CAA de NANTES, 5ème chambre, 29 mai 2017, 16NT00452, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 5e ch., 29 mai 2017, n° 16NT00452
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 16NT00452
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 10 décembre 2015, N° 1303267
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034828956

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Eau et Rivières de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 23 août 2012 par lequel le préfet des Côtes d’Armor a autorisé la SAS Damrec à procéder à l’extension des installations et à poursuivre l’exploitation d’une carrière d’andalousite exploitée au lieu-dit Guerphalès à Glomel.

Par un jugement n° 1303267 du 11 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 16NT00452 les 10 février 2016, 4 janvier 2017 et 20 janvier 2017, la société Imerys Refractory Minerals Glomel (IRMG), présentée par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’association Eau et Rivières de Bretagne devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de l’association Eau et Rivières de Bretagne la somme de

5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les motifs retenus par le tribunal administratif de Rennes pour annuler l’arrêté du 23 août 2012, tirés de l’insuffisance de l’étude d’impact quant à la caractérisation de l’étendue des zones humides et de l’incidence du projet sur le site Natura 2000 « Complexe Est des Montagnes Noires », sont entachés d’erreur de fait ;

 – au titre de l’effet dévolutif de l’appel, la demande présentée par l’association Eau et Rivières de Bretagne doit être rejetée compte tenu des écritures qu’elle a présentées en première instance.

Par un mémoire en observations enregistré le 7 avril 2016, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, demande à la cour de se reporter à l’appel qu’elle a elle-même interjeté contre le jugement attaqué, enregistré sous le n° 16NT00469, ainsi qu’aux observations présentées en première instance par le préfet des Côtes d’Armor.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 juillet 2016 et 19 janvier 2017, l’association Eau et Rivières de Bretagne, représentée par Me B…, conclut au rejet de la requête présentée par la société IRMG et, subsidiairement, au titre de l’effet dévolutif de l’appel, à l’annulation de l’arrêté du 23 août 2012 et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société IRMG ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 janvier 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 3 février 2017.

II. Par un recours enregistré sous le n° 16NT00469 le 12 février 2016, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, demande à la cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 décembre 2015.

Elle soutient que :

 – le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis de statuer sur trois des moyens soulevés par l’association Eau et Rivières de Bretagne ;

 – le tribunal a fait une inexacte application de la décision Ocreal du Conseil d’Etat du 14 octobre 2011, en ne démontrant pas en quoi la prétendue insuffisance de l’étude d’impact aurait nui à l’information de la population ou exercé une influence sur la décision contestée ;

 – l’étude d’impact n’avait pas à porter sur un périmètre s’étendant au-delà de celui de l’extension de la fosse faisant l’objet de la demande d’autorisation ;

 – le jugement attaqué est entaché d’erreur de droit pour avoir fait application d’une version de l’article L. 414-4 du code de l’environnement qui n’était pas celle en vigueur à la date de l’arrêté contesté ;

 – c’est au prix d’une erreur de fait que le tribunal administratif a considéré que le projet litigieux affecterait de façon significative un site Natura 2000.

Par des mémoires en observations enregistrés les 28 avril 2016, 4 janvier 2017 et 20 janvier 2017, la société IRMG, représentée par Me A…, conclut à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 décembre 2015, au rejet de la demande présentée par l’association Eau et Rivières de Bretagne devant ce tribunal et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de cette association au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 juillet 2016 et 19 janvier 2017, l’association Eau et Rivières de Bretagne, représentée par Me B…, conclut au rejet du recours présenté par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et, subsidiairement, au titre de l’effet dévolutif de l’appel, à l’annulation de l’arrêté du 23 août 2012 et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la ministre l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 janvier 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 3 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Massiou,

 – les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

 – les observations de Me A…, représentant la société IRMG, et de Me B…, représentant l’association Eau et Rivières de Bretagne.

1. Considérant que la société Imerys Refractory Minerals Glomel (IRMG) et la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, relèvent appel du jugement du 11 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de l’association Eau et Rivières de Bretagne, l’arrêté du préfet des Côtes d’Armor du 23 août 2012 autorisant la SAS Damrec, devenue la société IRMG, à procéder à l’extension de la fosse n° 3 et de la verse dite de Kerrué de la carrière d’andalousite exploitée au lieu-dit Guerphalès à Glomel, et à poursuivre l’exploitation de cette carrière ;

2. Considérant que les requêtes n° 16NT00452 et 16NT00469 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que les juges de première instance, auxquels aucun texte ni aucun principe n’imposait de se prononcer sur l’ensemble des moyens de la requête, n’ont pas entaché le jugement attaqué d’irrégularité en ne statuant pas sur l’ensemble des moyens soulevés par l’association défenderesse, lesquels ont, par ailleurs, été visés dans ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, que l’article R. 512-6 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que la demande d’autorisation de mise en service d’une installation classée pour la protection de l’environnement doit être accompagnée de l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1 du même code et dont le contenu est défini à l’article R. 122-5 de ce même code ; que selon ce dernier texte, dans sa version alors en vigueur : " (…) II. L’étude d’impact présente : (…) 2° Une analyse de l’état initial de la zone et des milieux susceptibles d’être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l’article L. 371-1, les équilibres biologiques, (…) l’eau, l’air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; (…) » ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ;

5. Considérant qu’il résulte de l’étude d’impact et de l’étude hydrogéologique jointes au dossier de demande d’autorisation d’extension des installations de la carrière d’andalousite en cause que ce projet d’extension aura un impact direct sur environ 7,2 hectares de zones humides, dont 6 situées à l’ouest de la fosse n° 3 et 1,2 au sud-est de la verse de Kerrué ; qu’il est également indiqué que d’autres zones humides d’une surface de 2 à 3 hectares seront indirectement impactées par l’extension de la verse du fait de l’interception des apports hydriques dans la prairie tourbeuse avoisinante et le vallon humide ; qu’il est aussi fait état de ce que des zones humides pourraient être drainées à l’ouest de la fosse n° 3, sur une zone allant jusqu’à 500 à 600 mètres de cette fosse, jusqu’au lieu-dit Kerbiquet ; que si ces études font, par ailleurs, état de ce que la faible perméabilité du sous-sol schisteux rend illusoire la détermination de la zone d’influence soumise à l’impact négatif du projet, il n’en reste pas moins qu’ont été ainsi identifiées des terrains inclus dans des zones humides impactées par le projet et pourtant exclues du périmètre de l’étude d’impact ; que cette insuffisance a pu nuire à l’information complète de la population et exercer une influence sur la décision prise ; que c’est, par suite, à bon droit que le jugement attaqué a retenu que l’arrêté contesté était entaché d’illégalité à cet égard ;

6. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, dans sa version applicable : « I. – Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après »Evaluation des incidences Natura 2000" : (…) 2° Les programmes ou projets d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations ; (…) » ; que la zone de l’extension de la carrière autorisée par l’arrêté contesté est à moins d’un kilomètre de la zone Natura 2000 « Complexe Est des Montagnes Noires », dans laquelle se situe l’étang du Corong, dont les berges abritent la plante dénommée Coléanthe délicat ; que la fiche Natura 2000 relative à cette zone indique que le maintien du régime hydraulique actuel est nécessaire pour assurer un bon état de conservation de cette plante, unique représentante connue de la tribu des Coleanthae, menacée au niveau mondial ; que l’étude d’impact mentionne que le projet d’extension de la carrière privera le Corong d’environ un million de m3 d’eau par an, « avant mesures », du fait d’un transfert d’eau vers le bassin versant de l’Ellé, ce qui n’aura pas d’incidence négative sur le Coléanthe délicat, le volume d’alimentation en eau de cet étang variant entre 8,5 et 10 millions de m3 par an ; que selon l’étude d’impact, le transfert d’eau sera limité, après application de mesures de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables du projet, à un volume compris entre 160 000 et 300 000 m3 par an ; qu’en toute hypothèse, et alors même que le niveau du Corong serait par ailleurs partiellement régulé par un barrage, la privation d’un tel volume d’eau est de nature, eu égard aux caractéristiques du Coleanthe délicat à affecter de manière significative le site Natura 2000 en cause ; qu’une évaluation des incidences du projet sur ce site était, par suite, nécessaire en application des dispositions précitées ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société IRMG et la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté du préfet des Côtes d’Armor du 23 août 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association Eau et Rivières de Bretagne qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la société IRMG sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l’association intimée et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la société IRMG et le recours de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sont rejetés.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 1 500 euros à l’association Eau et Rivières de Bretagne au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Imerys Refractory Minerals Glomel, à l’association Eau et Rivières de Bretagne et à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Côtes d’Armor.

Délibéré après l’audience du 12 mai 2017, où siégeaient :

— M. Lenoir, président de chambre,

 – M. Francfort, président-assesseur,

 – Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2017.


Le rapporteur,

B. MASSIOULe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

6

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N° 16NT00452, 16NT00469

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