Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 9 juillet 1991, 89PA00700 89PA00741 89PA00746 89PA01601 89PA01602 89PA02902, publié au recueil Lebon

  • Règles de procédure contentieuse spéciales·
  • Rj1 marchés et contrats administratifs·
  • B) refus de suivre l'avis du comité·
  • Marchés et contrats administratifs·
  • Pouvoirs et obligations du juge·
  • Pouvoir d'annulation -absence·
  • Pouvoir du juge du contrat·
  • Droit a indemnité·
  • Fin des contrats·
  • Résiliation

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

S’il résulte de l’article 25-2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels qu’un sursis de livraison a pour effet d’écarter, pour un temps égal à sa durée, la menace de résiliation des engagements contractuels en raison de leur inexécution, la résiliation du marché passé par l’Etat avec la société requérante avant l’expiration du délai de sursis n’est pas, en l’espèce, de nature à engager la responsabilité de l’Etat dès lors qu’elle est justifiée au regard des exigences de l’intérêt général.

Il résulte des dispositions de l’article 40-2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels que des actes par lesquels l’administration concernée refuse de saisir le comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat et de suivre l’avis rendu ont le caractère de mesures d’exécution du marché qu’il n’appartient pas au juge du contrat d’annuler.

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 1e ch., 9 juill. 1991, n° 89PA00700 89PA00741 89PA00746 89PA01601 89PA01602 89PA02902, Lebon
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 89PA00700 89PA00741 89PA00746 89PA01601 89PA01602 89PA02902
Importance : Publié au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 4 juillet 1989, N° 8807604
Précédents jurisprudentiels : A comparer :
CE, 19/03/1982, Jean-Joseph et autres, p. 127
Textes appliqués :
Code des marchés publics 242

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel R222

Décret 80-809 1980-10-14 annexe Décret 81-271 1981-03-18 art. 4

Dispositif : Réformation
Identifiant Légifrance : CETATEXT000007427069

Sur les parties

Texte intégral


Vu les décisions en date des 2 janvier 1989 et 1er février 1989 par lesquelles le président de la 10e sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, les requêtes présentées pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » et visés sous les I à V ci-après ;
Vu I) sous le N° 89PA00700, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat les 25 avril 1988 et 25 août 1988, présentés pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » dont le siège est …, par la SCP Delaporte-Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; la société demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement n° 8702205 et 8703231/6 du 3 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant d’une part à l’annulation de la décision du 23 février 1987 confirmant le refus en date du 20 janvier 1987 du ministre de la défense de saisir le comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat, à ce que soient déclarées irrégulières les décisions des 18 septembre 1986, 3 novembre 1986, 20 janvier 1987 et 23 février 1987 annonçant la résiliation d’un marché de fournitures de flotteurs pneumatiques, prononçant cette résiliation, et confirmant cette résiliation ; d’autre part, à ce que l’Etat soit condamné à lui payer la somme de 2.650.000 F avec intérêts à titre de dommages et intérêts ;
2°) d’annuler ou déclarer irrégulières les décisions précitées ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 2.650.000 F assortie des intérêts et des intérêts des intérêts ;
Vu II) sous le N° 89PA00741, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat les 25 avril 1988 et le 25 août 1988, présentés pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » par la SCP Delaporte-Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; la société demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement n° 71092/6 du 3 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la résiliation de la tranche supplémentaire du marché en date du 19 juin 1986 et à la condamnation de l’Etat à lui verser avec intérêts la somme de 1.670.000 F ;
2°) d’annuler la décision du 19 juin 1986 ;
3°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 1.670.000 F assortie des intérêts et des intérêts des intérêts ;
Vu III) sous le N° 89PA00746, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 25 avril 1988 et 25 août 1988, présentés pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » par la SCP Delaporte-Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; la société demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 8702204/6 du 3 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 20 janvier 1987 par laquelle le ministre de la défense a refusé de saisir le comité consultatif de règlement amiable des marchés ;
2°) d’annuler la décision du 20 janvier 1987 ;
Vu IV) sous le N° 89PA01601 la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 décembre 1988 et 22 mars 1989 présentés pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » par la SCP Delaporte-Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; la société demande :
1°) d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du n° 8706921/6 du 19 octobre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris l’a condamnée à payer à l’Etat la somme de 6.433.363,76 F toutes taxes comprises ;
2°) d’annuler ledit jugement ;
3°) de fixer le décompte de résiliation du marché en mettant au débit de l’Etat la somme de 7.620.000 F avec les intérêts de droit ;
Vu V) sous le N° 89PA01602 la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 décembre 1988 et 22 mars 1989, présentés pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » par la SCP Delaporte-Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; la société demande :
1°) d’annuler le jugement n° 8703269/6 du 19 octobre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 23 février 1987 en tant qu’elle porte refus de saisir le comité consultatif de règlement amiable des marchés et à l’annulation des décisions du 12 décembre 1986 et 23 février 1987 en tant qu’elles invitent la société à retirer les matériels déjà livrés, à ce que ces décisions soient déclarées irrégulières et à ce que l’Etat soit condamné à lui payer avec intérêt la somme de 3.300.000 F ;
2°) d’annuler les décisions susvisées ;
3°) de condamner l’Etat à lui payer, avec intérêts, la somme de 3.300.000 F ;
Vu VI) sous le N° 89PA02902, la requête enregistrée au greffe de la cour le 12 décembre 1989, présentée pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » par la SCP Delaporte-Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 8807604 du 5 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision prise le 15 juin 1988 par le ministre de la défense de ne pas suivre l’avis rendu par le comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat ;
2°) d’annuler ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 25 juin 1991 :
 – le rapport de M. Lièvre, conseiller,
 – les observations de la SCP Delaporte-Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, pour la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industries »,
 – et les conclusions de M. Dacre-Wright, com-missaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont relatives au même marché public ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par un marché en date du 14 mai 1984, la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » a été chargée par le ministre de la défense de la réalisation de flotteurs pneumatiques destinés à équiper les bacs « Gillois » utilisés par l’armée de terre ; que ce marché prévoyait la livraison par la société d’une tranche ferme de vingt lots de flotteurs puis, sur ordre de service de l’administration, de quatre tranches supplémentaires ; qu’après les ordres donnés à l’entreprise d’exécuter la tranche ferme puis la première tranche supplémentaire, des incidents survenus en 1985 sur les flotteurs dits « verts » déjà livrés ont conduit la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » à les reprendre au titre de la garantie prévue au contrat et à engager la réalisation de nouveaux flotteurs dits « noirs » ; que l’administration a résilié le 19 juin 1986 la tranche supplémentaire n° 1 puis, après avoir invité la société, le 18 septembre 1986, à cesser toute fabrication, a résilié l’ensemble du marché le 3 novembre 1986 ; que, le 12 décembre 1986, elle a invité la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » à reprendre les flotteurs « noirs » livrés ; qu’après avoir rejeté, le 20 janvier 1987, le recours gracieux de la société contre les résiliations prononcées et refusé de saisir le Comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat (CCRA), elle a rejeté le 23 février 1987 toutes les réclamations de la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » et, enfin, a refusé le 15 juin 1988 de suivre l’avis rendu par le comité sur saisine de la société ; que le tribunal administratif de Paris a par, les six jugements dont cette dernière fait appel, rejeté ses conclusions dirigées contre les actes administratifs précités et fait partiellement droit à ses conclusions à caractère pécuniaire ;
Sur le moyen des requêtes n°s 89PA00700 et 89PA00741 tiré de l’irrégularité des jugements attaqués :
Considérant, d’une part, que le jugement attaqué par la première des requêtes susvisée a été notifié à la société requérante le 3 mars 1988 ; que ce n’est que le 25 août 1988 qu’elle a contesté dans un mémoire complémentaire la régularité dudit jugement ; qu’il suit de là que ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte de celles qui servaient de fondement à la requête, constitue une demande nouvelle qui, présentée tardivement, n’est pas recevable ;

Considérant, d’autre part, que dans la deuxième requête, la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » soutient que les premiers juges auraient dû surseoir à statuer jusqu’à ce que le Comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat (CCRA) ait rendu son avis ; qu’en vertu de l’article 242 du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret du 18 mars 1981 relatif au règlement amiable des litiges nés à l’occasion de tels marchés, lequel a, par son article 4, abrogé toute disposition contraire, la saisine du comité suspend les délais de recours contentieux jusqu’à la décision prise par l’administration après avis dudit comité ; qu’ainsi la société aurait pu attendre cette décision pour se pourvoir devant le juge administratif ; qu’en revanche, aucune disposition d’ordre législatif ou règlementaire n’impose au tribunal administratif, qui dirige seul l’instruction, de surseoir à statuer sur la requête, déposée préalablement à l’avis, jusqu’à l’intervention de ce dernier ; que, dès lors, le moyen susanalysé ne peut qu’être écarté ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions du 20 janvier 1987 et du 23 février 1987 en tant qu’elles refusaient de saisir le comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat, et de la décision du 15 juin 1988 refusant de suivre l’avis de ce comité :
Considérant qu’aux termes de l’article 40-2 du cahier des clauses administratives générales : « … Le titulaire peut … demander à la personne publique que les différends ou litiges nés a l’occasion de l’exécution du marché soient soumis à l’avis du comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat … La personne publique n’est pas tenue de donner suite à cette demande » ; qu’il résulte de ces dispositions que les actes administratifs par lesquels la personne publique concernée refuse de saisir le Comité consultatif de règlement amiable des marchés de l’Etat et de suivre l’avis rendu à la suite de sa saisine par le cocontractant, ont le caractère de mesures d’exécution du contrat ; qu’il n’appartient pas au juge du contrat d’annuler de telles mesures ; que, par suite, les conclusions susvisées sont irrecevables ; que, dès lors, la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » n’est ni fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a, par ses jugements n°s 8702205, 8703231/6, n°s 8702204/6 et 8703269/6, rejeté les premières des conclusions susvisées, ni fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement n° 8807604, il a rejeté les autres ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des actes administratifs des 19 mars 1986, 19 juin 1986, 18 septembre 1986, 3 novembre 1986, 12 décembre 1986, 23 février 1987 en tant qu’il confirme la décision du 12 décembre 1986 et à la condamnation de l’Etat à payer à la société requérante les sommes de 1.670.000 F, 2.650.000 F et 3.300.000 F :
Considérant qu’il n’appartient pas au juge du contrat, lequel ne porte pas, en l’espèce, concession d’un service public, d’annuler des décisions relatives à l’exécution d’un marché ou portant résiliation de celui-ci, mais seulement de rechercher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité pour le cocontractant ;
En ce qui concerne la compétence des auteurs des décisions des 19 mars 1986 et du 18 septembre 1986 d’une part, des décisions du 19 juin 1986 et du 3 novembre 1986 d’autre part :
Considérant que les lettres du 19 mars 1986 et du 18 septembre 1986, en tant qu’elles avertissaient la société requérante de l’engagement de la procédure de résiliation de la tranche supplémentaire n° 1 et de la tranche ferme, se rapportent à l’exécution du marché, dont le suivi incombait au directeur de l’établissement d’Angers ; que par suite ce dernier a pu valablement signer lesdites lettres ;
Considérant que les décisions du 19 juin 1986 et du 3 novembre 1986 portaient résilisation de la tranche supplémentaire n° 1 et résiliation de la tranche ferme ; que par arrêté du 25 mars 1986, le ministre de la défense a notamment donné délégation à M. Y…, directeur des armements terrestres, et à M. X…, son suppléant, pour signer en matière de marchés « toutes décisions à l’exception de celles qui concernent la résiliation des marchés signés par le ministre », au nombre desquels ne se trouvait pas le contrat passé avec la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » ; qu’ainsi la décision de résiliation de la tranche supplémentaire N° 1 du 19 juin 1986, signée par M. X… et la décision de résiliation de la totalité du marché du 3 novembre 1986 signée par M. Y… ont été prises par les autorités compétentes pour le faire ;
En ce qui concerne le bien-fondé des décisions du 19 juin 1986 et du 3 novembre 1986 :
Considérant d’une part qu’aux termes de l’article 29-3 du cahier des clauses administratives générales annexé au décret du 14 octobre 1980 applicable au marché : « Indépendamment des essais imposés par le marché, la personne publique peut, à ses frais, recourir dans les ateliers du titulaire ou dans les siens propres à tels moyens non prévus par le marché qu’elle juge convenables pour constater si les prestations satisfont à toutes les conditions du marché » ; qu’aux termes de l’article 18-4 : « Au cours de l’exécution de la prestation, l’autorité chargée de la surveillance peut refuser tout élément de la prestation … qui ne satisfait pas aux conditions exigées par les documents techniques régissant le marché » ; qu’aux termes de l’article 3 du cahier des clauses techniques particulières : "Les flotteurs doivent pouvoir être utilisés lorsque la température ambiante est comprise entre – 20° C et + 40° C …" ;

Considérant d’autre part que l’article 37-1 du cahier des clauses administratives générales dispose : « La personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire, après mise en demeure infructueuse lorsque : a) »L’utilisation des prestations par la personne publique est gravement compromise parce que le titulaire a pris du retard dans l’exécution du marché" ; qu’aux termes de l’article 25-2 : « … Un sursis de livraison peut également être accordé lorsque le titulaire rencontre … dans l’exécution d’une fabrication nouvelle des difficultés techniques exceptionnelles d’une ampleur imprévisible lors de la conclusion du marché. Le sursis de livraison a pour seul effet d’écarter, pour un temps égal à sa durée, … la menace de résiliation pour non-exécution des engagements contractuels » ;
Considérant que, compte tenu des stipulations du marché et des ordres de service en date du 29 mai 1984 et du 12 mars 1985 qui ont porté commande des tranches ferme et complémentaire, les délais contractuels s’y rapportant expiraient respectivement les 31 juillet 1985 et 18 juin 1986 ; qu’alors qu’un premier sursis de livraison avait été accordé le 20 juin 1985, l’explosion d’un flotteur « vert » le 27 juillet suivant, à la suite de son exposition au soleil, a révélé que ce produit ne répondait pas aux stipulations contractuelles ; que, le 20 septembre 1985, la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » a été mise en demeure de mettre en oeuvre des actions correctives et de proposer de nouveaux délais précis et engageants et que, par lettre du 8 octobre 1985, l’administration a pris acte de l’abandon de la technique des flotteurs « verts » et de la mise en fabrication de nouveaux flotteurs « noirs », fixé les délais de livraison de ces derniers entre février 1986 pour le premier lot et mars 1987 pour le dernier de la tranche supplémentaire, et précisé que la mise en demeure deviendrait immédiatement exécutable si le nouveau produit ne pouvait être qualifié à la suite d’essais auxquels elle procèderait ; qu’au cours des essais effectués en mars, puis en juillet et août 1986 par les services techniques compétents de la direction des armements terrestres, des dégradations incompatibles avec l’utilisation normale des nouveaux flotteurs ont été constatées ; qu’enfin, la décision de résiliation de la tranche supplémentaire a fixé au 1er décembre 1986 l’expiration de l’ultime délai de livraison accordé à la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » pour l’accomplissement de ses engagements contractuels sur la tranche ferme ; qu’il n’est pas contesté, enfin, qu’en novembre 1986, douze lots de flotteurs « noirs » avaient été livrés au lieu des vingt lots prévus pour la tranche ferme ;

Considérant qu’eu égard, d’une part, aux sti-pulations contractuelles et aux faits rappelés ci-dessus et, d’autre part, aux exigences de l’intérêt général attaché à la valorisation des bacs « Gillois », lesquels conditionnent l’efficacité des moyens de franchissement des cours d’eau par les forces de l’armée de terre, l’administration pouvait imposer à son cocontractant des essais de qualification de nature à lui donner l’assurance que les flotteurs « noirs » répondaient aux spécifications techniques ; que les dé-fectuosités constatées lors de ces essais ayant révélé que la société ne maîtrisait pas encore suffisamment la technologie en cause et ne pourrait donc pas fournir un produit satisfaisant dans les délais prévus, la direction des armements terrestres a pu, dans les circonstances de l’espèce, sans commettre d’irrégularité de nature à engager la responsabilité de l’Etat et sans avoir à renouveler sa mise en demeure, prononcer les résiliations dont il s’agit ; que si la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » soutient que la responsabilité de l’administration est néanmoins engagée du fait du risque pris en voulant faire acquérir une technologie nouvelle par une société française, de la hâte et de l’impréparation manifestées dans le lancement de l’opération, il résulte au contraire des circonstances mentionnées ci-dessus que le directeur des armements terrestres a suffisamment tenu compte de ces difficultés ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements n°s 8702205 et 8703231/6 d’une part et 71092/6 d’autre part, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser les sommes de 2.650.000 F et de 1.670.000 F ;

En ce qui concerne le bien-fondé des décisions du 12 décembre 1986 et 23 février 1987 :
Considérant, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, d’une part, qu’aux termes de l’article 18-4 du cahier des clauses administratives générales, « au cours de l’exécution de la prestation, l’autorité chargée de la surveillance peut refuser tout élément de la prestation … qui ne satisfait pas aux conditions exigées par les documents techniques régissant le marché » et, d’autre part, que les essais effectués en 1986 ont révélé que les flotteurs « noirs » ne répondaient pas à ces conditions ; qu’ainsi l’administration pouvait refuser les douze lots livrés et demander à la société de les reprendre ; que le directeur de l’établissement d’Angers, chargé de la surveillance de l’exécution du contrat, était compétent pour le faire ; qu’aucune réception définitive desdits flotteurs n’est intervenue ; qu’ainsi qu’il a été dit, la procédure de résiliation n’est entachée d’aucune irrégularité et l’administration n’a commis aucune faute ; que, dès lors, la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement n° 8703269, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 3.300.000 F ;
Sur les conclusions relatives au décompte de résiliation :
En ce qui concerne les conclusions de la requête N° 89PA01601 tendant à la condamnation de l’Etat à verser à la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » la somme globale de 7.620.000 F :
Considérant que les conclusions de la société tendant au versement par l’Etat des sommes de 2.650.000 F, 1.670.000 F et 3.300.000 F viennent d’être rejetées ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent que l’être également ;
En ce qui concerne le décompte proprement dit :
Considérant qu’aux termes du 3e alinéa de l’article 25-2 du cahier des clauses administratives générales : « Le sursis de livraison a pour seul effet d’écarter pour un temps égal à sa durée, l’application des pénalités pour retard et la menace de résiliation pour non-exécution des engagements contractuels » ;
Considérant en premier lieu qu’ainsi qu’il a été dit précédemment, ces dispositions ne faisaient pas obstacle, dans les circonstances de l’espèce, au prononcé des résiliations lesquelles n’ont été entachées d’aucune irrégularité ; que, par suite, conformément aux dispositions de l’article 37-4 du cahier des clauses administratives générales, la somme de 3.236.131,05 F représentant le total des acomptes versés a été, à juste titre, portée au débit de la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » ;
Considérant en second lieu qu’en vertu du même article 37-4, le supplément des dépenses résultant de la passation d’un marché aux frais et risques du cocontractant est également porté au débit de ce dernier ; qu’ainsi la somme de 533.922,61 F représentant les frais supplémentaires de passation d’un marché avec une autre société pour la réalisation des prestations, a été, à juste titre, mise au débit de la société ;

Considérant en dernier lieu que la résiliation de la tranche supplémentaire étant intervenue avant la date de livraison prévue à la suite des nouveaux sursis et calendrier de livraisons fixés par la lettre en date du 8 octobre 1985, aucune pénalité de retard n’est due, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, au titre de cette tranche ; qu’en ce qui concerne la tranche ferme, dont la livraison du dernier lot avait été fixée au plus tard au 1er décembre 1986 par la décision du 19 juin 1986, les pénalités sont dues, en vertu des mêmes dispositions, sur les lots qui auraient dû être livrés entre le 1er février 1986 et le 23 septembre 1986, date de notification de la lettre invitant la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » à cesser toute fabrication ; qu’il résulte de l’instruction que le nombre de jours de retard constatables, compte tenu du dernier échéancier ainsi arrêté par l’administration, s’élève à 1159 ; qu’eu égard au mode de calcul des pénalités prévu contractuellement, leur montant doit être fixé à la somme de 285.178,90 F ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le montant total des sommes devant être mises au débit de la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » s’élève à 4.055.232,56 F ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement n° 8706921, le tribunal administratif a laissé à sa charge la somme de 6.433.363,76 F ;
Sur les conclusions incidentes présentées par le ministre de la défense :
Considérant que le ministre demande que la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » soit condamnée à verser à l’Etat une somme de 6.000 F par mois au titre des frais exposés pour le stockage des lots de flotteurs livrés et non repris par la société depuis le 1er janvier 1987 ;
Considérant qu’en vertu des dispositions des articles 32-2 et 32-3 du cahier des clauses administratives générales, il appartient à la personne publique qui a rejeté des produits de fixer un délai pour leur enlèvement et, à l’issue de ce délai, soit de les réexpédier d’office aux frais et risques du titulaire soit de les faire vendre aux enchères par le ministère d’un officier public ; qu’en se bornant à stocker les lots de flotteurs qu’elle avait rejetés, l’administration a méconnu les facultés qu’elle tenait ainsi des stipulations du contrat ; que dès lors, les conclusions susanalysées du ministre ne sont pas fondées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article R.222 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article R.222 et de condamner l’Etat à payer à la société requérante la somme de 15.000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le total des sommes mises à la charge de la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » par le décompte de résiliation du marché, arrêté le 20 février 1987, est ramené à 4.055.232,56 F.
Article 2 : Le jugement n° 8706921 du 19 octobre 1988 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société « Caoutchouc Manufacture et Plastiques Kléber-Industrie » et les conclusions incidentes du ministre de la défense sont rejetés.

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Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 9 juillet 1991, 89PA00700 89PA00741 89PA00746 89PA01601 89PA01602 89PA02902, publié au recueil Lebon