CAA de NANTES, 3ème chambre, 1 octobre 2021, 18NT03424, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 1er oct. 2021, n° 18NT03424
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 18NT03424
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Orléans, 11 juillet 2018, N° 1601565
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044155258

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt avant dire droit n° 18NT03424 du 9 octobre 2020, la cour, statuant sur l’appel formé par M B… tendant à l’annulation du jugement n°1601565 du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif d’Orléans a mis à la charge de l’ONIAM le versement de la somme de 18 000 euros, a ordonné une expertise médicale en vue de déterminer la date de stabilisation de l’état de santé de M B… ainsi que les divers préjudices l’affectant depuis sa contamination par le virus de l’hépatite C.

Par un mémoire enregistré le 30 avril 2021 l’ONIAM représenté par Me Saumon, maintient ses conclusions à fin de rejet de la requête de M B….

Il soutient que l’évaluation des préjudices par les premiers juges doit être confirmée

Par un mémoire enregistré le 21 mai 2021 M. A… B…, représenté par Me Boyer, demande à la cour :

1°) de condamner l’ONIAM à lui verser la somme de 271 102 euros à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge de l’ONIAM la somme de 6000 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – les préjudices patrimoniaux temporaires devront être réparés par le versement des sommes de 13 392 euros en ce qui concerne le besoin temporaire d’aide par tierce personne ;

 – il y a lieu de réserver la réparation du préjudice liée à sa perte de gains professionnels futurs ;

 – l’incidence professionnelle sera réparée par le versement de la somme de 150 000 euros ;

 – les préjudices extrapatrimoniaux devront être réparés par le versement des sommes de 2 062,50 euros s’agissant du déficit fonctionnel temporaire, de 20 000 euros pour les souffrances endurées évaluées à 4/7, de 1 000 euros s’agissant du préjudice esthétique temporaire évalué à 2,5/7 ;

 – les préjudices extrapatrimoniaux permanents seront réparés par le versement des sommes de 16 000 euros s’agissant du déficit fonctionnel permanent évalué à 8 % et le préjudice spécifique de contamination par la somme de 50 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Brisson, présidente-assesseur,

 – les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

 – et les observations de Me Boyer, représentant M. B….


Considérant ce qui suit :

1. M. B…, né le 12 janvier 1974, est atteint d’hémophilie B majeure diagnostiquée à la naissance pour le traitement de laquelle il a reçu de multiples transfusions sanguines. En décembre 1991, il a été diagnostiqué chez l’intéressé une contamination par le virus de l’hépatite C. Après une surveillance médicale, M. B… a bénéficié du 31 janvier au 26 décembre 2005 d’un traitement qui a permis la négativation du virus. Il a saisi en

2014 l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d’une demande d’indemnisation tendant à la réparation des préjudices qu’il impute à sa contamination par le virus de l’hépatite C. Le 29 mars 2016, l’ONIAM a fait une offre d’indemnisation partielle pour un montant de 5 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, réservant l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent et de la perte de gains professionnels à l’obtention des créances des organismes sociaux et à la production de pièces justificatives. Estimant cette offre insuffisante, M. B… a demandé au tribunal administratif d’Orléans de reconnaître l’obligation de l’ONIAM d’indemniser l’ensemble de ses préjudices et d’ordonner une mesure d’expertise médicale aux fins d’évaluer ces derniers. Par un jugement du 12 juillet 2018, le tribunal administratif d’Orléans a mis à la charge de l’ONIAM le versement à M. B… C… la somme de 18 000 euros. M. B… a relevé appel de ce jugement en tant qu’il n’a pas ordonné la mesure d’expertise sollicitée et n’a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires. Aux termes d’un arrêt du 9 octobre 2020, la cour a confirmé l’obligation faite à l’ONIAM d’indemniser M. B… des préjudices découlant de sa contamination par le virus de l’hépatite C au titre de la solidarité nationale et a ordonné une expertise médicale.

L’expert a déposé son rapport le 29 mars 2021, permettant désormais de chiffrer les préjudices de l’intéressé.


Sur les préjudices subis par M. B… :


En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

2. Il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise que M. B… a eu besoin, au cours de la période pendant laquelle le traitement contre l’hépatite lui a été administré, soit du 31 janvier au 26 décembre 2005, de l’aide d’une tierce personne, à raison de 2h par jour, pour la prise de médicaments, la toilette, faire les courses, préparer les repas ou mener son enfant à l’école. En se fondant sur un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros s’agissant, comme en l’espèce, d’une aide non spécialisée, et en retenant une base annuelle de 412 jours incluant les congés payés, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. B… en l’évaluant à la somme de 9 700 euros (330 jours x 2 heures par jour x 13 euros par heure x 1,128).

3. Si M. B… mentionne qu’il subit un préjudice lié à une perte de gains professionnels futurs, la réalité de ce préjudice n’est pas établie en l’état du dossier et il n’appartient pas à la cour de donner acte au requérant de ses réserves dans l’attente de la production de justificatifs.

4. En l’espèce, il est constant que la contamination de M. B… est à l’origine d’une asthénie provoquée par le traitement qui lui a été administré, imposant une importante réduction de ses horaires de travail au sein du restaurant dans lequel il est employé, l’intéressé ne pouvant désormais travailler qu’à raison d’un quart-temps et dans le cadre d’une affectation à des tâches administratives le privant des contacts avec la clientèle. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l’incidence professionnelle subie par le requérant en l’évaluant à

10 000 euros.


En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :

5. M. B… a subi un déficit fonctionnel temporaire total lors d’une journée d’hospitalisation pour éducation thérapeutique, puis un déficit fonctionnel partiel de

25 % pendant son traitement administré du 31 janvier au 26 décembre 2005 et enfin un déficit qui a pu être évalué à 15 %, sous déduction de la période de traitement, au cours de la période s’étendant du 20 décembre 1991, date de découverte de sa contamination au virus de l’hépatite C jusqu’au jour de sa stabilisation constatée le 20 juin 2006. Il y a ainsi lieu d’évaluer à

11 950 euros ce chef de préjudice.

6. Les souffrances endurées par l’intéressé, évaluées à 4/7 par l’expert en raison de la lourdeur et des effets secondaires du traitement nécessaire, de l’impact de celui-ci dans la réalisation du projet familial du couple et de répercussions psychologiques pourront être évaluées à 7 200 euros.

7. M. B… a subi, du fait d’un important amaigrissement provoqué par la pathologie dont il est atteint, un préjudice esthétique temporaire estimé à 2,5/7 par l’expert. Il y a lieu en l’espèce d’évaluer ce préjudice à la somme de 2 700 euros.

8. Compte tenu de la fibrose hépatique de stade 2 dont M. B… reste atteint, le déficit fonctionnel permanent en lien direct avec la contamination en raison de l’atteinte à l’intégrité physique et psychique de l’intéressé a été évalué par l’expert à 8 %. Il y a lieu d’évaluer ce chef de préjudice à 10 500 euros.

9. Contrairement à ce que soutient l’ONIAM, le préjudice spécifique de contamination, lié aux inquiétudes légitimes nées de la contamination et des conséquences graves pouvant en résulter pour la personne contaminée par le virus de l’hépatite C, est distinct de celui correspondant au déficit fonctionnel permanent. En l’espèce, il n’est pas contesté que, de la date de la révélation de sa contamination par le virus de l’hépatite C jusqu’à la date du constat de sa stabilisation le 20 juin 2006, M. B… a pu légitimement éprouver des inquiétudes en raison même de sa contamination, des conséquences graves qui pouvaient en résulter et de la nécessité de devoir se soumettre à une surveillance médicale régulière.

Il y a lieu d’évaluer ce chef de préjudice à 8 000 euros.

10. Il résulte de ce qui précède que M B… est fondé à solliciter la condamnation de l’ONIAM à lui verser la somme totale de 60 050 euros


Sur les frais liés au litige :

11. En application de l’article R.761-1 du code de justice administrative il y a lieu de mettre à la charge définitive de l’ONIAM, les frais de l’expertise taxés et liquidés à la somme de 1 626,80 euros par une ordonnance du 6 avril 2021 du président de la cour.

12. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’ONIAM le versement à M. B… C… la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :


Article 1er : La somme de 18 000 euros que le tribunal administratif d’Orléans a mise à la charge de l’ONIAM au profit de M. B… est portée à 60 050 euros.

Article 2 : Le jugement n°1601565 du 12 juillet 2018 du tribunal administratif d’Orléans est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais et honoraires de l’expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 626,80 euros, sont mis à la charge définitive de l’ONIAM.

Article 4 : L’ONIAM versera à M. B… la somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B…, à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes, à la caisse primaire d’assurance maladie du Loir-et-Cher et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l’audience du 16 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

— Mme Perrot, présidente,

 – Mme Brisson, présidente-assesseure,

 – M L’hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.

La rapporteure

C. Brisson

La présidente

I. Perrot

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 18NT03424

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