CAA de NANTES, 4ème chambre, 4 février 2022, 21NT00973, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 4e ch., 4 févr. 2022, n° 21NT00973
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 21NT00973
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 10 février 2021, N° 1900502
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045140401

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe Vinet a demandé au tribunal administratif de Caen de réviser le montant du décompte général et définitif du marché dont elle était titulaire en y réintégrant les pénalités d’un montant de 38 000 euros retenues à son encontre par la communauté urbaine Caen la Mer, en y ajoutant une somme de 47 634,83 euros au titre de l’indemnisation du préjudice résultant de l’ajournement du chantier et de l’allongement du délai d’exécution des travaux ainsi que la somme de 5 874,73 euros au titre des intérêts moratoires dus sur les acomptes payés en retard et, en conséquence, de condamner la communauté urbaine Caen la Mer à lui verser ces sommes assorties des intérêts contractuels à compter du 3 août 2018 avec capitalisation annuelle.

Par un jugement n° 1900502 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté urbaine Caen la Mer à verser à la société Groupe Vinet la somme de 12 355,88 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2018 et de leur capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 avril et 7 octobre 2021, la société Groupe Vinet, représentée par Me Loubeyre, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Caen en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner la communauté urbaine Caen la Mer à lui verser, au titre du solde du décompte général et définitif du marché dont elle était titulaire, les sommes de 38 000 euros au titre des pénalités de retard indument retenues et de 47 634,83 euros TTC au titre de l’indemnisation des préjudices nés de l’allongement du délai d’exécution des travaux, avec intérêts moratoires à compter du 3 août 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Caen la Mer la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* s’agissant des pénalités de retard :

 – les pénalités prétendument applicables sont des pénalités provisoires, non définitives ; en application de l’article 20.1.5 du CCAG travaux elles auraient dû être remboursées faute d’incidence des retards discutés sur le délai global d’exécution des travaux ; la prolongation unilatérale du délai d’exécution vaut renonciation aux pénalités de retard ;

 – les pénalités infligées sont irrégulières faute pour les pièces contractuelles d’avoir précisé la notion de tâche critique ou devenue critique mentionnée à l’article 6.3 du CCAP ;

 – les retards à l’origine des pénalités n’ayant pas été constatés par le maitre d’œuvre, les pénalités ne pouvaient lui être infligées ;

 – le maitre d’ouvrage n’établit pas que les retards sont imputables à la société Groupe Vinet, alors qu’ils sont la conséquence de l’action d’autres constructeurs ;

* s’agissant de l’indemnisation des conséquences de la prolongation du délai d’exécution : elle sera indemnisée pour un montant de 47 634,83 euros TTC au titre de l’immobilisation de ses matériels, du fait de l’allongement anormal du chantier et des frais d’installation et de repli de chantier en phase 3, dont elle doit être indemnisée en raison de la faute du maître d’ouvrage, ou sur le fondement de l’article 49 du CCAG du fait de la décision d’ajournement ;

 – les demandes de la communauté urbaine Caen la Mer seront rejetées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet et 29 octobre 2021, la communauté urbaine Caen la Mer, représentée par Me Fekri, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Groupe Vinet ;

2°) par la voie de l’appel incident, de réformer le jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Caen en ce qu’il met à sa charge la somme de 12 355,88 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société Groupe Vinet une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement sera réformé en ce qu’il prévoit une indemnisation de la société Groupe Vinet au titre de divers préjudices alors qu’elle n’établit pas l’existence d’une faute du maitre d’ouvrage dans la prolongation des délais d’exécution et que la réalité des préjudices, ou leur imputabilité à la prolongation des délais d’exécution, n’est pas démontrée ; le montant des intérêts moratoires au titre du paiement des acomptes ne pourrait dépasser 3 783,11 euros dès lors que les sommes accordées par le tribunal concernent des sommes dues à des sous-traitants et les retards allégués ne sont pas fondés ; la société Groupe Vinet n’ayant subi aucun préjudice, aucune somme supplémentaire, non prévue dans le décompte général, ne peut lui être allouée ;

 – les moyens soulevés par la société Groupe Vinet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code des marchés publics ;

 – l’arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

 – l’arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Rivas,

 – les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

 – et les observations de Me Karpinski, représentant la société Groupe Vinet, et de Me Geffroy, représentant la communauté urbaine Caen la Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 10 octobre 2012, la communauté urbaine Caen la Mer a confié le lot n° 11 « revêtements sols et murs carrelage – étanchéité » du marché portant sur la restructuration du stade nautique de Caen à la société Groupe Vinet. Par un courrier du 27 février 2014, la société SOFRESID, chargée de l’ordonnancement, du pilotage et de la coordination (OPC), a informé la société Groupe Vinet qu’une somme de 38 000 euros hors taxes était provisionnée en raison de son retard de trente-huit jours dans la pose des résines des goulottes du bassin de vingt-cinq mètres. Par un courriel du 5 mars 2014, la communauté urbaine a indiqué à cette même société son intention de mettre à sa charge cette pénalité. Par ailleurs, alors que la seconde phase du chantier devait initialement intervenir du 26 mai 2014 au 13 novembre 2015, les travaux portant sur les plages, le bassin olympique extérieur et la fosse à plongeon confiés à la société requérante ont été suspendus par un ordre de service n° 9 avec effet au 11 décembre 2015, avant de reprendre le 29 août 2016 en exécution d’un ordre de service n° 10. Ces modifications des délais d’exécution n’ont pas donné lieu à la conclusion d’un avenant, en l’absence d’accord entre les parties sur le contenu de celui-ci. La société Groupe Vinet a alors demandé au tribunal administratif de Caen la révision du montant du décompte général et définitif du marché afin d’y intégrer à son crédit les sommes de 38 000 euros au titre des pénalités retenues à son encontre, 47 634,83 euros au titre de l’indemnisation de ses préjudices nés de l’ajournement du chantier et de l’allongement du délai d’exécution des travaux à compter de décembre 2015 et 5 874,73 euros au titre des intérêts moratoires dus sur des acomptes payés en retard pendant l’exécution du marché. Par un jugement du 11 février 2021, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté urbaine Caen la Mer à verser à la société Groupe Vinet la somme de 12 355,88 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2018 et de leur capitalisation, comprenant 6 481,15 euros au titre de certains de ses préjudices nés de l’allongement du délai d’exécution des travaux et 5 874,73 euros au titre d’intérêts moratoires nés du paiement tardif de vingt-et-un acomptes. La société Groupe Vinet relève appel de ce jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à ses autres demandes et la communauté urbaine Caen la Mer demande la réformation de ce même jugement en tant qu’il a mis à sa charge la somme de 12 355,88 euros.

Sur les conclusions d’appel principal de la société Groupe Vinet :

En ce qui concerne les pénalités de retard :

2. D’une part, aux termes de l’article 6.3 « pénalités pour retard » du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige : " le titulaire subira, par jour de retard dans l’achèvement des travaux, une pénalité journalière 1 000 € HT + 1/1000ème du montant du marché X nombre de jours de retard. / Pour retard en cours de chantier, sur simple constatation du maitre d’œuvre, retard de chaque tâche critique ou devenue critique du calendrier détaillé d’exécution, des pénalités pourront être appliquées au titulaire : la pénalité appliquée sera de 1 000 € HT par jour calendaire de retard. (…) ".

3. D’autre part, aux termes de l’article 20.1.5 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, approuvé par arrêté du 8 septembre 2009 : « En cas de retard sur un délai partiel prévu au marché, si le délai global est respecté, le représentant du pouvoir adjudicateur rembourse au titulaire les pénalités provisoires appliquées, à la condition que le retard partiel n’ait pas eu d’impact sur les autres travaux de l’ouvrage. ». Enfin, il résulte de l’article 17 « Dérogations aux documents généraux » du CCAP applicable au présent marché que : « Les dérogations aux CCAG Travaux, explicitées dans les articles désignés ci-après du CCAP sont apportées aux articles suivants : (…) L’article 6.3 déroge à l’article 20.1 du CCAG Travaux (…) ».

4. Par ailleurs aux termes de l’article 3 « délais d’exécution » de l’acte d’engagement de la société requérante : « Le délai d’exécution de l’ensemble des lots est de 30 mois. Ces délais partent à compter de la date fixée par l’ordre de service prescrivant au titulaire du lot concerné de commencer l’exécution des travaux lui incombant. / Le délai d’exécution propre au lot pour lequel je m’engage sera déterminé par les conditions stipulées au CCAP. » et aux termes de l’article 6 « Délai d’exécution – Pénalités et primes » de ce CCAP : « 6.1 Délai d’exécution des travaux : le délai d’exécution des travaux de l’ensemble des travaux est stipulé à l’acte d’engagement. / Le délai d’exécution de chaque lot s’insère dans ce délai d’ensemble, conformément au calendrier prévisionnel d’exécution qui sera joint en annexe de ce présent CCAP. (…) ».

5. Il résulte de l’instruction que la société Groupe Vinet a été informée par un courrier du 27 février 2014 de la société SOFRESID, en charge de la mission OPC, que celle-ci avait constaté un retard de 38 jours dans la pose de la résine des goulottes du bassin de 25 mètres du stade nautique et qu’en conséquence une somme de 38 000 euros HT était provisionnée sur sa prochaine situation de travaux. Malgré la contestation de cette décision par la société requérante, le solde du décompte général et définitif du marché conclu avec la communauté urbaine Caen la Mer maintient cette somme au débit du compte de la société Groupe Vinet.

6. En premier lieu, la société Groupe Vinet soutient que les retards fondant les pénalités sont restés sans incidence sur le délai global d’exécution des travaux. Cependant, en admettant même une telle situation, il résulte des stipulations de l’article 6.3 du CCAP citées au point 2, qui servent seules de fondement aux pénalités, que cela est sans incidence sur la décision de prononcer des pénalités qui intervient ici « pour retard en cours de chantier », donc indépendamment de l’existence éventuelle de retards sur le délai global d’exécution du chantier. La société requérante ne peut davantage se référer utilement aux stipulations de l’article 20.1.5 du CCAG travaux applicable en l’espèce alors qu’il résulte de la combinaison des articles 17 et 6.3 du CCAP applicable que ce dernier article déroge à cet article 20.1.5.

7. En deuxième lieu, la seule circonstance que le CCAP ou les autres pièces contractuelles ne définissent pas la notion de « tâche critique ou devenue critique » mentionnée à l’article 6.3 du CCAP n’est pas à elle seule de nature à priver ces stipulations de toute application alors qu’il s’agit d’une notion courante en gestion des organisations, décrivant des tâches qui doivent être effectuées selon un calendrier contraint afin de satisfaire à un calendrier global répondant à un chemin dit critique. Du reste, les divers documents de la société SOFRESID en charge de la mission « Ordonnancement, Pilotage et Coordination » s’y réfèrent régulièrement sans qu’il résulte de l’instruction que la société Groupe Vinet, professionnelle aguerrie, se soit méprise ou même interrogée sur leur sens. Enfin, la communauté urbaine Caen la Mer soutient, sans être sérieusement contredite, que le retard dans la pose de la résine des goulottes par la société Groupe Vinet a provoqué un décalage dans la mise en eau du bassin, ce qui s’assimile à un retard critique au sens de l’article 6.3 du CCAP du marché. En conséquence, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que ces stipulations ne pouvaient trouver à s’appliquer en raison de leur imprécision.

8. En troisième lieu, la société requérante soutient que la pénalité en débat ne pouvait lui être infligée alors que, en méconnaissance de l’article 6.3 du CCAP, la maitrise d’œuvre n’a pas constaté le retard à l’origine des pénalités. Toutefois, l’article 7 des annexes 1 et 2 de l’arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé définit explicitement la fonction OPC comme un des éléments de la mission de maîtrise d’œuvre tant pour les opérations de constructions neuves que pour les opérations de réhabilitation, ce dont il résulte que les retards constatés en l’espèce par la société SOFRESID dans sa lettre du 27 février 2014 adressée à la société Groupe Vinet doivent être regardés comme constatés par la maîtrise d’œuvre au sens de l’article 6.3 du CCAP. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les pénalités en litige ne reposeraient pas, dans le respect de l’article 6.3 du CCAP, sur un constat effectué par le maitre d’œuvre.

9. En quatrième lieu, la société requérante soutient que les retards à l’origine des pénalités mises à sa charge ne lui sont pas imputables. Il résulte du courrier de la société SOFRESID du 27 février 2014 précédemment mentionné et d’un courriel de la communauté urbaine du 5 mars suivant, adressés à la société requérante, qu’initialement l’ouvrage devait être livré en février 2014 et que la pose des résines des goulottes devait être achevée le 10 janvier 2014. Si le calendrier détaillé d’exécution des travaux tel que fixé par l’ordre de service n° 5 du 20 janvier 2014 prévoyait la fin (« solde ») de la pose de la résine des goulottes, en six jours, à compter du 27 janvier 2014, il en résulte qu’il existait déjà un retard dans la réalisation de ces travaux à cette date et que ceux-ci n’avaient toujours pas été réalisés le 27 février 2014, date du courrier de la société SOFRESID adressé à la société requérante faisant état d’un retard de 38 jours justifiant une pénalité pour retard de travaux de 38 000 euros. La société requérante ne peut utilement se prévaloir de comptes rendus de réunions ultérieurs faisant état de dates de travaux différentes dès lors que ceux-ci n’avaient pour objet que d’imposer à la société requérante un nouveau calendrier afin qu’elle rattrape son retard. Si la société Groupe Vinet mentionne également divers retards dans la conduite générale du chantier, il n’est pas établi par l’instruction que les retards observés de mise hors d’eau partielle du stade nautique, de l’exécution du lot menuiserie et ceux nés d’intempéries pouvaient justifier le retard d’au moins 38 jours mis par la société Groupe Vinet pour réaliser la pose de la résine des goulottes d’un bassin du stade nautique. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, la prolongation du délai d’exécution des travaux du fait de la décision d’ajournement prise par le maître d’ouvrage ne saurait être regardée comme valant renonciation aux pénalités de retard, en l’absence d’autres éléments manifestant une volonté du maître d’ouvrage en ce sens. Par suite, la société Groupe Vinet n’est pas fondée à soutenir que la pénalité de 38 000 euros mise à sa charge serait infondée.

En ce qui concerne l’indemnisation des conséquences de l’allongement des délais d’exécution du marché :

10. Il résulte de l’instruction que par un ordre de service n° 9 du 17 décembre 2015 la communauté urbaine Caen la Mer a invité la société Groupe Vinet à suspendre l’exécution des travaux relatifs aux plages et au bassin olympique ainsi qu’au carrelage et au traitement d’eau de la fosse à plongeon à compter du 11 décembre 2015, en raison de son choix de redéfinir les travaux de restructuration du bassin olympique avec l’installation d’un manteau thermique. Cette modification nécessitait alors des aménagements substantiels, dont la pose d’un bassin en inox sur la partie maçonnée au lieu du revêtement carrelé de ce bassin initialement prévu, l’ensemble justifiant la passation de nouveaux marchés pour ces nouvelles prestations. Par un ordre de service n° 10 du 17 août 2016 la société Groupe Vinet a été invitée à reprendre les travaux relatifs aux plages et au bassin olympique ainsi qu’au carrelage de la fosse à plongeon à compter du 29 août 2016. Un avenant n° 3 au marché conclu avec la société Groupe Vinet a été signé en février 2017 avec mention des réserves de la société Groupe Vinet portant sur les conséquences financières de la suspension du chantier pendant près de neuf mois et sa prolongation pendant six mois. La fin de la totalité des travaux a alors été fixée au 1er mars 2017.

11. En premier lieu, la société Groupe Vinet soutient qu’ainsi que l’ont reconnu les premiers juges le retard dans l’exécution du marché est intégralement imputable à la décision de décembre 2015 de la maitrise d’ouvrage de modifier le calendrier des travaux de restructuration du stade nautique et qu’en conséquence elle doit être indemnisée des dépenses nées de la mobilisation de ses matériels du fait de la prolongation du chantier. D’une part, il ne résulte pas de l’instruction qu’elle aurait effectivement immobilisé tout ou partie de son matériel pendant la période d’ajournement sans pouvoir le réaffecter sur d’autres chantiers et qu’en conséquence la mobilisation de ce même matériel à compter de septembre 2016 ouvrirait un droit à indemnisation. Par suite, sa demande indemnitaire présentée à ce titre ne peut qu’être rejetée. D’autre part, de même, si du fait de l’allongement des délais d’exécution des travaux la société Groupe Vinet a exposé des frais de conduite de travaux et d’encadrement à compter de la reprise des travaux en septembre 2016, il ne résulte pas de l’instruction qu’ils seraient majorés au regard de ceux qu’elle aurait exposés si le chantier s’était déroulé selon le calendrier initial alors que celui-ci a été ajourné pendant plus de huit mois. A cet égard la circonstance que les travaux de restructuration décidés en 2016 par la maitrise d’ouvrage ont eu pour conséquence une réduction du montant du marché qu’elle avait initialement conclu avec la communauté urbaine est sans incidence sur le droit à indemnisation de la requérante au titre des conséquences de l’ajournement des travaux initiaux. Par suite, les conclusions indemnitaires de la société Groupe Vinet présentées à ce titre ne peuvent qu’être rejetées.

12. Enfin, en revanche, la société Groupe Vinet soutient qu’elle doit être indemnisée pour une somme de 3 900 euros des frais de repli et d’installation de la phase 3 du chantier respectivement en décembre 2015 et en septembre 2016. Ces frais sont justifiés et n’auraient pas été exposés si le chantier n’avait pas été prolongé après un ajournement. Il y a lieu en conséquence de faire droit à cette demande pour le montant sollicité.

13. En second lieu, l’article 49.1.1 du CCAG Travaux stipule que « L’ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l’article 12, à la constatation des ouvrages et parties d’ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. / Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu’il aura éventuellement subi du fait de l’ajournement. ». La société Groupe Vinet invoque dans son mémoire en réplique le bénéfice de ces stipulations, sur le fondement desquelles l’entrepreneur a droit à être indemnisé des frais que lui impose la garde du chantier ajourné, ainsi que de l’ensemble des préjudices subis du fait de l’ajournement, à condition toutefois d’établir la réalité de ses préjudices, ainsi que leur lien avec l’ajournement, lequel, régi par les stipulations spécifiques précitées, doit être distingué des simples retards d’exécution. En l’espèce, la période d’ajournement a duré du 11 décembre 2015 au 28 août 2016. Mais il ne résulte pas de l’instruction que les préjudices dont la requérante prétend justifier résulteraient de manière directe et certaine de cet ajournement, notamment s’agissant des frais de conduite de travaux, d’encadrement et de déplacement durant les 33 semaines de prolongation du 29 août 2016 au 14 avril 2017 et des frais d’immobilisation ou de location de matériels durant la période de reprise des travaux après le 29 août 2016. Dès lors, la société Groupe Vinet ne peut prétendre à aucune indemnisation sur le fondement des stipulations de l’article 49.1.1 du CCAG Travaux.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Groupe Vinet est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à être indemnisée par la communauté urbaine Caen la Mer, pour un montant de 3 900 euros, des conséquences de l’allongement des délais d’exécution du marché.

Sur les conclusions d’appel incident de la communauté urbaine Caen la Mer :

15. Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

16. Aux termes de l’article 19 « fixation et prolongation des délais » du cahier des clauses administratives générales applicable aux marché public de travaux : " 19.2.2. Une prolongation du délai de réalisation de l’ensemble des travaux ou d’une ou plusieurs tranches de travaux ou le report du début des travaux peut être justifié par : – un changement du montant des travaux ou une modification de l’importance de certaines natures d’ouvrages ;/ – une substitution d’ouvrages différents aux ouvrages initialement prévus ;/ – une rencontre de difficultés imprévues au cours du chantier ;/ – un ajournement de travaux décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur ; / – un retard dans l’exécution d’opérations préliminaires qui sont à la charge du maître de l’ouvrage ou de travaux préalables qui font l’objet d’un autre marché. / L’importance de la prolongation ou du report est proposée par le maître d’œuvre après avis du titulaire, et décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur qui la notifie au titulaire. ".

17. Ainsi qu’il a été exposé au point 10, la communauté urbaine Caen la Mer a décidé en décembre 2015 de modifier les travaux de restructuration du bassin olympique en vue de l’installation d’un manteau thermique, impliquant une redéfinition substantielle du projet, avec notamment la pose d’un bac inox au lieu de l’ensemble maçonné et carrelé prévu, et la réalisation de divers travaux destinés à pallier les conséquences du nouveau niveau d’eau en résultant dans le bassin. Il résulte de l’instruction qu’une telle situation, qui a obligé la maitrise d’ouvrage à conclure de nouveaux marchés et à modifier les prestations de la société Groupe Vinet, s’analyse comme une faute commise par la communauté urbaine dans l’estimation initiale de ses besoins et non, comme elle le soutient, comme une adaptation du projet à de nouvelles contraintes. La communauté urbaine ne peut alors utilement se prévaloir des stipulations de l’article 19.2.2 du cahier des clauses administratives générales qui ne trouvent pas à s’appliquer en présence d’une faute de la maitrise d’ouvrage dans l’estimation initiale de ses besoins. Elle ne peut davantage utilement se prévaloir, pour le même motif, de la circonstance que la société Groupe Vinet n’a pas émis de réserve à l’ordre de service n° 11 du 3 novembre 2016 décidant d’un nouveau calendrier détaillé d’exécution, alors au surplus que cette société avait émis de telles réserves sur l’ordre de service n° 9 décidant la suspension des travaux. Par suite, la communauté urbaine Caen la Mer n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge diverses sommes en conséquence de l’allongement des délais d’exécution du marché qu’elle a décidé en décembre 2015.

18. Les premiers juges ont indemnisé la société Groupe Vinet pour un montant de 5 384,88 euros TTC au titre des frais qu’elle a exposés en conséquence de la réorganisation de la zone de stockage du sable, de la location d’un manuscopique et d’une goulotte pour l’évacuation de gravois et de la pose d’une protection des sols, justifiés par l’ajournement des travaux décidé en décembre 2015. Il résulte des explications circonstanciées données par la société requérante qu’alors même que le projet redéfini de bassin olympique a justifié une interruption des travaux en décembre 2015, divers travaux distincts avaient été terminés avant cette date, justifiant alors une modification des lieux de stockage du sable nécessaire dans l’ultime phase de travaux en 2016. En revanche, il ne résulte pas de l’instruction que les frais de location d’une goulotte pour l’évacuation de gravois ou la pose de protection des enrobés seraient la conséquence de la faute commise par la collectivité et qu’ils n’auraient pas été exposés identiquement si les travaux s’étaient poursuivis sans interruption. Il y a lieu en conséquence, au terme d’une juste appréciation, et compte-tenu des justificatifs présentés, de limiter l’indemnité due à ce titre à la société Groupe Vinet à la somme de 4 000 euros TTC.

19. Le jugement attaqué alloue également à la société Groupe Vinet la somme de 1 096,27 euros à titre d’indemnisation des frais administratifs supplémentaires exposés par la société Groupe Vinet du fait de la faute commise par la collectivité publique. Une telle somme étant suffisamment justifiée par les pièces produites et s’expliquant par les conséquences de la faute commise, la demande de la communauté urbaine Caen la Mer tendant à ce qu’aucune somme ne puisse être versée à la société requérante à ce titre ne peut qu’être rejetée.

20. Aux termes de l’article 5.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux : « (…) Les sommes dues au(x) titulaire(s) et au(x) sous-traitant(s) de premier rang éventuel(s) du marché, seront payées dans un délai global de 30 jours à compter de la date de réception des factures ou des demandes de paiement équivalentes. / Le taux des intérêts moratoires sera celui du taux d’intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ».

21. Le jugement attaqué met à la charge de la communauté urbaine Caen la Mer la somme de 5 874,73 euros au titre des intérêts moratoires nés du paiement tardif de vingt-et-un acomptes à la société Groupe Vinet. Si la communauté de commune conteste ce calcul au double motif qu’il intégrerait à tort des sommes dues à des sous-traitants de la société Groupe Vinet et que les retards de paiement seraient inférieurs à ceux avancés par cette même société, les éléments présentés ne permettent pas d’établir une telle situation. Par suite, les conclusions présentées à ce titre par la communauté urbaine intimée ne peuvent qu’être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu en conséquence de calculer le montant du décompte général et définitif du marché en litige en ajoutant à la somme allouée par les premiers juges à la société Groupe Vinet la somme de 3 900 euros au titre des frais de repli et d’installation du chantier et en déduisant la somme de 1 384,88 euros au titre de l’indemnisation des conséquences de la modification du projet de la collectivité. Il y a lieu ainsi de condamner la communauté urbaine Caen la Mer à verser à la société Groupe Vinet la somme supplémentaire de 2 515,12 euros.

Sur les intérêts moratoires :

23. Aux termes de l’article 13.4.3 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : « En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d’un complément, majoré, s’il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. ».

24. La société requérante demande l’application des intérêts moratoires au titre du solde du marché à compter du 3 août 2018, date de réception de son mémoire en réclamation adressé à la communauté urbaine en contestation du décompte général et définitif du marché. Il résulte d’une part de ce qui précède que la communauté urbaine Caen la Mer n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le jugement attaqué a mis à sa charge le versement d’intérêts moratoires sur les sommes dues à la société Groupe Vinet. D’autre part, cette société a droit au versement d’intérêts moratoires à compter du 3 août 2018 au titre de la somme supplémentaire de 2 515,12 euros mise à la charge de la communauté urbaine intimée.

Sur les frais d’instance :

25. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l’octroi d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la communauté urbaine Caen la Mer. En revanche, il convient, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Groupe Vinet.

D E C I D E :


Article 1er : La somme de 12 355,88 euros que la communauté urbaine Caen la Mer a été condamnée à verser à la société Groupe Vinet par l’article 1er du jugement attaqué est portée à 14 871 euros.

Article 2 : L’article 1er du jugement n° 19000502 du 11 février 2021 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La communauté urbaine Caen la Mer versera à la société Groupe Vinet la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe Vinet et à la communauté urbaine Caen la Mer.


Délibéré après l’audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Lainé, président de chambre,

 – M. Rivas, président assesseur,

 – Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 21NT00973

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
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CAA de NANTES, 4ème chambre, 4 février 2022, 21NT00973, Inédit au recueil Lebon