se définit comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, socialement inclusif, soutenant le potentiel d’innovation et garant de la compétitivité des entreprises ; () / 7° Contribue à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie, qui vise à garantir la sécurité d’approvisionnement et à construire une économie décarbonée et compétitive, au moyen du développement des énergies renouvelables, des interconnexions physiques, du soutien à l’amélioration de l’efficacité énergétique et de la mise en place d’instruments de coordination des politiques nationales « . Aux termes de l’article L. 100-2 du même code tel qu’issu de la loi du 17 août 2015: » Pour atteindre les objectifs définis à l’article L. 100-1, l’Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à : / 1° Maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques ; () / 3° Diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ; () « . Aux termes de l’article L. 100-4 de ce code dans sa version applicable : » I. – La politique énergétique nationale a pour objectifs : / 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement ; / 3° De réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012, en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ; () ".

4. Pour refuser la délivrance du permis de recherches d’hydrocarbures sollicité, le ministre a retenu, par sa décision du 20 juin 2017, que le projet serait contraire à la politique énergétique volontariste de la France traduite, notamment, par les objectifs et orientations retenus dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et par l’adoption des accords de Paris sur le climat. Si l’impératif général de réduction de la dépendance à l’égard des énergies fossiles constitue, aux termes des dispositions précitées, un objectif permanent de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements dans la définition des politiques publiques, ni les accords de Paris sur le climat, ni la loi du 17 août 2015 précitée, qui se borne à fixer des orientations et des objectifs généraux, n’ont eu pour objet ou pour effet d’interdire toute délivrance de permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux, mais tendent seulement à l’augmentation progressive de la part des énergies renouvelables. Par suite, la demande de la société EG Lorraine SAS ne pouvait être rejetée au seul motif que le projet méconnaissait la politique énergétique volontariste de la France traduite dans les dispositions de la loi du 17 août 2015 et par l’adoption des accords de Paris sur le climat.

5. La ministre soutient qu’elle aurait toutefois pris la même décision en se fondant sur l’insuffisance des capacités financières de la société pour mener à bien les travaux projetés, dès lors qu’à la suite d’une restructuration intervenue en 2015, la société La Française de l’énergie est devenue la société mère du groupe auquel appartient la société EG Lorraine SAS, mais que ce groupe connaissait des difficultés économiques alors qu’il avait multiplié les engagements financiers dans différents projets. Toutefois, il ressort du dossier de demande que la société porteuse du projet s’était engagée à réaliser un financement minimal de 8 millions d’euros à partir de ses fonds propres et il n’est nullement justifié qu’une telle somme était insuffisante ou que cette société ne disposait pas de la capacité de réaliser un tel investissement. En tout état de cause, alors que le ministre ne verse aucune production étayant ses allégations, il ressort des pièces du dossier que la société La Française de l’énergie, société mère de la pétitionnaire, a procédé à une levée de fonds de 37,5 millions d’euros dans le cadre de son entrée en bourse en 2016-2017, qu’elle bénéficiait également d’un accord de financement par un fonds pour un montant pouvant aller jusqu’à 60 millions d’euros et que la majorité de ses demandes de permis exclusifs de recherches ou de prolongations de permis avaient été rejetée à la date de la décision attaquée, de sorte que ses investissements futurs étaient limités. Dans ces conditions, au regard des éléments versés, la ministre n’est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu’à la date de la décision litigieuse, la société ne disposait pas des capacités financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches. Par suite, il ne peut être fait droit à la demande de substitution de motif sollicitée par la ministre.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la transition écologique n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 20 juin 2017.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de 2 000 euros à la société EG Lorraine SAS sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à la société EG Lorraine SAS la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société EG Lorraine SAS, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Wurtz, président,

— M. Meisse, premier conseiller,

— M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. A

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

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CAA de NANCY, 3ème chambre, 29 décembre 2022, 20NC02933, Inédit au recueil Lebon