Cour administrative d'appel de Paris, 28 décembre 2012, n° 11PA02590

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 28 déc. 2012, n° 11PA02590
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 11PA02590
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 29 mars 2011, N° 0802443

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE PARIS

N°s11PA02590, 11PA03314

__________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

— SOCIETE LEGEPS

— MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L’ETAT

__________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Mme Driencourt

Président

__________ La Cour administrative d’appel de Paris

M. Couvert-Castéra (7e Chambre)

Rapporteur

__________

M. Blanc

Rapporteur public

__________

Audience du 21 décembre 2012

Lecture du 28 décembre 2012

__________

19-04-01-04-03

C

Vu, I, sous le n° 11PA02590 la requête, enregistrée le 6 juin 2011, présentée pour la société Legeps, dont le siège est au XXX à XXX, par Me Morisset ;

la société Legeps demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0802443 rendu le 30 mars 2011 par le Tribunal administratif de Paris, en tant qu’il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2002 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu, II, sous le n° 11PA03314, le recours, enregistré le 21 juillet 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, qui demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0802443 rendu le 30 mars 2011 par le Tribunal administratif de Paris, en tant qu’il a déchargé la société Legeps d’une partie des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur l’impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre de l’année 2002 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

2°) de remettre lesdites impositions à la charge de la société Legeps ;


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 décembre 2012 :

— le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,

— les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

— et les observations de Me Noyal, avocat de la société Legeps ;

1. Considérant que la requête de la société Legeps et le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat sont dirigés contre le même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la requête de la société Legeps :

En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires procédant du passif injustifié :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du 2. de l’article 38 du code général des impôts applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (…) » ;

3. Considérant qu’en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a réintégré, dans les résultats de l’exercice clos le 31 décembre 2002 de la société Legeps, au motif que ces dettes n’étaient pas justifiées, des charges à payer d’un montant total de 2 388 689 euros, figurant dans ses comptes au début de cet exercice au titre de rémunérations complémentaires à verser à son personnel, en l’occurrence, M. X, salarié et principal associé de la société, ainsi que les charges sociales correspondantes ; que la société requérante ne justifie pas de l’existence de ces créances de tiers en se bornant à faire valoir, d’une part, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d’affaires a émis un avis favorable à l’abandon de ce chef de redressement et, d’autre part, que les rémunérations complémentaires en cause ont été approuvées lors de chacun des exercices antérieurs à l’exercice 2002 par l’assemblée générale ordinaire des associés, sans produire les procès-verbaux de ces assemblées, approuvant régulièrement des montants de rémunération complémentaire correspondant à ceux en litige ;

5. Considérant, par ailleurs, que si la société requérante fait valoir que, lors de précédents contrôles fiscaux portant sur les années 1999 à 2001, l’administration n’a pas remis en cause la déductibilité des charges de personnel en cause, une telle circonstance ne peut en tout état de cause être regardée comme une prise de position formelle sur l’appréciation d’une situation de fait au sens des dispositions de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

6. Considérant, en second lieu, que la société Legeps soutient que, en admettant que les charges à payer d’un montant total de 2 388 689 euros, figurant dans ses comptes au début de son exercice 2002, puissent être regardées comme injustifiées, l’erreur comptable ainsi commise se retrouve dans les écritures de bilan d’exercices antérieurs et devait y être symétriquement corrigée, l’administration ne pouvant, compte tenu de la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit fixée par les dispositions du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts, rehausser son résultat imposable à hauteur de ce montant que lors de l’exercice 2000 ; qu’elle soutient à cet égard que cet exercice doit être regardé en l’espèce comme le premier exercice non prescrit, compte tenu de l’interruption de la prescription de cet exercice par la notification de redressement qui lui a été adressée le 30 juin 2003, la prescription de l’exercice 2000 n’étant ainsi pas acquise lorsque lui a été adressée la proposition de rectification en date du 27 décembre 2005 à l’origine du redressement en litige ;

7. Considérant qu’aux termes du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du I de l’article 43 de la loi susvisé n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : « Pour l’application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice, l’actif net d’ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci./ Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas lorsque l’entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit. (…) » ; qu’aux termes du III de l’article 43 susmentionné : « Les dispositions du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts s’appliquent (…) aux impositions établies à compter du 1er janvier 2005 (…) » ; qu’il est constant que l’imposition litigieuse afférente à l’année 2002 a été mise en recouvrement le 12 juin 2007, soit postérieurement au 1er janvier 2005 ; que, dès lors, en vertu du III de l’article 43 précité, les dispositions du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts lui sont applicables ;

8. Considérant qu’en application des dispositions précitées, lorsque les bénéfices imposables d’un contribuable ont été déterminés en application des dispositions du 2. de l’article 38 du code général des impôts, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d’un exercice ou d’une année d’imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l’actif net de l’entreprise peuvent, à l’initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l’administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s’il est établi qu’elles se retrouvent dans les écritures de bilan d’autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu’elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré, sous réserve de la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit fixée par les dispositions du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts ;

9. Considérant que l’erreur dont la société Legeps entend demander la réparation a consisté à faire figurer au passif du bilan de son exercice clos le 31 décembre 2002, dans des comptes de charges à payer, des rémunérations complémentaires à verser à M. X, salarié et principal associé de la société, ainsi que les charges sociales correspondantes, pour un montant total de 2 388 689 euros, figurant comme « à nouveaux » dans ses comptes au début de l’exercice 2002 ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que la société Legeps n’est pas en mesure de justifier que ces rémunérations complémentaires ont été approuvées par l’assemblée générale ordinaire des associés et constituaient, lors des exercices 1997 à 2001 au cours desquels elles ont été inscrites dans des comptes de charges à payer, une dette certaine, dans son principe et dans son montant, à l’égard de ce salarié ; qu’en décidant, dans ces conditions, d’inscrire cette dette au passif du bilan de son exercice clos le 31 décembre 2002 la société Legeps n’a pas commis une simple erreur comptable susceptible d’être corrigée après la clôture de cet exercice, l’erreur ainsi alléguée n’ayant pu être en l’espèce que volontaire et destinée à minorer indûment les bénéfices imposables ; qu’il s’ensuit que cette société n’est en tout état de cause pas fondée à demander, par voie de correction symétrique des écritures de bilan, la réparation de l’erreur qu’elle allègue ;

En ce qui concerne les autres conclusions de la demande de la société Legeps rejetées par le jugement attaqué :

10. Considérant que si la société requérante indique qu’elle entend reprendre en appel, à l’appui des conclusions susmentionnées, l’ensemble des moyens qu’elle avait présentés en première instance, elle n’apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l’appréciation portée par le Tribunal administratif de Paris sur son argumentation ; qu’il y a lieu dans ces conditions d’écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Legeps n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; qu’il s’ensuit que ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

Sur le recours du ministre :

12. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du jugement rendu le 4 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle, que la société Legeps a placé des disponibilités de trésorerie sous forme de deux contrats d’assurance vie conclus en juillet 1997 avec la société Mutuelle du Mans Assurances (M. M.A), référencés Z96316 N et Z98632D, par l’intermédiaire d’un agent d’assurance qui, contrairement aux instructions reçues de la société Legeps, a frauduleusement, en vue de bénéficier d’une commission sur cette opération, désigné comme souscripteur du contrat non la société qui réalisait l’investissement mais son dirigeant, M. Y X ; que le produit du rachat de ces deux contrats a été versé le 15 mars 2002 à ce dernier, qui a immédiatement procédé au reversement de ce produit à la société Legeps ;

13. Considérant que l’administration a réintégré dans le résultat imposable de la société Legeps au titre de l’année 2002 la plus-value de cession réalisée à l’occasion de cette opération de rachat, qu’elle a évaluée à la somme de 1 034 356 euros sur le fondement des dispositions de l’article 209-0 A du code général des impôts ; que, le Tribunal administratif de Paris ayant, par le jugement attaqué, déchargé la contribuable des impositions supplémentaires résultant de ce chef de redressement, au motif que les produits d’un contrat d’assurance-vie souscrit par une société auprès d’une compagnie d’assurances n’entrent pas dans le champ d’application du 1° de l’article 209-0 A du code général des impôts, le ministre fait appel de ce jugement dans cette mesure et demande le rétablissement de ces impositions, par substitution de base légale, sur le fondement des dispositions combinées du 1° de l’article 209 du code général des impôts et du 2° de l’article 38 du même code ;

14. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le rachat des deux contrats d’assurance vie en litige au cours de l’année 2002 s’est traduit, dans la comptabilité de la société, par le débit du compte 512 (banques), pour un montant total de 1 218 685 euros, correspondant au montant total des deux chèques établis par la société M. M.A le 15 mars 2002 en faveur de M. X et reversé immédiatement par celui-ci sur le compte bancaire de la société, par le crédit du compte 5081 (autres valeurs mobilières), cette opération faisant ressortir, compte tenu de l’inscription des deux contrats d’assurance vie en litige au bilan d’ouverture de l’exercice 2002 pour leur valeur d’acquisition, soit la somme de 2 251 976 euros, une perte de 1 033 291 euros ; que, dans ces conditions, l’opération en cause ne s’étant pas traduite par une augmentation de l’actif net de la société au cours de l’année 2002, le ministre n’est pas fondé à demander le maintien des impositions en litige sur le fondement des dispositions combinées du 1° de l’article 209 du code général des impôts et du 2° de l’article 38 du même code ;

15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Legeps des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur l’impôt sur les sociétés auxquelles cette société avait été assujettie au titre de l’année 2002, ainsi que des intérêts de retard correspondants, au titre de ce chef de redressement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Legeps est rejetée.

Article 2 : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat est rejeté.

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