CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 22TL21217, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Toulouse, 3e ch., 19 déc. 2023, n° 22TL21217
Juridiction : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro : 22TL21217
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 30 mars 2022, N° 1902066
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 21 décembre 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048603308

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A et Mme C D, propriétaires d’une maison se trouvant au lieu-dit « Las Bardères » à Pézilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole à leur verser, en réparation des désordres afférents aux travaux de dérivation du canal de la Berne les sommes de 27 025,90 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise des désordres, 10 560 euros au titre du préjudice de jouissance subi à compter du mois de décembre 2011, jusqu’au jour du dépôt de la requête le 23 avril 2019, 120 euros par mois à compter du mois de mai 2019 jusqu’à l’achèvement des travaux intérieurs et extérieurs, 26 380,60 euros toutes taxes comprises au titre des frais d’expertise, 162 784,60 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de pérennisation de l’ouvrage sur micropieux, 112 243 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise des désordres intérieurs et extérieurs.

Par un jugement n° 1902066 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole à verser à M. et Mme D la somme de 18 000 euros au titre des travaux de réparation des désordres et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 25 mai 2022, M.et Mme D, représentés par Me Chaigneau, demandent à la cour :

1°) à titre principal d’annuler ce jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu’il limite le montant de la condamnation prononcée à leur profit à la somme de 18 000 euros et de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole à leur verser les sommes de 27 025,90 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise des désordres directement consécutifs aux travaux, 10 560 euros au titre du préjudice de jouissance, 120 euros par mois à compter du mois de mai 2019 jusqu’à l’achèvement des travaux intérieurs et extérieurs, 26 380,60 euros toutes taxes comprises au titre des frais d’expertise, 162 784, 60 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de pérennisation de l’ouvrage sur micropieux, 112 243 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise des désordres intérieurs et extérieurs ;

2°) à titre subsidiaire à ce que la réalisation d’une expertise soit ordonnée ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Perpignan Méditerranée Métropole la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— ainsi que l’ont estimé les premiers juges, la responsabilité sans faute de la communauté urbaine de Perpignan Méditerranée Métropole doit être engagée dès lors qu’ils sont tiers par rapport aux travaux réalisés en 2010 et consistant en la dérivation du canal de la Berne ;

— leur propriété a subi de multiples désordres, comme l’établit le rapport d’expertise ; ces désordres ont été causés par l’abaissement de la nappe phréatique consécutivement aux travaux exécutés par la communauté urbaine ; dès lors que les fissures sont multiples alors que la construction, qui date de 1994, ne présentait jusqu’en 2012 aucune fissure, la condition tenant à la gravité du préjudice est remplie ;

— le préjudice est également spécial, dès lors que, parmi les riverains, ils sont les seuls dont le bien immobilier a présenté de tels désordres ;

— en tout état de cause, ils sont en droit d’obtenir réparation au titre de dommages accidentels de travaux publics sans avoir à apporter la preuve du caractère anormal et spécial du préjudice ;

— contrairement aux prévisions de l’expert, les fissures ont évolué après le dépôt du rapport d’expertise le 14 avril 2017 ;

— le mode réparatoire préconisé par l’expert judiciaire suppose une stabilisation des fissures, dès lors qu’il ne préconise qu’un simple agrafage-rebouchage-jointage des fissures ; si le tribunal a estimé qu’ils ne justifiaient pas d’une raison particulière les empêchant de faire ces travaux, ils ne sont pas assurés pour de tels dommages, ne disposaient pas des fonds nécessaires pour les réaliser et, d’autre part, un agrafage-rebouchage-jointage, n’aurait pas été de nature à empêcher l’évolution des désordres ;

— compte tenu de ce que leur maison n’a présenté aucune fissure pendant une période de 18 ans, la circonstance tenant à ce que les défauts affectant la construction de cette maison seraient de nature à réduire leur droit à indemnisation ne peut qu’être écartée ;

— les sommes demandées correspondent, pour prendre en compte les désordres apparus après la réalisation de l’expertise judiciaire et permettre une stabilisation pérenne de l’ouvrage, à la somme de 162 784,60 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de pérennisation de l’ouvrage sur micropieux et de 112 243 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise des désordres intérieurs et extérieurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole représentée par Me d’Albenas, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que les conclusions indemnitaires des appelants soient ramenées à de plus justes proportions et à ce que soit mise à leur charge la somme de 2 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— il résulte du rapport de l’expertise réalisée à la demande du tribunal administratif que les travaux nécessaires à la reprise de l’ensemble des désordres s’élèvent à la somme de 25 584,46 euros toutes taxes comprises ; ainsi, seules les fissures structurelles peuvent être en lien avec le mouvement du terrain à l’origine des désordres, de sorte que les reprises des microfissurations et du faïençage ne doivent pas être prises en compte ;

— contrairement à ce que font valoir les appelants, le mouvement à l’origine des fissures était stabilisé, lors du contrôle des jauges opéré en février 2017 ; il leur appartenait donc de mettre en œuvre les mesures préconisées par l’expert dès le dépôt du rapport d’expertise ; ces derniers n’ont jamais jusqu’à leur requête d’appel invoqué des difficultés financières les mettant dans l’impossibilité d’exécuter les travaux dès le dépôt du rapport d’expertise ; c’est à juste titre que les premiers juges ont par ailleurs tenu compte de l’état initial de leur maison, pour réduire le préjudice indemnisable .

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Bentolila,

— les conclusions de Mme Perrin rapporteure publique,

— et les observations de Me Lafont représentant les appelants, et celles de Me Chatron, représentant la communauté urbaine Perpignan méditerranée métropole.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D sont propriétaires d’une maison se trouvant au lieu-dit « Las Bardères » à Pézilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales). À la suite de travaux de dérivation du canal de la Berne, exécutés en 2010 par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, dans un but de protection contre les inondations, M.et Mme D, estimant que des désordres constatés sur leur propriété avaient pour cause l’assèchement du sol causé par les travaux précités, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la désignation d’un expert en vue de déterminer les causes de ces désordres et d’évaluer les préjudices subis. Après le dépôt du rapport de l’expert, ils ont demandé au tribunal administratif la condamnation de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole à leur verser les sommes de 27 025,90 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise des désordres directement consécutifs aux travaux, 10 560 euros au titre du préjudice de jouissance du mois de décembre 2011 jusqu’au jour du dépôt de la requête le 23 avril 2019, 120 euros par mois à compter du mois de mai 2019 jusqu’à l’achèvement des travaux intérieurs et extérieurs, 162 784,60 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de pérennisation de l’ouvrage sur micropieux, 112 243 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise des désordres intérieurs et extérieurs et la somme de 26 380,60 euros toutes taxes comprises au titre des frais d’expertise.

2. Par un jugement du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole à verser à M. et Mme D la somme de 18 000 euros au titre des travaux réparatoires de reprise des désordres, a mis à la charge définitive de la communauté urbaine de Perpignan Méditerranée Métropole les frais d’expertise et a rejeté le surplus de la demande de M.et Mme D.

3. Ces derniers relèvent appel du jugement précité en tant qu’il limite le montant de la condamnation prononcée à leur profit à la somme de 18 000 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s’il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d’un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage n’est pas inhérent à l’existence même de l’ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

5. En l’espèce, ainsi que l’ont considéré à bon droit les premiers juges, les dommages subis par M. et Mme D, tiers par rapport aux travaux publics de dérivation du canal de la Berne, s’analysent, ainsi d’ailleurs que l’admettent à titre principal les appelants, en des dommages permanents de travaux publics.

6. Il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise, qu’à la date du 7 février 2017 les jauges mises en place sur la maison des appelants n’avaient pas bougé depuis octobre 2016 et donc que les désordres devaient être regardés comme ayant été stabilisés à cette date. Si M.et Mme D se prévalent, ainsi qu’ils l’ont fait en première instance, du rapport du cabinet Eurexo, mandaté par leur compagnie d’assurance dans le cadre de la protection juridique, établi le 10 mars 2021, selon lequel quatre jauges se trouvant en différents points de la maison indiquent des évolutions entre le 29 octobre 2015 et le 7 janvier 2020, il ne résulte toutefois pas de l’instruction, ni que les fissures constatées par le cabinet Eurexo trouveraient leur origine dans les travaux de dérivation du canal de la Berne, ni, en tout état de cause, que le procédé de réparation préconisé par l’expert, soit l’agrafage des principales fissures et la mise en œuvre d’un mortier sans retrait pour le rebouchage des interstices, n’aurait pas permis, s’il avait été mis en œuvre dès le dépôt du rapport d’expertise, de prévenir l’apparition de nouveaux désordres. Or, l’évaluation des dommages subis par M.et Mme D du chef des désordres causés à leur propriété doit être effectuée à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer, soit en l’espèce à la date du 17 avril 2017 à laquelle l’expert a rendu son rapport. À cet égard, les appelants, par les avis d’imposition et les relevés bancaires qu’ils produisent, ne justifient pas s’être trouvés, comme ils le soutiennent, dans l’impossibilité de faire réaliser ces travaux à la date du 17 avril 2017 à laquelle l’expert a rendu son rapport.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D ne sont pas fondés à demander la condamnation de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole à leur verser la somme de 162 784,60 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de pérennisation de l’ouvrage sur micropieux ainsi que celle de 112 243 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise des désordres intérieurs et extérieurs, s’agissant de travaux de reprise de désordres apparus postérieurement au 17 avril 2017.

8. Par ailleurs, les conclusions de M. et Mme D tendant à la condamnation de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole à leur verser la somme de 10 560 euros au titre du préjudice de jouissance subi à compter du mois de décembre 2011, jusqu’au jour du dépôt de la requête le 23 avril 2019, ne peuvent être que rejetées faute pour les appelants de justifier de la réalité de ces préjudices alors qu’ils ne contestent pas la circonstance, relevée par les premiers juges, selon laquelle la solidité de leur maison n’est pas affectée par les désordres qui sont survenus et qu’ils n’établissent pas que ses conditions d’habitabilité auraient été modifiées. Doivent, ainsi que l’ont estimé les premiers juges, être également rejetées les conclusions tendant à la condamnation de la communauté urbaine intimée à leur verser la somme de 120 euros par mois à compter du mois de mai 2019 jusqu’à l’achèvement des travaux intérieurs et extérieurs, en l’absence de justification des préjudices qui pourraient être subis du fait de la réalisation de ces travaux.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les époux D ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité le montant de la condamnation prononcée à leur profit à la somme de 18 000 euros.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, qui n’est pas partie perdante dans ce litige, la somme que demandent M. et Mme D sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme D la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions au profit de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D est rejetée.

Article 2 : M. et Mme D verseront à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. A D, à Mme C D et à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole .

Copie en sera adressée à M. B E, expert.

Délibéré après l’audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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