CAA de NANTES, 3ème chambre, 7 février 2020, 18NT02881, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 7 févr. 2020, n° 18NT02881
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 18NT02881
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 31 mai 2018, N° 1701342
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000041548637

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… A… a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers à lui verser la somme de 42 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge par cet établissement de santé en mars 2013.

Par un jugement n°1701342 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers à verser à Mme A… la somme de 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 juillet 2018 et le 4 décembre 2019 Mme A…, représentée par Me C…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juin 2018 en tant qu’il n’a pas fait intégralement droit à sa demande ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers à lui verser la somme de 11 450 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers a commis deux fautes : un retard de diagnostic de la fracture du genou dont elle a souffert le 8 mars 2013 et un retard, une fois le bon diagnostic posé, à traiter cette fracture ;

 – elle a droit aux indemnités suivantes : 450 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne, 7 000 euros au titre des souffrances endurées et 1 000 euros au titre de la perte de gains professionnels ;

 – il n’est pas équitable d’avoir mis à sa charge la moitié des frais de l’expertise.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 octobre et 13 décembre 2019 le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers, représenté par Me G…, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de la santé publique ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. D…,

 – les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

 – et les observations de Me E…, représentant le CHU de Nantes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A… a été admise au centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers le 8 mars 2013 à la suite d’une chute. Elle a été soignée pour une plaie superficielle au genou gauche et a regagné son domicile le même jour. Le 15 mars, le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers l’a invitée à faire un scanner de contrôle en raison d’une suspicion de fracture. Cet examen a confirmé l’existence d’une fracture du plateau tibial externe. Un médecin orthopédique du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers lui a proposé une intervention chirurgicale dans un délai de deux à trois semaines, mais Mme A… a préféré se faire soigner dans une clinique privée. Le 9 octobre 2015, sur la demande de Mme A…, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a ordonné une expertise, confiée à un chirurgien orthopédique et traumatologique. L’expert a remis son rapport le 19 août 2016. Mme A… a demandé au tribunal administratif de Caen la condamnation du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers à lui verser la somme de 42 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 1er juin 2018, le tribunal lui a accordé 500 euros. Mme A… relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. ».

3. Il résulte de l’instruction, notamment du rapport d’expertise, que la radiographie dont a bénéficié Mme A… lors de son admission en urgence au centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers, le 8 mars 2013, permettait de diagnostiquer sans difficulté une fracture du plateau tibial externe du genou gauche. Ce diagnostic n’ayant été posé que le 15 mars 2013 à la suite d’un scanner de contrôle, la responsabilité du centre hospitalier est engagée.

4. Le médecin orthopédique du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers qui a pris en charge Mme A… le 15 mars 2013 lui a proposé une intervention chirurgicale dans un délai de deux à trois semaines. L’expert a estimé dans la partie de son rapport consacrée à la relation des faits qu’une telle intervention devait en principe être réalisée en urgence. Toutefois, il a aussi indiqué dans ses conclusions et dans une réponse à un dire que le délai de trois semaines envisagé pour réaliser cette intervention chirurgicale n’était pas fautif en l’espèce, Mme A… présentant un oedème au niveau du genou pouvant justifier un tel délai, et a précisé que son refus de subir cette intervention et sa décision de se faire soigner dans un autre établissement de santé l’avaient privée d’une meilleure chance de guérison. Dans ces conditions, le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers n’a commis aucune faute dans la prise en charge de la pathologie de Mme A… à partir du 15 mars 2013.

Sur les préjudices :

5. L’expert a estimé à 50% le déficit fonctionnel temporaire de Mme A… entre le 8 et le 15 mars 2013. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en condamnant le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers à lui verser la somme de 50 euros.

6. Les souffrances endurées par Mme A… ont été évaluées à 2 sur 7 par l’expert pendant sept jours. Une somme de 250 euros pourra lui être allouée au titre de ce chef de préjudice.

7. Il résulte de l’instruction que Mme A… a eu besoin de l’assistance d’une tierce personne non spécialisée du 8 au 15 mars 2013 à raison de deux heures par jour. Sur la base d’un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 14 euros et d’une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de Mme A… s’élève à la somme de 200 euros.

8. Ainsi que l’a indiqué l’expert, la faute du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers est sans lien avec le préjudice esthétique subi par Mme A… et n’a pas contribué au déficit fonctionnel permanent dont elle reste affectée. La requérante n’est donc pas fondée à demander la réparation de ces chefs de préjudice.

9. Mme A… ne justifie pas plus en appel qu’en première instance avoir engagé des frais divers et avoir perdu des gains professionnels en raison de la faute du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers. Le jugement attaqué doit donc être confirmé en tant qu’il a écarté la réparation de ces chefs de préjudice.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers à lui verser la somme de 500 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les frais de l’instance :

11. La responsabilité pour faute du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers étant engagée, il y a lieu de mettre à la charge de cet établissement de santé la totalité des frais d’expertise taxés et liquidés par l’ordonnance du 29 août 2016 du président du tribunal administratif de Caen à la somme de 1 500 euros. Mme A… est donc fondée à demander, dans cette mesure, l’annulation du jugement attaqué.

12. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ». Il y a lieu, en vertu de ces dispositions, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A… et non compris dans les dépens.


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701342 du 1er juin 2018 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu’il a mis la moitié des frais de l’expertise à la charge de Mme A….

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A… est rejeté.

Article 3 : Les frais de l’expertise, taxés et liquidés par l’ordonnance du 29 août 2016 du président du tribunal administratif de Caen à la somme de 1 500 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers.

Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers versera à Mme A… la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A…, au centre hospitalier intercommunal d’Alençon-Mamers et à la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l’audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

— Mme H…, présidente assesseure,

 – M. D…, premier conseiller,

 – Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 février 2020.


Le rapporteur

E. D… La présidente

N. H…


Le greffier
M. F…

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 18NT02881

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