CAA de PARIS, 5ème chambre, 18 mars 2021, 20PA00539, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 5e ch., 18 mars 2021, n° 20PA00539
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 20PA00539
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 11 février 2020, N° 420605
Dispositif : Satisfaction totale
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043278893

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Caisse nationale des barreaux français a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1516785 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge demandée et a mis à la charge de l’État le versement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 17PA01155 du 14 mars 2018, la Cour administrative d’appel de Paris, sur appel du ministre de l’action et des comptes publics, a annulé ce jugement et remis à la charge de la Caisse nationale des barreaux français les impositions en litige.

Par une décision n° 420605 du 12 février 2020, le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé l’arrêt de la Cour et lui a renvoyé l’affaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 avril 2017, le 19 octobre 2017, le 9 avril 2020 et le 27 octobre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1516785 du 8 décembre 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de remettre à la charge de la Caisse nationale des barreaux français les impositions en litige.

Le ministre soutient que :

 – l’intention du législateur, lors de la création de la cotisation foncière des entreprises, était d’assujettir la location d’immeubles nus à usage autre que d’habitation, qui constitue une activité patrimoniale qualifiée de professionnelle pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, sans que les dispositions du II de l’article 1447 du code général des impôts n’y fassent obstacle ;

 – les dispositions du II de l’article 1447 du code général des impôts ne sont pas applicables à l’activité locative en cause et à la personne de la Caisse nationale des barreaux français, organisme à but non lucratif qui perçoit des revenus de la location des immeubles dont elle est propriétaire ; l’activité de location de la Caisse nationale des barreaux français est exercée à titre professionnel par application du 2e alinéa du I de cet article et est ainsi, au regard de la cotisation foncière des entreprises, une activité lucrative ;

 – la franchise des impôts commerciaux figurant au 1 bis de l’article 206 du code général des impôts ne s’applique pas à la Caisse nationale des barreaux français dès lors que ses revenus de locations sont, en matière d’impôt sur les sociétés, considérés comme des revenus patrimoniaux et imposés comme tels en application du 5 de l’article 206 du code général des impôts et qu’elle n’entre dans aucune des catégories d’organismes bénéficiaires de cette franchise, dont la liste est fixée au 1 bis de cet article.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juillet 2017, le 27 novembre 2017 et le 21 février 2018 et des mémoires récapitulatifs enregistrés le 8 et le 12 octobre 2020, la Caisse nationale des barreaux français, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l’État d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Caisse nationale des barreaux français fait valoir que :

 – aucun des moyens de la requête du ministre n’est fondé ;

 – en tant qu’organisme sans but lucratif, elle se situe hors du champ d’application de la cotisation foncière des entreprises et donc de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, en vertu du II de l’article 1447 et du 1 bis de l’article 206 du code général des impôts ;

 – en tout état de cause, cette activité de location est indissociable de son activité désintéressée de financement des régimes d’assurance vieillesse des avocats, les revenus qu’elle en tire ne constituant pas des revenus patrimoniaux imposables à l’impôt sur les sociétés ; elle n’a aucune activité lucrative y compris en matière de location nue.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

 – les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. B…,

 – les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,

 – et les observations de Me Perurena, avocat de la Caisse nationale des barreaux français.

Considérant ce qui suit :

1. La Caisse nationale des barreaux français, organisme de sécurité sociale chargé de la gestion de la retraite et de la prévoyance des avocats, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, à l’issue de laquelle elle été assujettie, à raison des revenus tirés de la location de biens immobiliers, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à la taxe additionnelle à cette cotisation et à ses frais de gestion au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de ces impositions. Par un arrêt du 14 mars 2018, la Cour administrative d’appel de Paris a, sur appel du ministre de l’action et des comptes publics, annulé ce jugement et remis ces impositions à la charge de la Caisse nationale des barreaux français. Par une décision du 12 février 2020, le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé l’arrêt de la Cour et lui a renvoyé l’affaire.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. L’article 1586 ter du code général des impôts dispose : « I. Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d’un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. (…) ». Aux termes de l’article 1447 du même code : " I. La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d’un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / Pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d’immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d’immeubles nus à usage d’habitation, sont réputées exercées à titre professionnel ; toutefois, la cotisation foncière des entreprises n’est pas due lorsque l’activité de location ou de sous-location d’immeubles nus est exercée par des personnes qui, au cours de la période de référence définie à l’article 1467 A, en retirent des recettes brutes hors taxes, au sens de l’article 29, inférieures à 100 000 euros ou un chiffre d’affaires, au sens du 1 du I de l’article 1586 sexies, inférieur à 100 000 euros. / Lorsque la période de référence ne correspond pas à une période de douze mois, le montant des recettes ou du chiffre d’affaires est ramené ou porté, selon le cas, à douze mois. / II. La cotisation foncière des entreprises n’est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l’article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa. / III. Les personnes et sociétés mentionnées au I ne sont pas soumises à la cotisation foncière des entreprises à raison de leurs activités qui ne sont assujetties ni à l’impôt sur les sociétés ni à l’impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts « . Aux termes du premier alinéa du 1 bis de l’article 206 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : » (…) ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les syndicats régis par les articles L. 2131-1 à L. 2135-2 du code du travail, les fondations reconnues d’utilité publique, les fondations d’entreprise, les fonds de dotation et les congrégations, dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d’exploitation encaissées au cours de l’année civile au titre de leurs activités lucratives n’excède pas 60 000 euros (…) ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l’article 1586 ter du code général des impôts, éclairées par leurs travaux préparatoires que, pour définir les redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le législateur a entendu renvoyer à la définition des redevables de la cotisation foncière des entreprises telle qu’elle résulte de l’ensemble des dispositions de l’article 1447 du code général des impôts.

4. Il résulte des dispositions précitées du II de l’article 1447 du code général des impôts, qui renvoient aux prévisions du 1 bis de l’article 206 du même code, que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises n’est pas due par les organismes visés de manière limitative dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives sont significativement prépondérantes et que le montant des recettes d’exploitation encaissées au cours de l’année civile à raison des activités lucratives n’excède pas 60 000 euros. Il résulte de l’instruction que la Caisse nationale des barreaux français a réalisé au titre de chacun des exercices litigieux des recettes locatives excédant le seuil de 60 000 euros. Si elle soutient que ces recettes n’ont pas un caractère lucratif dans la mesure où elles sont réalisées dans le cadre de sa mission de service public, les dispositions du I de l’article 1447 du code général des impôts instituent une présomption irréfragable du caractère professionnel des activités de location ou de sous-location d’immeubles nus, hors location ou sous-location d’immeubles nus à usage d’habitation, dès lors que ces activités génèrent un montant de recettes supérieur au seuil précité, sans que la destination des recettes acquises et la circonstance que l’activité de location d’immeuble exercée serait intrinsèquement liée à la réalisation d’une mission désintéressée ne puissent faire obstacle à cette qualification. Ainsi, à supposer même que la Caisse nationale des barreaux français soit assimilable à l’un des organismes limitativement énumérés par l’article 206 du code général des impôts, dès lors que ses recettes locatives qui résultent d’une activité lucrative excèdent le seuil de 60 000 euros, elle ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions précitées du II de l’article 1447 du code général des impôts, permettant de l’exclure du paiement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, sans qu’ait d’incidence la circonstance qu’elle n’a pas été effectivement assujettie par l’administration à la cotisation foncière des entreprises au titre des années en litige. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que la Caisse nationale des barreaux français, dont il est constant qu’elle n’entre pas dans le champ d’application du III de l’article 1447 du code général des impôts, a retiré de son activité de location des recettes brutes supérieures à 100 000 euros, tant en 2011 qu’en 2012, et que son chiffre d’affaires a excédé pour ces mêmes années le seuil de 152 500 euros.

5. Il résulte ainsi de ce qui précède que la Caisse nationale des barreaux français, qui répond à la définition des redevables de la cotisation foncière des entreprises telle qu’elle résulte de l’ensemble des dispositions de l’article 1447 du code général des impôts, était soumise à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l’article 1586 ter du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion auxquelles Caisse nationale des barreaux français a été assujettie au titre des années 2011 et 2012. Les articles 1er et 2 de ce jugement doivent ainsi être annulés et ces impositions remises à la charge de la Caisse nationale des barreaux français.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Caisse nationale des barreaux français demande au titre des frais qu’elle a exposés.


DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1516785 du tribunal administratif de Paris du 8 décembre 2016 sont annulés.

Article 2 : La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la taxe additionnelle à cette cotisation et ses frais de gestion auxquelles la Caisse nationale des barreaux français a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Caisse nationale des barreaux français sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à la Caisse nationale des barreaux français.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques – service juridique de la fiscalité (Bureau JF-2B).

Délibéré après l’audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. B…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.

Le rapporteur,

B. B… Le président,

F. PLATILLERO

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 20PA00539

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