CAA de PARIS, 9ème chambre, 5 novembre 2021, 20PA01252, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 9e ch., 5 nov. 2021, n° 20PA01252
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 20PA01252
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 26 février 2020, N° 1703141
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044310427

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… C…, a demandé au tribunal administratif de Melun l’annulation de l’arrêté du maire de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) en date du 9 novembre 2016, en tant qu’il a reconnu la pathologie dont elle souffre imputable au service à compter du 7 juillet 2014, d’enjoindre à la commune de Champs-sur-Marne de fixer cette date à 1985 ou au plus tard 2004, et de condamner la commune à lui verser 196 000 euros de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1703141 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté en tant qu’il fixait la date d’imputabilité au service le 7 juillet 2014, a enjoint à la commune de fixer cette date au 2 avril 2008 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2020, la commune de Champs-sur-Marne représenté par Me Vendé, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1703141 du tribunal administratif de Melun en date du 27 février 2020 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de Mme C… comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande de Mme C… ;

4°) de mettre à la charge de Mme C… la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement est irrégulier, compte tenu de l’incompétence des juridictions administratives pour en connaître ; en outre, le Tribunal ne pouvait lui enjoindre de constater que Mme C… est en congés maladie depuis 2007 ;

 – le lien de la pathologie avec le service ne peut pas être antérieur à 2014, date à laquelle le lien entre le service et la pathologie est établi ;

 – la demande indemnitaire de Mme C… est irrecevable pour défaut de liaison du contentieux et infondée.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2021, Mme C…, représentée par Me Abena Owono, conclut au rejet de la requête de la commune et demande à la Cour de fixer la date d’imputabilité au service à 1985, et de condamner la commune de Champs-sur-Marne à lui verser la somme de 196 000 euros au titre de la réparation de ses préjudices ; elle demande également à la Cour de mettre à la charge de la commune de Champs-sur-Marne la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que de la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que l’imputabilité au service doit être fixée à son embauche en octobre 1985, et qu’elle doit être indemnisée des frais médicaux restés à sa charge, des frais médicaux futurs et de son préjudice professionnel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de la sécurité sociale ;

 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

 – le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Simon,

 – et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C… a été recrutée en 1985 par la Ville de Champs-sur-Marne comme agent de service contractuel à temps incomplet aux termes d’un contrat renouvelé par intermittence. Elle a été nommée agent de service stagiaire au 1er mars 1987 puis a été titularisée dans la fonction en mars 1988. A la suite de plusieurs arrêts de travail, le maire de la commune a, par arrêté du 9 novembre 2016, rattaché les arrêts de travail de Mme C… au service à compter du 7 juillet 2014. Mme C…, après avoir introduit un recours gracieux et aux fins d’indemnisation contre cet arrêté, rejeté par décision expresse du 20 février 2017, a saisi le tribunal administratif de Melun aux fins d’annulation de cet arrêté en tant qu’il fixe la date d’imputation au service de la pathologie respiratoire au 7 juillet 2014, en demandant au Tribunal que l’imputation soit reconnue à compter de l’année 2007. Elle a demandé, en outre, la condamnation de la Ville de Champs-sur-Marne à lui verser 196 000 euros au titre de la faute de l’administration. Par jugement du 27 février 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté municipal en tant qu’il fixait la date d’imputation de la maladie de l’intéressée au 7 juillet 2014 et a enjoint au maire de la commune de Champs-sur-Marne de déterminer la situation de l’intéressée en retenant la date du 2 avril 2008. Le Tribunal a rejeté le surplus des conclusions de Mme C…. La Ville de Champs-sur-Marne introduit appel contre le jugement. Mme C…, par appel incident, demande que la date d’imputabilité au service soit fixée à 1985 ou au plus tard à 2004 et que la commune de

Champs-sur-Marne soit condamnée à lui verser la somme de 196 000 euros au titre des préjudices subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des articles L. 142-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat que les litiges relatifs à l’application de la législation sur les accidents du travail qui peuvent s’élever entre les agents contractuels de l’Etat et l’administration employeur qui leur sert les prestations dues à ce titre relèvent de la compétence des juridictions judiciaires.

3. Toutefois, d’une part, Mme C… est fonctionnaire territorial depuis le 10 mars 1988. En outre, aucun lien ne résulte de l’instruction entre une maladie imputable au service au cours de la période précédant cette date, et les préjudices dont la réparation est demandée. La juridiction administrative était ainsi seule compétente pour statuer sur sa demande d’imputation de sa maladie au service, résultant notamment d’arrêts de travail postérieurs à 2004, comme elle le demandait dans ses écritures, alors même qu’elle estimait être exposée à un risque professionnel en qualité d’agent non titulaire dès octobre 1985. Le moyen tiré de l’irrégularité qu’aurait commise le tribunal administratif de Melun en écartant l’exception d’incompétence soulevée devant lui par le maire de la commune de Champs-sur-Marne doit dès lors être écarté.

4. D’autre part, si le Tribunal a retenu, dans les visas de son jugement, que Mme C… lui demandait d’enjoindre à la commune de Champs-sur-Marne, notamment, de constater qu’elle est en arrêt de maladie depuis 2007 et que les différents documents médicaux produits apportent la preuve d’un lien de causalité avec le service depuis 1985, l’injonction ordonnée par le Tribunal, mentionnée au point 1 du présent arrêt, qui tend à ordonner à la commune de tirer toutes conséquences de droit de la reconnaissance d’imputabilité fixée au 2 avril 2008, est la conséquence nécessaire de l’annulation décidée par le Tribunal et n’entache dès lors le jugement entrepris d’aucune irrégularité. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (…) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (…) / Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident (…) Dans le cas visé à l’alinéa précédent, l’imputation au service de l’accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (…) ".

6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.

7. Pour fixer la date d’imputabilité au service de l’asthme dont souffre Mme C… au 7 juillet 2014, le maire de Champs-sur-Marne s’est appuyé sur les constatations médicales du Docteur D…, expert médical, qui, toutefois, n’a retenu cette date qu’en tant qu’elle correspondait à la date de demande de reconnaissance d’imputabilité de sa pathologie au service par l’intéressée. Il résulte toutefois de l’instruction que la pathologie de la requérante, qui s’est manifestée à compter de 1992, n’a pas fait l’objet d’observations de la part du médecin de prévention que Mme C… a rencontré à plusieurs reprises et a donné lieu à des arrêts maladies à compter du 25 juillet 2005. Une fiche d’aptitude datée du 11 octobre 2007, date correspondant au début du congé de longue maladie de l’intéressée, préconise en outre de limiter son exposition aux travaux et aux locaux empoussiérés ainsi que l’utilisation d’aérosols. Le 2 avril 2008, le certificat médical établi par le Docteur E…, médecin traitant de la requérante, relève que l’asthme sévère dont elle souffre a été reconnu comme nécessitant une « éviction professionnelle totale et définitive », eu égard aux conséquences immédiates provoquées par les conditions de travail de l’intéressée. Enfin, le certificat médical établi le 30 septembre 2016 par le Docteur B…, qui estime que « la date d’apparition de cette maladie professionnelle est à situer en octobre 1985, date de son entrée dans la profession », ne saurait, eu égard à la généralité de ses termes, permettre de présumer un lien entre la pathologie de la requérante, qui n’a au demeurant été constatée pour la première fois qu’en 1992, et son activité. Il apparaît, dans ces conditions, que la pathologie dont souffre Mme C… doit être déclarée imputable au service à compter du certificat médical mentionné établi le 25 juillet 2005 et que l’arrêté du maire de Champs-sur-Marne doit être annulé en tant qu’il fixe la date d’imputabilité au service de cette pathologie du 7 juillet 2014.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Champs-sur-Marne n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté du 9 novembre 2016, en tant qu’il a fixé l’imputabilité au service de la pathologie le 7 juillet 2014 et a enjoint au maire, comme il peut le faire d’office, de fixer la date d’imputabilité au 2 avril 2008.

Sur les conclusions d’appel incident présentées par Mme C… :

9. En premier lieu, il ressort des énonciations du point 2 et 3 du présent arrêt que la juridiction administrative est seulement compétente pour apprécier le lien entre la pathologie et le service à compter du 10 mars 1987. Par suite, les conclusions d’appel incident de Mme C…, en tout état de cause, ne peuvent être accueillies pour la période précédant cette date.

10. En deuxième lieu, comme il a été dit au point 7 du présent arrêt, la maladie de Mme C… doit être regardée imputable au service à compter du 25 juillet 2005 et non à une date antérieure.

11. En dernier lieu, Mme C… n’établit pas la réalité des frais médicaux actuels et futurs laissés à sa charge, qui ne pourraient être pris en charge au titre du régime de la maladie professionnelle. Elle n’établit pas non plus la consistance du préjudice professionnel qu’elle allègue, dès lors qu’elle a bénéficié du congé longue maladie pendant trois ans à compter d’octobre 2007, a été placée en disponibilité d’office pour raison de santé jusqu’en juillet 2014 en bénéficiant d’une indemnité de coordination, puis, reconnue inapte, a retrouvé un plein traitement à cette date jusqu’à son admission à la retraite.

Sur les mesures d’injonctions sollicitées :

12. L’exécution du présent arrêt implique nécessairement que la commune de Champs-sur-Marne reconnaisse l’imputabilité au service de la maladie de Mme C… à compter du 25 juillet 2005 et reconstitue sa carrière, y compris ses droits à retraite, en conséquence.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens :

13. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Champs-sur-Marne doivent dès lors être rejetées.

14. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de la commune de Champs-sur-Marne la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par Mme C… et non compris dans les dépens.

15. Mme C… ne justifiant pas avoir exposé des dépens au titre de la présente instance, les conclusions en cause doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la commune de Champs-sur-Marne est rejetée.

Article 2 : Le jugement du 27 février 2020 est annulé, en tant qu’il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Champs-sur-Marne de constater l’imputabilité de la maladie de Mme C… au service à compter du 25 juillet 2005 et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux en conséquence.

Article 4 : La commune de Champs-sur-Marne versera la somme de 1 500 euros à Mme C… au titre des frais d’instance et non compris dans les dépens.

Article 5 : Les conclusions de Mme C… sont rejetées pour le surplus.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Champs-sur-Marne et à Mme A… C….

Délibéré après l’audience du 15 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 novembre 2021.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 20PA01252

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