Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 31 décembre 1992, 91NT00579 91NT00670, inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 2e ch., 31 déc. 1992, n° 91NT00579 91NT00670
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 91NT00579 91NT00670
Importance : Inédit au recueil Lebon
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 24 juillet 1991
Textes appliqués :
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel L8-1
Identifiant Légifrance : CETATEXT000007520130

Sur les parties

Texte intégral


VU I) l’ordonnance en date du 26 juin 1991, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Nantes le 22 juillet 1991, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, en application de l’article 57 du décret n° 63.766 du 30 juillet 1963 sur le Conseil d’Etat et du décret n° 72.143 du 22 février 1972, attribué à la Cour le jugement de la requête présentée pour la COMMUNE DE BOUCHEMAINE (Maine-et-Loire) contre le jugement n° 88.848 du 17 octobre 1990 du Tribunal administratif de Nantes ;
VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, respectivement, le 11 décembre 1990 sous le n° 121641 et le 2 avril 1991, présentés pour la COMMUNE DE BOUCHEMAINE, représentée par son maire en exercice, par Maître Laurent Y…, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ;
La COMMUNE DE BOUCHEMAINE demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 17 octobre 1990, par lequel le Tribunal administratif de Nantes, d’une part, l’a déclarée responsable à concurrence de la moitié, du préjudice invoqué par les époux X…, à la suite d’une décision du maire de Bouchemaine du 5 juillet 1982 engageant la municipalité à effectuer des travaux de réparation sur un immeuble appartenant aux intéressés, d’autre part, ordonné une expertise en vue de déterminer le préjudice subi par ces derniers ;
2°) de rejeter la demande d’indemnités présentée par les époux X… devant le Tribunal administratif de Nantes ;

VU II) la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour administrative d’appel de Nantes, respectivement, le 16 août 1991, sous le n° 91NT00670, et le 11 octobre 1991, présentés pour la COMMUNE DE BOUCHEMAINE (Maine-et-Loire) représentée par son maire en exercice, par Maître Laurent Y…, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ;
La COMMUNE DE BOUCHEMAINE demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 25 juillet 1991, par lequel le Tribunal administratif de Nantes l’a condamnée à payer aux époux X… la somme totale de 111 927 F en réparation de la moitié des conséquences dommageables des dégradations causées à leur propriété par ses occupants, M. et Mme Z… et à supporter les frais d’expertise d’un montant de 6 027 F ;
2°) de rejeter la demande d’indemnités présentée par les époux X… devant le Tribunal administratif de Nantes ;
3°) de condamner les époux X… aux entiers dépens ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 décembre 1992 :
 – le rapport de M. DUPUY, conseiller,
 – et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Considérant que les requêtes n° 91NT00579 et 91NT00670 de la COMMUNE DE BOUCHEMAINE (Maine-et-Loire) sont relatives au même litige ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par un premier jugement en date du 17 octobre 1990 le Tribunal administratif de Nantes a, d’une part, déclaré la COMMUNE DE BOUCHEMAINE responsable de la moitié du préjudice subi par les époux X… à la suite d’un engagement pris par le maire de cette commune le 5 juillet 1982 de faire prendre en charge par cette dernière les travaux de réfection que pourrait nécessiter la maison des intéressés après le départ de ses occupants, d’autre part, ordonné une expertise en vue de déterminer la nature et l’importance du préjudice subi par les victimes ; que par un second jugement du 25 juillet 1991, ce même tribunal a condamné ladite commune à payer aux époux X… une somme de 111 927 F et à supporter les frais d’expertise d’un montant de 6 027 F ; que la COMMUNE DE BOUCHEMAINE interjette appel desdits jugements en contestant que sa responsabilité puisse être retenue même partiellement à raison de l’engagement litigieux ainsi que, subsidiairement, le montant de la réparation allouée aux époux X…, tandis que ces derniers demandent, par la voie du recours incident, la condamnation de la commune à supporter l’entière responsabilité du dommage qu’ils invoquent de même qu’une augmentation de l’indemnisation qui leur est allouée ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
Considérant, d’une part, qu’il ressort des motifs du jugement précité du 17 octobre 1990 que le Tribunal administratif de Nantes, après avoir énoncé les termes de l’engagement municipal du 5 juillet 1982, a estimé que celui-ci était, quelle que soit sa valeur juridique, constitutif d’une faute engageant envers les époux X… la responsabilité communale laquelle, toutefois, devait être réduite de moitié pour tenir compte de la propre imprudence des victimes ; que, ce faisant, le tribunal, qui n’a pas l’obligation de répondre à tous les arguments du défendeur et doit être regardé comme s’étant prononcé implicitement sur le moyen tiré du défaut de lien de causalité entre la faute reprochée à la commune et le dommage allégué par les victimes, n’a pas entaché son jugement du 17 octobre 1990 d’une insuffisance de motivation ;
Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’examen des motifs du jugement précité du 25 juillet 1991 que le tribunal a répondu avec une précision suffisante aux conclusions et moyens présentés par les parties ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les moyens tirés par la COMMUNE DE BOUCHEMAINE de l’irrégularité des jugements attaqués doivent être rejetés ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le maire de Bouchemaine a, au début de l’année 1982, demandé aux époux X… de louer la maison dont ils sont propriétaires sur le territoire communal, au lieu dit « Le Boisselet », à la famille PINIER laquelle occupait une habitation nécessitant une procédure de péril imminent ; qu’en outre, des membres du conseil municipal ont assisté aux opérations d’état des lieux de la maison des époux GUINUT avant sa location et signé le procès-verbal au nom de la commune ; qu’enfin, par un certificat du 5 juillet 1982, le maire de la commune s’est engagé envers les époux GUINUT « à effectuer les réparations nécessaires … à la remise en état de la maison »Le Boisselet« à Bouchemaine, à la fin de la location consentie par M. Pierre GUINUT à la famille PINIER, dans le cas où celle-ci ne l’aurait pas fait » ainsi qu’au paiement de la caution inscrite au bail ;
Considérant qu’en adoptant une telle attitude, les représentants de la COMMUNE DE BOUCHEMAINE ont nettement encouragé les époux X… à consentir une location à l’égard de laquelle, dès lors, ces derniers pouvaient légitimement ne plus craindre un risque d’aléas, la circonstance que l’engagement précité ne leur ait été délivré que plusieurs jours après la signature du contrat de bail s’avérant, dans les circonstances de l’espèce, dépourvue d’influence sur ce point ; que, cependant, bien que de graves dégradations aient été relevées dans la maison des époux GUINUT après le départ forcé de ses locataires devenus occupants sans droit ni titre à la suite d’une ordonnance d’expulsion, la COMMUNE DE BOUCHEMAINE n’a pas respecté son engagement ;
Considérant qu’en déterminant par l’ensemble de son comportement la décision de louer prise par les époux X… puis, en changeant d’attitude au point de méconnaître un engagement nettement exprimé, la maire de Bouchemaine a commis une faute qui engage la responsabilité de la commune à l’égard des époux X… ; que ces derniers n’ont, dans les circonstances de l’espèce et contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, commis aucune imprudence de nature à venir atténuer la responsabilité communale ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions de la COMMUNE DE BOUCHEMAINE tendant à être déchargée de toute responsabilité envers les époux X… doivent être rejetées ; qu’en revanche, les époux X… sont fondés, par leur recours incident, à demander que la responsabilité du dommage qu’ils allèguent soit intégralement supportée par la COMMUNE DE BOUCHEMAINE et, en conséquence, que le jugement attaqué du 17 octobre 1990 soit annulé en ce qu’il laisse une part de responsabilité à leur charge ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que le montant du préjudice indemnisable résulte, en l’espèce, du coût des travaux de réparation des dégradations entraînées par la location que les époux X… ont consentie sous l’influence de la COMMUNE DE BOUCHEMAINE ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que, sur la base des éléments d’appréciation fournis par le rapport d’expertise, le tribunal administratif ait fait une inexacte estimation de ce préjudice en l’évaluant, par son jugement attaqué du 25 juillet 1991, à la somme de 86 245 F ;

Considérant, en second lieu, que l’expert a déposé son rapport le 7 mars 1991 ; qu’il n’est pas établi par les époux X… qu’à cette date, la cause des désordres ayant pris fin et leur étendue étant connue, ils ne pouvaient procéder aux travaux destinés à y remédier ; que s’ils font valoir, en particulier, qu’ils auraient été, à l’époque, dans l’impossibilité de financer ces travaux, ils ne justifient pas avoir fait les diligences requises pour se procurer, au besoin par voie d’emprunt, les fonds nécessaires, ou s’être heurtés sur ce plan à des difficultés insurmontables ; qu’il n’y avait donc pas lieu, contrairement à ce qu’ont décidé les premiers juges, de procéder à une réévaluation de cette somme à la date du jugement précité du 25 juillet 1991 ;
Considérant, enfin, que le préjudice pour perte de loyers allégué par les époux X… au titre de la période du 1er juin 1986 au 31 mai 1991, à le supposer certain, ne saurait être regardé comme une conséquence directe de la faute imputée à la COMMUNE DE BOUCHEMAINE ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que les époux X… étaient fondés à demander réparation de ce manque à gagner ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, d’une part, que la COMMUNE DE BOUCHEMAINE est seulement fondée à demander la réduction de 111 927 F à 86 245 F de l’indemnité qu’elle a été condamnée à payer aux époux X… et en conséquence, la réformation dans cette mesure de l’article 1er du jugement du 25 juillet 1991 attaqué, d’autre part, que les conclusions du recours incident des époux X… tendant à une majoration de l’indemnisation de son entier préjudice doivent être rejetées ;
Sur les frais d’expertise :
Considérant que le Tribunal administratif de Nantes a mis à bon droit les frais d’expertise à la charge de la COMMUNE DE BOUCHEMAINE qui succombe dans le présent procès ;
Sur l’application des dispositions de l’article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner les époux X… et la COMMUNE DE BOUCHEMAINE au paiement, les premiers, d’une somme de 9 000 F, la seconde, d’une somme de 5 000 F, qu’ils se réclament mutuellement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er – Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 17 octobre 1990 est annulé en ce qu’il ne déclare pas la COMMUNE DE BOUCHEMAINE (Maine-et-Loire) entièrement responsable du dommage causé aux époux X… du fait d’un engagement non respecté pris à leur égard par le maire le 5 juillet 1982.
Article 2 – L’indemnité de cent onze mille neuf cent vingt sept francs (111 927 F) que la COMMUNE DE BOUCHEMAINE a été condamnée à verser aux époux X… par l’article 1er du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 25 juillet 1991 est ramenée à la somme de quatre vingt six mille deux cent quarante cinq francs (86 245 F).
Article 3 – Les frais d’expertise, d’un montant de six mille vingt sept francs (6 027 F), sont maintenus à la charge de la COMMUNE DE BOUCHEMAINE.
Article 4 – Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 25 juillet 1991 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 – Le surplus des conclusions des requêtes de la COMMUNE DE BOUCHEMAINE et des recours incidents des époux X… est rejeté.
Article 6 – Les conclusions des époux X… tendant au bénéfice de l’article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont rejetées.
Article 7 – Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE BOUCHEMAINE, aux époux X… et au ministre de l’intérieur et de la sécurité publique.

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Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 31 décembre 1992, 91NT00579 91NT00670, inédit au recueil Lebon