CAA de NANTES, 6ème chambre, 23 novembre 2021, 20NT02765, Inédit au recueil Lebon

  • Université·
  • Harcèlement moral·
  • Justice administrative·
  • Étudiant·
  • Victime·
  • Tribunaux administratifs·
  • Fonctionnaire·
  • Conditions de travail·
  • Conférence·
  • Préjudice

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 6e ch., 23 nov. 2021, n° 20NT02765
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 20NT02765
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Orléans, 29 juin 2020, N° 1800906
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044361843

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif d’Orléans de condamner l’université d’Orléans à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu’il a subis du fait d’actes de harcèlement moral dont il estime avoir été victime, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1800906 du 30 juin 2020, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande (article 1er) et a mis à la charge de M. B… une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, M. B…, représenté par Me Paragyios, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de condamner l’université d’Orléans à lui verser la somme de 70 000 euros, somme majorée des intérêts et de la capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l’université d’Orléans une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – il a été victime d’agissements de harcèlement moral ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail, ayant conduit à l’évincer de son poste de directeur-adjoint de l’institut d’administration des entreprises ;

 – cette situation lui a causé un préjudice de carrière et un préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2021, l’université d’Orléans, représentée par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Malingue,

 – les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

 – et les observations de Me Leeman, représentant l’université d’Orléans.

Considérant ce qui suit :

1. M. B…, maître de conférences au sein de l’Université d’Orléans et élu directeur-adjoint de l’institut d’administration des entreprises (IAE) en 2015, a sollicité, par courrier du 7 novembre 2017, la réparation des préjudices qu’il a subis en conséquence des faits de harcèlement moral dont il estime avoir été victime. Après le rejet implicite de sa demande, il a sollicité auprès du tribunal administratif d’Orléans la condamnation de l’université d’Orléans à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation de ces préjudices. Il relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité de l’université d’Orléans pour faits de harcèlement moral :

2. Aux termes de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (…) ".

3. D’une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile.

4. D’autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l’agent victime doit alors être intégralement réparé.

5. M. B… soutient qu’il a été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, consistant en un dessaisissement progressif de ses fonctions, en un processus de mise à l’écart et de décrédibilisation vis-à-vis des collègues et étudiants, notamment à l’occasion de l’organisation du gala de l’IAE et de réunions sur l’offre de formations, de l’attitude hostile de collaborateurs et d’un étudiant président le bureau des élèves, du manque de soutien de sa hiérarchie et une éviction irrégulière de ses fonctions de directeur-adjoint dès lors que le président de l’université lui a demandé de démissionner, qui ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail à compter de la rentrée de l’année universitaire 2016/2017 et à une altération de son état de santé l’ayant amené à consulter le médecin de prévention, un psychologue ainsi un psychiatre et à être placé sous traitement médicamenteux. Ces éléments sont susceptibles de faire présumer l’existence du harcèlement moral allégué.

6. Pour démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, l’université d’Orléans a fait valoir, devant le tribunal administratif d’Orléans, que les suppressions de poste sont en lien avec ses difficultés financières importantes, l’ayant conduit à une politique de rationalisation des dépenses dans le cadre d’un plan de retour à l’équilibre, et que l’IAE a connu de graves et récurrentes difficultés de fonctionnement à la fin de l’année 2016, après l’élection du nouveau doyen de la faculté de Droit, en raison du comportement de la directrice et de M. B….

7. En premier lieu, la circonstance que M. B… n’a pas été convié à deux réunions au cours desquelles l’offre de formation était abordée ne suffit pas à établir que les prérogatives qui lui étaient dévolues à ce titre, en tant que directeur-adjoint de l’IAE puis maître de conférences, lui ont été retirées. Par ailleurs, s’agissant de sa participation au projet relatif à l’organisation du gala de l’IAE, les pièces versées au dossier révèlent que la date de fixation de ce gala a fait l’objet de vives tensions entre les différents protagonistes au projet, dont le président du bureau des élèves. Compte tenu du niveau de tensions et de la mise en cause personnelle de M. B…, n’est établie aucune mise à l’écart excédant les pouvoirs de l’autorité hiérarchique dans le cadre de la gestion de conflits atteignant des proportions déraisonnables au regard de l’enjeu. Pour ce même motif lié aux tensions nouées autour de l’organisation du gala de l’IAE, le retrait des prérogatives exercées par M. B… sur ce projet, justifié par l’intérêt du service, n’a pas excédé les pouvoirs de l’autorité hiérarchique.

8. En deuxième lieu, si M. B… se plaint de l’attitude hostile de collaborateurs et de l’étudiant président du bureau des élèves, les agissements évoqués ne revêtent pas un caractère répété de nature à caractériser des faits de harcèlement moral.

9. En troisième lieu, les pièces versées au dossier mettent en évidence que si les difficultés relationnelles au sein de l’équipe de l’IAE d’Orléans étaient préexistantes, les tensions se sont accrues à la fin de l’année 2016, après l’élection du nouveau doyen de la faculté de droit à la tête de l’UFR Collegium Droit, Economie et Gestion. Ainsi, la lettre du 6 février 2017 par laquelle le président de l’université d’Orléans, qui évoque le constat d’échec des mesures mises en œuvre pour restaurer la sérénité au sein de l’IAE et demande au directeur et à M. B… d’en tirer les conséquences en démissionnant dans les meilleurs délais de leurs fonctions, est intervenue postérieurement à une réunion plénière extraordinaire de l’ensemble des enseignants et enseignants-chercheurs de l’IAE du 2 février 2017, dans un contexte de conflits interpersonnels et de dissensions majeures entre la directrice et M. B… et une partie de l’équipe enseignante ayant réclamé leur démission, qui ne sont pas contestés, ainsi que de tensions générées par le positionnement inapproprié de l’équipe de direction de l’IAE vis-à-vis du président du bureau des étudiants. Ces difficultés relationnelles particulièrement aigües tant avec les membres de l’IAE qu’avec les étudiants ou leur représentant ne permettaient pas un fonctionnement normal de l’institut. Dans ces conditions, l’intérêt du service commandait de mettre un terme à cette situation, à laquelle le comportement de M. B… participait activement. Par suite, l’éventuelle irrégularité isolée commise par le président de l’université d’Orléans en sollicitant la démission de M. B… par la lettre du 6 février 2017, qui n’a pas été contestée en temps utile, ne saurait être qualifiée d’agissement constitutif de harcèlement moral.

10. En quatrième lieu, si M. B… se plaint du manque du soutien de sa hiérarchie qu’il avait pourtant alertée, les pièces versées au dossier établissent que sa situation était suivie avec attention par le président de l’université d’Orléans, qui a répondu à ses sollicitations et l’a rencontré le 31 mai 2017. Par ailleurs, la décision par laquelle le président de l’université d’Orléans lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle n’est pas de nature à établir que sa hiérarchie serait restée passive après avoir été alertée sur le harcèlement dont il aurait fait l’objet.

11. En cinquième et dernier lieu, si M. B… évoque la persistance des dysfonctionnements de l’IAE, l’ensemble des faits postérieurs à sa fin de fonction en qualité de directeur-adjoint de l’IAE ne sont pas de nature à révéler des agissements de harcèlement moral à son endroit.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l’université d’Orléans est engagée en raison d’agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime. Il n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’université d’Orléans, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B… demande au titre des frais liés au litige. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B… la somme sollicitée par l’université d’Orléans sur le même fondement.


DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l’université d’Orléans présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et à l’université d’Orléans.

Délibéré après l’audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

— M. Gaspon, président de chambre,

 – M. Coiffet, président assesseur,

 – Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021.


La rapporteure,

F. MALINGUELe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

1

N° 20NT02765 5

1

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23 novembre 2021, 20NT02765, Inédit au recueil Lebon