CAA de PARIS, 8ème chambre, 27 février 2020, 19PA00929, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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www.overeed.com · 7 décembre 2020

Omniprésents dans le secteur de la pharmacie d'officine, la réglementation et les autorisations administratives donnent lieu à un contentieux toujours soutenu. Il faut reconnaître que les enjeux sont de taille, qu'il s'agisse d'une opération de transfert, d'horaires d'ouverture, ou encore du maintien de la licence. Voici un panorama de décisions récentes qui illustrent que la réforme de 2018 (ordonnance « réseau » n° 2018-3 et textes d'application) n'a pas révolutionné le secteur. I. Le transfert d'officine S'agissant de l'intérêt pour agir contre une autorisation de transfert, la …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 8e ch., 27 févr. 2020, n° 19PA00929
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 19PA00929
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 27 décembre 2018, N° 1601033
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000041662545

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Berdugo Chriqui a demandé l’annulation de l’arrêté du 20 janvier 2016 par lequel le directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France a autorisé M. C… F…, pharmacien, à gérer l’officine de pharmacie située au 54 avenue de la liberté à Maisons-Alfort suite au décès du titulaire de l’officine, M. A…, jusqu’au 22 janvier 2016 à minuit.

Par un jugement n° 1601033 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2019, présentée par le directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France, dont par un mémoire le 13 mars 2019, la ministre des solidarités et de la santé s’est approprié les conclusions, la ministre des solidarités et de la santé demande à la Cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Melun n° 1601033 du 28 décembre 2018.

Elle soutient que :

— le jugement attaqué est entaché d’une erreur de droit en ajoutant une condition non prévue par les textes à la délivrance de l’autorisation, concernant le moment auquel intervient la demande de gérance et la durée du contrat de gérance ;

 – dès lors que les conditions posées par les articles L. 5125-21 et R. 5125-43 du code de la santé publique étaient remplies, l’agence régionale de santé d’Île-de-France était tenue d’octroyer l’autorisation demandée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 juillet, 11 octobre et 20 décembre 2019, la SELARL Pharmacie Chriqui devenu la SELARL Pharmacie Chriqui, représentée par Me H…, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à la condamnation de l’Etat et de Mme A… à lui verser la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 2 août 2019, Mme B… A…, ayant droit de M. A…, représentée par Me G…, demande à la Cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Melun n° 1601033 du 28 décembre 2018 et de condamner la SELARL Pharmacie Chriqui à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— aucune disposition du code de la santé publique n’impose de procéder à une instruction physique de la demande d’autorisation de gérance, ni de vérifier a priori ou a posteriori les conditions d’exercice de l’activité et les motivations de la demande présentée ;

 – les conditions posées par les articles L. 5125-21, R. 5125-43 et R. 5125-39 du code de la santé publique étaient remplies, l’agence régionale de santé d’Île-de-France était tenue d’octroyer l’autorisation demandée.

Par une intervention enregistrée le 14 novembre 2019 et présentée à l’appui de la requête, l’EURL Pharmacie de la Liberté, représentée par la SELARL Sapone-Blaesi demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Melun n° 1601033 du 28 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la requête de première instance de la SELARL Pharmacie Berdugo Chriqui ;

3°) de condamner de la SELARL Pharmacie Chriqui à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la mise en oeuvre d’une gérance après décès ne peut être remise en cause en raison de la durée plus ou moins longue de la période d’inactivité intervenue ;

 – il ne résulte pas de l’article L. 5125-21 du code de la santé publique que le contrat de gérance après décès et la demande d’autorisation à l’agence régionale de santé doivent intervenir dans un délai déterminé suivant le décès ;

 – aucun texte ne régit la période minimale de la gérance après décès, seule la période maximale de 2 ans étant régie par les textes ;

 – le jugement du tribunal administratif de Melun est entaché d’une erreur de droit en ajoutant aux textes des conditions qui n’y figurent pas ;

 – aucun élément au dossier ne permet de considérer que l’autorisation demandée aurait été sollicitée dans un but autre que de maintenir l’ouverture de l’officine ;

 – la requête de première instance de la pharmacie Chriqui était irrecevable faute d’un intérêt légitime pertinent certain et direct à agir ;

 – il n’y a aucun impact entre la remise en cause d’un arrêté de gérance après décès et la caducité de la licence afférente à l’officine concernée ;

 – il n’y a pas eu de cessation effective et définitive d’activité pendant une période de 12 mois révolus ;

 – en raison de sa radiation en qualité de pharmacien adjoint rendue informatiquement effective le 20 janvier 2016, il était impossible compte tenu des contraintes informatiques d’inscrire le même jour M. F… en sa qualité de gérant après décès ;

 – l’exigence d’inspection préalable invoquée par la pharmacie Chriqui ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe ;

 – les conditions d’exploitation immédiate de l’officine étaient remplies le 20 janvier 2016.

M. F… a présenté des observations enregistrées le 14 novembre 2019, lesquelles ont été présentées sans ministère d’avocat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la santé publique ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme E…,

 – les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

 – et les observations de Me D… de la SELARL Sapone-Blaesi, représentant l’EURL Pharmacie de la Liberté.

L’EURL Pharmacie de la Liberté a produit le 3 février 2020 une note en délibéré.

Considérant ce qui suit :

1. L’officine de pharmacie située au 54, avenue de la liberté à Maisons-Alfort, était exploitée sous la forme d’une société en nom collectif (SNC) par M. A…, pharmacien titulaire, gérant et associé unique de cette société jusqu’à son décès le 20 janvier 2015. Le 20 janvier 2016, M. F… a sollicité auprès de l’agence régionale de santé d’Île-de-France la délivrance d’une autorisation de gérance après décès concernant cette officine qui lui a été donnée par un arrêté du 20 janvier 2016 du directeur de l’agence régionale de santé d’Île-de-France. Le tribunal administratif de Melun a, par un jugement n° 1601033 du 28 décembre 2018, annulé cet arrêté contre lequel la SELARL Pharmacie Berdugo Chriqui, qui exploite une officine au 139, rue Jean Jaurès à Maisons-Alfort, à proximité de celle gérée jusqu’à son décès par M. A…, avait formé un recours. La ministre des solidarités et de la santé et Mme B… A…, ayant-droit de M. A…, relèvent appel de ce jugement.

Sur l’intervention de l’EURL Pharmacie de la Liberté :

2. L’EURL Pharmacie de la Liberté, qui est propriétaire et exploite depuis le 11 juillet 2016 l’officine qui appartenait à M. A… a intérêt à l’annulation du jugement précité du tribunal administratif de Melun ayant annulé l’arrêté du 20 janvier 2016 du directeur de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France. Ainsi son intervention est admise.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

3. L’EURL Pharmacie de la Liberté soutient que la requête de première instance de la SELARL Pharmacie Chriqui était irrecevable faute d’un intérêt légitime pertinent, certain et direct à agir. Il y a lieu, en l’absence de tout élément nouveau en appel, d’écarter cette fin de non-recevoir par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement de première instance :

4. Aux termes des dispositions de l’article L. 5125-20 du code de la santé publique, dans sa version alors en vigueur : « Le pharmacien titulaire d’une officine doit exercer personnellement sa profession ». L’article L. 5125-21 du code de la santé publique, dans sa version applicable au litige, prévoit que : « Une officine ne peut rester ouverte en l’absence de son titulaire que si celui-ci s’est fait régulièrement remplacer. (…) Après le décès d’un pharmacien, le délai pendant lequel son conjoint ou ses héritiers peuvent maintenir une officine ouverte en la faisant gérer par un pharmacien autorisé à cet effet par le directeur général de l’agence régionale de santé ne peut excéder deux ans ». L’article R. 5125-43 du même code précise que : « Le gérant après décès est le pharmacien qui maintient ouverte, dans les conditions prévues à l’article L. 5125-21, l’officine d’un pharmacien titulaire décédé. Il est choisi parmi les catégories de pharmaciens prévues au 1°, au a du 2° et au 3° de l’article R. 5125-39 et sollicite, dès qu’il a accepté les fonctions qui lui sont confiées par les héritiers, l’autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé ».

5. Il résulte de ces dispositions que l’autorisation qu’elle prévoit a pour seul objet d’assurer le maintien de l’ouverture de l’officine, après le décès de son titulaire, pour permettre la continuité du service. En l’espèce, eu égard, d’une part, au délai qui s’est écoulé entre le décès du titulaire de l’officine, le 20 janvier 2015, et, d’autre part, de la période, de deux jours, pour laquelle le contrat de gérance a été conclu le 19 janvier 2016, que l’arrêté attaqué n’avait pas pour objet, compte tenu en particulier de la brève durée du contrat de gérance, d’assurer le maintien de l’ouverture de l’officine afin d’assurer la continuité du service, alors que, par ailleurs, il ressort des écritures que la cessation définitive de l’activité de l’officine, qui, en vertu des dispositions alors en vigueur de l’article L. 5125-7 du code de la santé publique, intervient au terme d’un délai de douze mois et entraîne la caducité de la licence, serait intervenue le 20 janvier 2016. Par suite, en jugeant que l’arrêté attaqué n’avait pas pour finalité d’assurer le maintien de l’ouverture de l’officine afin de maintenir la continuité du service, contrairement à ce que prévoit la loi, les premiers juges n’ont pas entaché leur jugement d’une erreur de droit en ajoutant une condition à celles prévues pour la délivrance de l’autorisation en cause.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des solidarités et de la santé et Mme A…, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité des conclusions présentées par Mme A…, ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté du 20 janvier 2016 du directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France.

Sur les conclusions à fin d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SELARL Pharmacie Chriqui, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A… et l’EURL Pharmacie de la Liberté au titre des frais liés à l’instance. Il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions de la SELARL Pharmacie Chriqui et de condamner l’Etat et Mme A… à lui verser la somme totale de 1 500 euros, soit 750 euros chacun, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention de L’EURL Pharmacie de la Liberté est admise.

Article 2 : La requête de la ministre des solidarités et de la santé et les conclusions de Mme A… sont rejetées.

Article 3 : L’Etat et Mme A… sont condamnés à verser à la SELARL Pharmacie Chriqui la somme totale de 1 500 euros, soit 750 euros chacun, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des solidarités et de la santé, à la SELARL Pharmacie Chriqui, à Mme B… A…, à M. C… F… et à l’EURL Pharmacie de la Liberté.

Copie en sera adressée à l’agence régionale de santé d’Ile-de-France.

Délibéré après l’audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme E…, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.


Le rapporteur,

A. E… Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19PA00929

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