CAA de PARIS, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 20PA01299, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 30 déc. 2021, n° 20PA01299
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 20PA01299
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 16 mars 2020, N° 1801402
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044806003

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… C… a demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler la décision du 29 décembre 2017 par laquelle la directrice de l’établissement public médico-social (EPMS) Fondation Hardy a refusé de reconnaître imputables au service le malaise dont elle a été victime le 15 février 2016 ainsi que les arrêts de travail qui ont suivi et l’a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 16 février 2016.

Par un jugement n° 1801402 du 17 mars 2020, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision précitée en ce que la directrice de l’EPMS Fondation Hardy a refusé de reconnaître imputables au service le malaise survenu à Mme C… le 15 février 2016 ainsi que l’arrêt de travail du 16 février 2016 au 28 février 2016 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mai 2020, le 31 mars 2021 et le

29 novembre 2021 Mme C…, représentée par Me Lefèvre, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à sa demande d’annulation de la décision du 29 décembre 2017 en ce que la directrice de l’EPMS Fondation Hardy a refusé de reconnaître imputables au service les arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016 ;

2°) d’annuler la décision du 29 décembre 2017 dans la mesure précisée au 1°) ;

3°) d’enjoindre à l’EPMS Fondation Hardy de reconnaître imputables au service les arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l’EPMS Fondation Hardy à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’accident du 15 février 2016 est imputable au service dès lors que, d’une part, il est survenu sur le lieu du service et pendant ses heures de travail et que, d’autre part, il est en lien direct et certain avec l’exécution du service, le malaise ayant été provoqué par les conditions anormales de la réunion de cadres du même jour ;

 – elle peut ainsi se prévaloir de la présomption d’imputabilité au service de cet accident, telle que prévue par l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de l’article 10 de l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

 – la commission de réforme, dans son avis du 28 septembre 2017, a reconnu imputables au service tant l’accident du 15 février 2016 que l’ensemble des arrêts de travail ultérieurs ;

 – elle n’a pas d’antécédents psychiatriques ;

 – les arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016 sont imputables au service dès lors qu’ils ont été provoqués par les agissements de harcèlement moral dont elle a été victime, dont la preuve est établie par les attestations produites et de nombreux autres éléments du dossier ;

 – les trois expertises des docteurs Cherrak, Boillet et Kétir, psychiatres, ont conclu à l’imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016 ;

 – la décision de placement en congé de maladie ordinaire est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu’elle vise à l’empêcher de faire reconnaître le harcèlement moral dont elle a été victime depuis la fin de sa mise en disponibilité ;

 – le service « SAJM pro » au sein duquel elle a été réaffectée à compter du

11 février 2016 est un service fictif qui n’existait pas à la date de sa nomination.

Par des mémoires en défense et d’appel incident, enregistrés le 26 février 2021, le

12 mai 2021 et le 25 novembre 2021, l’EPMS Fondation Hardy, représenté par Me Lacroix, demande à la Cour :

1°) d’appeler la société Sofaxis en déclaration de jugement commun ;

2°) de rejeter la requête de Mme C… ;

3°) d’annuler le jugement n° 1801402 en tant que par ce jugement, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 29 décembre 2017 en ce que la directrice de l’EPMS Fondation Hardy a refusé de reconnaître imputables au service le malaise dont Mme C… a été victime le 15 février 2016 ainsi que l’arrêt de travail du 16 février 2016 au

28 février 2016 ;

4°) de mettre à la charge de Mme C… la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la société Sofaxis, son assureur, doit être mise en cause dans la présente instance ;

 – en l’absence d’un lien direct entre, d’une part, l’exécution du service et, d’autre part, le malaise survenu à Mme C… ainsi que la pathologie dont elle souffre, cette dernière ne peut se prévaloir d’une présomption d’imputabilité au service de ce malaise au titre du deuxième alinéa du 2° de l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

 – aucun fait de harcèlement moral n’est établi et ne peut donc lui être reproché ou à l’un de ses agents ;

 – aucun événement précis, notamment pas la réunion de cadres du 15 février 2016, ni aucune cause médicale ou pathologie identifiée ne permet d’imputer le malaise au service ;

 – ni les premiers arrêts de travail liés au malaise ni les arrêts postérieurs relevant d’un motif médical différent ne présentent de lien avec le service ;

 – le détournement de pouvoir n’est pas établi ;

 – la requérante n’établit pas que la réunion de cadres du 15 février 2016 se serait déroulée dans des conditions anormales et aurait donné lieu à un comportement ou des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ; en conséquence et en application de l’arrêt CE n° 440983 du 27 septembre 2021, le malaise dont a été victime Mma C… ne saurait être qualifié d’accident de service ;

 – les propos de Mme C… relatifs à l’inexistence du service « SAJM pro » sont infondés.

Par une lettre du 2 novembre 2021, la Cour a, sur le fondement des dispositions de l’article R. 613-1-1 du code de justice administrative, invité Mme C… et l’EPMS Fondation Hardy à produire des pièces en vue de compléter l’instruction.

Par des mémoires enregistrés le 5 novembre 2021 et le 19 novembre 2021, l’EPMS Fondation Hardy a, en réponse à cette mesure d’instruction, produit des pièces qui ont été communiquées à Mme C….

Par un mémoire enregistré le 12 novembre 2021, Mme C… a, en réponse à cette mesure d’instruction, produit des pièces qui ont été communiquées à l’EPMS Fondation Hardy.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,

 – la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986,

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.


Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Mantz,

 – les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

 – les observations de Me Blondin représentant Mme C…,

 – et les observations de Me Lacroix représentant l’EPMS Fondation Hardy.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C… était cadre socio-éducatif titulaire auprès du service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) de l’établissement public médico-social (EPMS) Fondation Hardy, à Fontenay-Trésigny (Seine-et-Marne), jusqu’au 11 décembre 2015. Elle a ensuite été placée en disponibilité pour convenances personnelles puis a demandé, par lettre du

21 janvier 2016, sa réintégration anticipée sur son ancien poste. Par décision du 4 février 2016, le directeur de l’EPMS Fondation Hardy a décidé la réintégration de Mme C… au sein du service « SAJM pro » à compter du 11 février 2016. Le 15 février 2016, alors qu’elle participait à une réunion de cadres de l’établissement animée par le responsable de pôle, adjoint du directeur, Mme C… a été victime d’un malaise à la suite duquel elle a été hospitalisée jusqu’au 16 février 2016, puis placée en arrêt de travail jusqu’au 28 février 2016. Cet arrêt de travail a été prolongé de manière continue jusqu’au 31 octobre 2021 au moins. Par décision du 29 décembre 2017, la directrice de l’EPMS a refusé de reconnaître l’imputabilité au service du malaise dont a été victime Mme C… le 15 février 2016 ainsi que de l’ensemble des arrêts de travail qui ont suivi. Mme C… relève appel du jugement du 17 mars 2020 en tant que le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions dirigées contre cette dernière décision en ce que la directrice de l’EPMS a refusé de reconnaître imputables au service les arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016. L’EPMS Fondation Hardy, pour sa part, présente des conclusions incidentes tendant à l’annulation du jugement précité en tant que le Tribunal a annulé la décision du 29 décembre 2017 en ce que la directrice de l’établissement a refusé de reconnaître imputables au service l’accident survenu à Mme C… le 15 février 2016 ainsi que l’arrêt de travail du 16 février 2016 au 28 février 2016.

Sur les conclusions de l’EPMS Fondation Hardy tendant à l’appel en déclaration de jugement commun de la société Sofaxis :

2. Il ne peut y avoir appel en déclaration de jugement commun en matière de recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions susmentionnées ne peuvent qu’être rejetées.

Sur le bien-fondé des moyens d’annulation retenus par le tribunal administratif :

En ce qui concerne l’accident de service :

3. Aux termes de l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (…) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (…) Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. / Dans le cas visé à l’alinéa précédent, l’imputation au service de la maladie ou de l’accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (…) ".

4. Les droits des agents publics en matière d’accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l’accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que le malaise de Mme C… a eu lieu le

15 février 2016 et qu’une enquête administrative de l’accident du travail a été réalisée par l’EPMS Fondation Hardy le jour même. Dans ces conditions, la situation de Mme C… doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l’article 41 de la loi du

9 janvier 1986, et non celles énoncées au II de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur depuis le 21 janvier 2017, dès lors que sa situation administrative au regard de cet accident était constituée avant cette date.

5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d’un accident de service. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de

celle-ci. Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent.

6. Il ressort des pièces du dossier que le 15 février 2016, Mme C…, alors qu’elle venait de sortir inopinément de la réunion de cadres à laquelle elle participait pour se rendre aux toilettes, a fait un malaise avec perte de connaissance et paresthésies. Dans les suites immédiates de ce malaise, Mme C… a présenté un « trouble de la sensibilité à prédominance brachio-faciale gauche et trouble de la parole à type de bégaiement », pour lequel elle a été arrêtée du

16 février 2016 au 28 février 2016. Mme C… fait valoir que ce malaise, qui a été précédé de troubles visuels, de nausées et de vomissements ainsi que d’un engourdissement de la langue et d’une partie du visage, a été causé par les conditions anormales de la réunion de cadres précitée. Toutefois, s’il résulte de plusieurs attestations de chefs de service présents lors de cette réunion que l’animateur, adjoint du directeur de l’établissement, aurait tenu des propos ouvertement agressifs envers les cadres présents au motif qu’un article de presse faisant état de la souffrance des cadres de l’EPMS au travail et mettant en cause ce directeur aurait été publié quelques jours auparavant dans un journal local, de tels faits, en les admettant même établis, ne sont pas de nature à caractériser un comportement ou des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, alors au surplus qu’il ne résulte d’aucun témoignage ou pièce du dossier que l’animateur s’en serait pris en particulier à Mme C…. Dans ces conditions, la réunion du

15 février 2016 ne saurait être regardée comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur Mme C… et sans que cette dernière puisse utilement soutenir qu’elle n’avait pas d’antécédents psychiatriques.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que l’EPMS Fondation Hardy est fondé à soutenir que c’est à tort que, pour annuler la décision de la directrice de cet établissement en ce qu’elle a refusé de reconnaître imputable au service le malaise survenu à Mme C… le 15 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a retenu le moyen tiré de ce que ce malaise étant survenu sur le lieu et dans le temps du service, celui-ci présentait, en l’absence de faute personnelle de l’intéressée ou de toute autre circonstance particulière le détachant du service, le caractère d’un accident de service.

8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par Mme C… devant le tribunal administratif de Melun et la Cour.

En ce qui concerne l’arrêt de travail du 16 février 2016 au 28 février 2016 :

9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.

10. Ainsi qu’il a été dit au point 6, d’une part, le malaise de Mme C… du

15 février 2016 n’est pas imputable à un accident de service et, d’autre part, Mme C… a bénéficié dans les suites immédiates de ce malaise d’un arrêt de travail du 16 février 2016 au 28 février 2016 pour un « trouble de la sensibilité à prédominance brachio-faciale gauche et trouble de la parole à type de bégaiement » qui ne peut par conséquent être regardé comme imputable au service. Il en résulte que l’EPMS Fondation Hardy est fondé à soutenir que c’est à tort que, pour annuler la décision de la directrice de cet établissement en ce qu’elle a refusé de reconnaître imputable au service l’arrêt de travail de Mme C… du 16 février 2016 au 28 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a retenu le moyen tiré de ce que cet arrêt de travail devait être regardé comme présentant un lien avec le service dès lors que les symptômes qui le motivaient présentaient des similitudes avec ceux survenus lors du malaise de Mme C… le 15 février 2016.

11. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par Mme C… devant le Tribunal administratif de Melun et la Cour.

Sur les autres moyens invoqués par Mme C… en première instance :

En ce qui concerne l’accident de service et l’arrêt de travail du 16 février 2016 au

28 février 2016 :

12. En premier lieu, il y a lieu d’écarter par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal les moyens tirés de l’incompétence de l’auteur de la décision litigieuse et de la violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

13. En deuxième lieu, si Mme C… soutient que les circonstances ayant précédé son malaise du 15 février 2016, telles que décrites dans la décision attaquée, seraient entachées d’inexactitude matérielle, elle ne l’établit par aucun document ni témoignage probant. Une telle inexactitude, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors qu’il est constant que Mme C… a fait l’objet d’un malaise, précisément rapporté par la décision attaquée et qui fait, exclusivement, l’objet d’une qualification de droit et de fait de la part de la directrice de l’EPMS Fondation Hardy.

14. En troisième lieu, le détournement de pouvoir qui serait lié, selon la requérante, à la volonté de l’établissement de l’empêcher de faire reconnaître le harcèlement moral qu’elle aurait subi depuis la fin de sa mise en disponibilité, n’est pas établi.

15. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation en tant qu’il vise la décision par laquelle la directrice de l’EPMS Fondation Hardy a refusé de reconnaître le malaise de Mme C… du 15 février 2016 et l’arrêt de travail du 16 février 2016 au 28 février 2016 comme imputables au service doit être écarté.

Sur les conclusions d’appel à fin d’annulation de Mme C… :

16. Il ressort des pièces du dossier que les arrêts de travail de Mme C… postérieurs au 28 février 2016, soit du 2 mars 2016 au 29 décembre 2017, date de la décision attaquée de la directrice de l’EPMS Fondation Hardy, sont motivés, pour la plupart d’entre eux, par un état dépressif, et pour quelques autres, à savoir pour les arrêts de travail du 3 avril 2016 au

30 avril 2016, du 1er juin 2016 au 30 juin 2016 et du 31 octobre 2016 au 30 novembre 2016 par, notamment, un « effondrement de ses capacités émotionnelles à faire face », une « altération de l’estime de soi », un « épuisement psychique et physique », une « altération du sommeil » et un « effondrement thymique ».

17. Ainsi qu’il a été dit au point 7, une maladie contractée par un fonctionnaire doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause.

18. En premier lieu, si Mme C… soutient que ses arrêts de travail postérieurs au

28 février 2016 sont en lien direct avec son malaise du 15 février 2016, ce dernier, ainsi qu’il a été dit précédemment, ne saurait être regardé comme imputable à un accident de service. Par suite et à supposer même que ces arrêts de travail soient en lien avec le malaise précité, une telle circonstance ne serait pas de nature à les faire regarder comme imputables au service.

19. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Il appartient à l’agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile.

20. Mme C… soutient qu’elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral qui sont à l’origine de sa pathologie dépressive et, en conséquence, de ses arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016. Elle produit au soutien du moyen plusieurs attestations d’autres chefs de service de l’établissement, datés de 2016 et de 2019, ainsi que celle de la chef du service éducatif du 8 mars 2021 retraçant le parcours de réintégration au sein de l’établissement de Mme C… en février 2016 et évoquant notamment les propos rapportés de cette dernière relatifs aux manœuvres d’intimidation et de harcèlement qu’aurait exercées à son égard le directeur de l’EPMS Fondation Hardy lors d’un rendez-vous du 1er février 2016, deux procès-verbaux d’audition par la gendarmerie nationale de la même chef de service en date des 22 février 2016 et 6 juillet 2016, le dernier en date faisant état d’un dépôt de plainte de l’intéressée à l’encontre du directeur et de son adjoint pour harcèlement moral au travail, ainsi qu’un article de presse du journal bi-hebdomadaire « Le pays briard », en date du 25 mars 2016, faisant état du climat délétère entretenu au sein de l’établissement par la direction. Toutefois, d’une part, ni les attestations de collègues produites, qui se bornent à évoquer soit un climat général de tension et de pression psychologique entre la direction et les cadres au début de l’année 2016 soit, s’agissant en particulier de l’attestation de la chef du service éducatif du 8 mars 2021, à faire état de propos prétendument rapportés par Mme C… le

1er février 2021 à la suite de son rendez-vous avec le directeur et des conditions de reprise du travail de cette dernière le 11 février 2016, ni les motifs des arrêts de travail de Mme C… faisant état d’épisodes dépressifs dans un contexte de difficultés professionnelles ne permettent de caractériser des éléments de fait précis susceptibles de faire présumer l’existence du harcèlement moral que Mme C… prétend avoir subi depuis la fin de sa mise en disponibilité. A cet égard, si la requérante soutient que le service « SAJM pro » (Service Adolescents et Jeunes Majeurs professionnel) au sein duquel elle a été réaffectée à compter du 11 février 2016 est un service fictif, ces allégations sont infirmées par les pièces du dossier, notamment par l’attestation de la directrice de l’établissement du 16 novembre 2021, expliquant de manière circonstanciée la genèse et l’évolution de ce service qui a reçu différentes appellations depuis sa création en 2014 et dont la vocation est notamment, s’agissant des nouvelles fonctions qui devaient être confiées à Mme C…, d’accompagner et de préparer le public des adolescents et des jeunes majeurs dans l’exercice d’une activité professionnelle, soit en milieu ordinaire, soit en milieu protégé. D’autre part, ni la lettre de Mme C… du 30 mars 2016 adressée au directeur de l’EPMS ni le récépissé de dépôt de plainte en date du 22 janvier 2016 pour des faits de harcèlement moral, ni encore la demande de protection fonctionnelle du 26 décembre 2016, tous documents basés sur les seules déclarations de l’intéressée, ne permettent davantage d’établir des agissements de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral exercé à son encontre, tant lors des quatre jours de sa reprise de travail du 11 février 2016 au 15 février 2016 qu’au cours de la période qui l’a précédée, soit à compter du 22 janvier 2016, date de réception par l’EPMS Fondation Hardy de sa demande de réintégration anticipée.

21. Enfin, si Mme C… invoque les certificats médicaux des docteurs Cherrak, Boillet et Kétir, psychiatres, en dates respectives des 30 décembre 2016, 1er mars 2017 et

8 mars 2017, ceux-ci, rédigés essentiellement sur la base de ses seules déclarations et insuffisamment circonstanciés, ne sont pas de nature à établir que la pathologie dépressive dont souffre Mme C…, alors même qu’elle ne serait pas étrangère aux difficultés professionnelles traversées par l’intéressée, présenterait un lien direct avec l’exercice de ses fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause. Ils ne sont ainsi pas de nature à contredire l’expertise psychiatrique du docteur B… en date du

7 août 2017, réalisée à la demande de la commission de réforme départementale, mentionnant notamment, dans ses conclusions, que les « arrêts ultérieurs (au 28 février 2016) n’apparaissent donc pas imputables directement au service ».

22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 14 que, nonobstant l’avis de la commission de réforme départementale du 28 septembre 2017, estimant les arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016 imputables au service, mais qui ne lie pas l’administration, les arrêts de travail de Mme C… postérieurs au 8 mars 2016 ne peuvent être regardés comme imputables au service.

23. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’EPMS Fondation Hardy est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 29 décembre 2017 en ce que la directrice de l’EPMS Fondation Hardy a refusé de reconnaître imputables au service le malaise survenu à Mme C… le 15 février 2016 ainsi que son arrêt de travail du 16 février 2016 au 28 février 2016. Mme C…, quant à elle, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 29 décembre 2017 en ce que la directrice de l’EPMS Fondation Hardy a refusé de reconnaître imputables au service ses arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

24. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation de Mme C…, n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions présentées par Mme C… à fin d’injonction et d’astreinte ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’EPMS Fondation Hardy, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que Mme C… demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D’autre part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme C… la somme que l’EPMS Fondation Hardy demande, en application des mêmes dispositions, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens de la présente instance.

DECIDE :

Article 1er: Les conclusions de l’établissement public médico-social Fondation Hardy tendant à l’appel en déclaration de jugement commun de la société Sofaxis sont rejetées.

Article 2 : L’article 1er du jugement n° 1801402 du Tribunal administratif de Melun du

17 mars 2020 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme C… devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions d’appel sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de l’établissement public médico-social Fondation Hardy présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… C… et à l’établissement public médico-social Fondation Hardy.

Délibéré après l’audience du 10 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2021.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

C. BRIANÇON La greffière

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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No 20PA01299

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CAA de PARIS, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 20PA01299, Inédit au recueil Lebon