CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA03812

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, 15 juin 2011, N° 1000354
Précédents jurisprudentiels : 1000354 du 16 juin 2011 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie
CE, 16 novembre 2005, Ville de Paris, n° 278646
CE, 21 juin 2013, Communauté d'agglomération du pays de Martigues, n° 352427
CE, 23 novembre 1956, Sieur Dressayre, n° 25686
CE, 2 février 2011, Mme X, n° 330641
Conseil d'Etat du 7 novembre 2012, Polynésie française, n° 360252

Texte intégral

11PA03812
Société Star Pacifique
Audience du 9 mai 2014
Lecture du 23 mai 2014
CONCLUSIONS de M. Boissy, Rapporteur public 1. La commune de Païta, située en Nouvelle-Calédonie, a lancé le 23 juin 2010 une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un marché relatif à la gestion de la pré-collecte et de la collecte des déchets ménagers et assimilés sur son territoire.
Le 25 août 2010, le maire de la commune a signé ce marché, conclu pour un durée de cinq ans, avec un groupement conjoint constitué par les entreprises Caleco environnement et PSP. Il a également informé la société Star Pacifique, qui s’était portée candidate à l’attribution du marché, du rejet de son offre.
La société Star Pacifique alors exercé le recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat, plus connu sous la dénomination de recours « Tropic Travaux ». Mais, par un jugement du 16 juin 2011, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
La société Star Pacifique relève appel de ce jugement.
2. La société requérante conteste tout d’abord la régularité du jugement.
A ce titre, elle fait valoir que les conditions dans lesquelles le sens des conclusions du rapporteur public a été portée à sa connaissance a méconnu l’article R. 711-3 du code de justice administrative (CJA).
2.1. Les règles applicables
Comme vous le savez, l’information prévue par l’article R. 711-3 du CJA a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. Les parties ou leurs mandataires doivent ainsi être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire. Cette exigence d’information est une obligation pour les juges afin de ne pas entacher d’irrégularité la décision juridictionnelle (CE, 21 juin 2013, Communauté d’agglomération du pays de Martigues, n° 352427, en A).
En revanche, les obligations du rapporteur public ne s’étendent pas aux motifs qui le conduisent à proposer une solution au litige.
Certes, la décision Communauté d’agglomération du pays de Martigues, précitée, insiste sur le fait qu'« il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir ». Mais elle précise que la communication de telles informations n’est « pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision ». A notre sens, le Conseil d’Etat a donc simplement entendu imposer au rapporteur public un guide de bonnes pratiques, de bonne conduite dans les relations avec les usagers de la justice mais qui reste encore, à l’heure actuelle, dénué de portée juridique.
Désormais, c’est l’avis d’audience qui, en vertu de l’article R. 711-2 du CJA, mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public. Concrètement, cet avis d’audience indique que les parties peuvent accéder au sens des conclusions en utilisant l’application Sagace grâce au code qui leur a été fourni, dans un délai d’environ deux jours avant l’audience. Toutefois, en cas de défaillance de l’application Sagace, ou d’une erreur dans la remise du code, ou encore si le rapporteur public n’a pas –encore- mis en ligne le sens de ses conclusions, ce même avis d’audience précise que les parties peuvent « prendre contact avec le greffe » de la juridiction, c’est-à-dire qu’ils peuvent demander par tous moyens (courrier, mail, télécopie, téléphone…) la communication du sens des conclusions du rapporteur public.
Ainsi, lorsqu’une partie prend connaissance du sens des conclusions, 24h ou 48h avant l’audience, soit directement par l’application Sagace, soit indirectement après en avoir fait la demande, la régularité du jugement n’est pas affectée (voir a contrario CE, 2 février 2011, Mme X, n° 330641, en B).
2.2. Le cas d’espèce
Au cas présent, il apparaît que, le 24 mai 2010, quelque deux jours avant l’audience qui était prévue devant le TANC, le 26 mai 2010, et pour lesquelles les parties avaient reçu un avis d’audience en date du 9 mai 2010, l’application Sagace n’était pas disponible, n’ayant apparemment pas encore été mise en œuvre au sein de la juridiction. D’ailleurs, l’accusé de réception de la requête de la société ne comportait pas de code d’accès à l’application.
L’avis d’audience mentionnant la possibilité de prendre connaissance du sens des conclusions, sur l’application Sagace, dans un délai de l’ordre de deux jours avant l’audience, était donc, par la force des choses, erroné.
Toutefois, dans un mail du 24 mai 2011, le greffe du TANC a bien communiqué à l’avocat de la société Star Pacifique le sens des conclusions du rapporteur public quelque trois heures seulement après en avoir reçu la demande. Si le sens de ces conclusions qui a été communiqué mentionnait, sobrement, « rejet », sans plus de précisions, cette indication était suffisante, au regard de la jurisprudence que nous avons évoquée, pour considérer que la juridiction a respecté l’article R. 711-3 du CJA.
Vous écarterez donc ce moyen de régularité.
3. La société appelante conteste ensuite le bien-fondé du jugement.
3.1. Elle estime que le contrat litigieux est entaché de nombreux vices qui entachent sa validité.
3.1.1 1re série de vices : les irrégularités entachant la tenue de la commission d’appel d’offres (CAO).
Vous pourrez rapidement écarter les trois irrégularités alléguées.
En premier lieu, il résulte de l’instruction que les convocations aux réunions des 23 juillet et 4 août 2010, respectivement consacrées à l’ouverture des plis et à l’analyse des offres, ont notamment été adressées les 19 et 27 juillet 2010 à Mme Y Z, membre titulaire de cette instance, comme le prouvent les télécopies de ces convocations ainsi que l’attestation du receveur de l’office des postes.
Les convocations ont donc bien été faites en temps utile.
En deuxième lieu, s’il est exact que Mme A B, membre suppléant, a siégé, en lieu et place du titulaire de la fonction, M. C D, aux deux séances de la CAO, alors que ce dernier n’avait pas été convoqué, il résulte toutefois de l’instruction et n’est pas sérieusement contesté que ce dernier avait quitté le territoire de la Nouvelle-Calédonie depuis le mois de juin 2009 et qu’il n’est revenu à Nouméa qu’à la fin du mois d’août 2010. Il a d’ailleurs, peu de temps après, démissionné de ses fonctions, en novembre 2010. Dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur a pu, dans les circonstances particulières de l’espèce, régulièrement s’abstenir de convoquer le titulaire (en ce sens, par ex. CE, 23 novembre 1956, Sieur Dressayre, n° 25686).
En dernier lieu, s’il est vrai que M. E F, premier adjoint, a présidé la réunion de la CAO du 23 juillet 2010 en lieu et place du maire, il n’est pas contesté que le maire était alors empêché, au sens de l’article L. 122-13 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, alors que la réunion de cette CAO consacrée à l’ouverture des plis « s’imposait normalement » à la date du 23 juillet à 14 h 00, après la date limite de réception des offres qui expirait le même jour à 11h 30.
3.1.2. 2e série de vices : la méconnaissance des articles 7 et 33 la délibération n°136/CP du 1er mars 1967 modifiée 3.1.2.1. Le droit applicable
Le 17° de l’article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit que la Nouvelle-Calédonie est compétente pour fixer les règles relatives à la commande publique, dans le respect des principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d’efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics.
Le droit de la commande publique, en Nouvelle-Calédonie n’est donc pas directement régi par le code des marchés publics (CMP) métropolitain mais bien par des textes locaux et, en particulier, par la délibération n°136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics qui a été modifiée à plusieurs reprises.
L’article 7 de cette délibération prévoit ainsi que « Les prestations qui font l’objet des marchés doivent répondre exclusivement à la nature et à l’étendue des besoins à satisfaire. Le service intéressé est tenu de déterminer aussi exactement que possible les spécifications et la consistance de ces prestations avant tout appel à la concurrence ou toute négociation ».
L’article 33 de la délibération dispose pour sa part que « Certains marchés peuvent ne fixer que le minimum et le maximum des prestations arrêtées en valeur ou en quantité, susceptibles d’être commandées au cours d’une période déterminée n’excédant pas celle d’utilisation des crédits ouverts, les quantités de prestations à exécuter étant précisées, pour chaque commande, par l’administration, en fonction des besoins à satisfaire. Ces marchés, dits « marchés à commandes », doivent indiquer la durée pour laquelle ils sont conclus. Ils peuvent comporter une clause de tacite reconduction, sans toutefois que la durée totale du contrat puisse excéder trois années (…) ».
La logique de ces dispositions, qui sont les mêmes, mutatis mutandis, que celles figurant respectivement aux articles 5 et 77 du CMP applicable en métropole, est d’imposer, en principe, au pouvoir adjudicateur de définir ses besoins avec suffisamment de précision pour permettre aux candidats de présenter une offre adaptée aux prestations attendues, compte tenu des moyens nécessaires pour les réaliser. Toutefois, lorsque l’objet des prestations ne peut pas être suffisamment déterminé à l’avance, le pouvoir adjudicateur peut alors déroger aux obligations de l’article 5 et recourir au mécanisme de l’article 33 mais dans les conditions et les limites qui y sont définies.
3.1.2.2. Le cas d’espèce
Le marché, qui n’a pas été alloti, a toutefois été découpé en trois sections techniques.
La 1re section technique concerne la gestion du parc de bacs de pré-collecte en porte à porte et en points d’apports volontaires(PAV). Le titulaire du marché doit procéder à une enquête initiale sur la dotation, la mise à disposition et la maintenance des bacs pour la collecte des déchets ménagers et assimilés en porte à porte et pour la collecte sélective des déchets recyclables en PAV.
Lors de la remise de son offre, le candidat doit fournir un avant-projet des secteurs de collecte respectant les contraintes précisées à l’article 3.1. du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), portant en particulier sur l’obligation d’assurer une collecte en porte à porte quel que soit le type de voie rencontrée et sur l’ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique et sur l’obligation de tenir compte des migrations urbaines (horaires des établissements scolaires, circulation routière sur les grands axes et en centre-ville, …) en vue de réduire les nuisances dues à la circulation des véhicules de collecte.
Par ailleurs, après la notification du marché, les circuits de collecte validés par le maître d’ouvrage pourront néanmoins être modifiés notamment pour améliorer la qualité du service ou pour tenir compte de l’évolution de l’urbanisation de la Ville, sans rémunération supplémentaire, en principe, du titulaire du marché.
Dans le cadre de l’étude sur la dotation des bacs roulants aux usagers, qui devra avoir lieu dans les 6 mois suivant la notification du marché, le titulaire du marché s’engage non seulement à racheter, au prix de 13 858 590 F TTC, l’ensemble des bacs roulants neuf et en service, estimé à un peu de moins de 4 300 unités, et à les mettre à la disposition des usagers mais aussi à assurer une dotation complémentaire aux usagers dépourvus de bacs et à remplacer les bacs hors service. A l’issue de cette étude, il s’engage également, pour la durée du marché, à assurer le renouvellement des bacs défectueux ou hors service, à doter les nouveaux usagers de bacs d’ordures ménagères ainsi qu’à procéder aux opérations de maintenance résultant d’une inspection régulière du parc de bacs et, de manière plus ponctuelle, à celles demandées par la Ville dans un délai d’une semaine.
S’agissant des bacs existants dans les PVA, l’article 6.2.2.1 du CCTP indique précisément les besoins de la collectivité tandis que l’article 6.2.2.7 du CCTP précise que la commune pourra demander au titulaire du marché d’assurer une dotation sur les nouveaux PAV qui seront créés en cours de marché. L’article 2.1 du même CCTP précise toutefois que « le maître d’ouvrage se réserve le droit de modifier le nombre et le litrage des points d’apport volontaire qui seront installés sur le territoire de la commune sans que le titulaire puisse prétendre à aucune indemnité ».
La 2e section technique est relative à la collecte des déchets ménagers et assimilés. Le titulaire du marché doit assurer la collecte, par containers, des ordures ménagères en porte-à-porte et des déchets recyclables en PAV ainsi que le transport de ces déchets vers les lieux de transfert de stockage, de tri ou de traitement.
L’article 7 du CCTP a défini l’ensemble des conditions générales d’exécution des prestations de cette section et notamment les contraintes imposées relatives à la nature des voies, aux véhicules, aux fréquences de passage, aux horaires et aux itinéraires.
La 3e section technique concerne la mise à disposition occasionnelle de bacs roulants et la collecte ponctuelle des déchets. Le titulaire doit pouvoir, dans des délais très brefs et sur ordre de service, mettre à la disposition de la commune de Païta une benne de collecte ainsi qu’un équipage chargé de collecter une qualité particulière de matériaux ou de déchets ou des déchets produits par des usagers spécifiques.
La prestation comprend la mise en place, le vidage des bacs et leur enlèvement lors de manifestations diverses (kermesses, manifestations culturelles etc..) se déroulant sur le territoire de la commune de Païta et les conditions générales d’exécution sont précisément définies à l’article 8 du CCTP. Par ailleurs, le prix des prestations est indiqué au bordereau de prix unitaires (BPU). Enfin, selon l’article 4 du règlement particulier d’appel d’offre, les quantités indiquées dans le détail quantitatif estimatif (DQE) sont « purement indicatives et utilisées dans le but de comparer les offres ».
Nous estimons que, s’agissant des 2 premières sections techniques, le pouvoir adjudicateur a défini, avec une précision suffisante, tant le périmètre des secteurs de collecte en porte à porte et des points d’apport volontaire que les conditions d’évolution de ces derniers. Il appartenait donc aux candidats de construire leurs prix en intégrant les aléas relatifs à l’évolution du nombre de bacs et du nombre de PAV en fonction des quantités figurant dans le DQE, ce qui leur permettait de calibrer au mieux les prix proposés.
S’agissant de la 3e section technique, il est vrai que les prestations étaient ponctuelles et occasionnelles. Toutefois, le DQE leur servait justement à calibrer une offre réaliste par rapport aux prestations qui étaient attendues de leur part et qui, elles, avaient été précisément définies à l’article 8 du CCTP.
Dans ces conditions, la société Star Pacifique ne nous semble pas fondée à soutenir que le marché, même partiellement, aurait méconnu l’article 7 de la délibération du 1er mars 1967 modifiée et qu’il aurait dû être passé en application de l’article 33.
Vous écarterez les moyens invoqués à ce titre par la commune de Païta.
3.1.3. 3e série de vices : La société appelante soutient que les documents de la consultation ont été substantiellement modifiés au cours de la procédure de passation, de sorte que la commune de Païta aurait dû prévoir un nouveau délai de remise des offres.
Comme vous le savez, la rectification par l’administration des conditions de la consultation pendant le délai de remise des offres n’entraine l’obligation de reprendre à son commencement la procédure que si cette rectification apporte une modification substantielle du marché (voir par ex. CE, 16 novembre 2005, Ville de Paris, n° 278646, en B).
Au cas d’espèce, le courrier du 12 juillet 2010 du maire de la commune de Païta se borne, pour l’essentiel, à rectifier de quelques heures la date limite de remise des offres, initialement fixée au 23 juillet 2010 à 15h30, et qui a été avancée à 11h30, à modifier les conditions de reprise d’un salarié qui n’était pas à mi-temps, comme indiqué par erreur, mais à plein-temps et à apporter aux candidats une information actualisée à janvier 2010 du nombre d’abonnés par secteur, des plans de secteurs et des tonnages collectés.
Nous ne voyons dans ces éléments aucune modification substantielle qui aurait contraint la commune à relancer la procédure dans son ensemble, de sorte que vous pourrez écarter ce moyen.
3.1.4. 4e série de vices : la société appelante soutient que l’information des candidats sur les conditions de mise en œuvre du critère de sélection relatif à la valeur technique était insuffisante
Nous ne partageons pas la position de la société.
En effet, le règlement particulier d’appel d’offres (RPAO) comportait une annexe n°2 indiquant quel était le « contenu minimum » du mémoire technique qui devait être remis par les candidats. Ce « contenu minimium » était exposé sous forme de « sommaire » détaillé » mais il était bien précisé que ce sommaire n’était pas « exhaustif ».
L’information reçue par les candidats était dès lors appropriée et rien n’empêchait les candidats de proposer, dans leur mémoire technique, en plus des éléments imposés, des éléments techniques leur permettant de se distinguer.
3.1.5. 5e série de vices : la méconnaissance, par le pouvoir adjudicateur, de l’article 27-2 de la délibération du 1er mars 1967 modifiée et du RPAO
La société Star Pacifique soutient, en substance, que le pouvoir adjudicateur, concernant le jugement des offres, n’a respecté ni les « règles du jeu » qui s’imposaient à lui ni celles qu’il avait pourtant lui-même édictées.
Par analogie avec la décision du Conseil d’Etat du 7 novembre 2012, Polynésie française, n° 360252, en B, éclairée par les conclusions de son rapporteur public, et compte tenu des termes mêmes l’article 27-2 de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée, la CAO d’une collectivité située sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie procède notamment au classement des offres par ordre décroissant en tenant compte, impérativement, de six critères :
1°) le prix des prestations 2°) le coût d’utilisation 3°) la valeur technique 4°) les références et garanties professionnelles et financières du candidat 5°) le délai d’exécution 6°) les conditions du recours à la sous-traitance.
Elle peut en outre compléter ces critères par d’autres critères expressément indiqués dans le règlement particulier d’appel d’offres (RPAO).
Il ressort de l’article 4 du RPAO du marché en litige que le pouvoir adjudicateur a choisi de juger les offres des candidats en se fondant sur quatre critères classés par ordre décroissant d’importance :
1°) le prix des prestations ;
2°) la valeur technique ;
3°) les références et garanties professionnelles et financières du candidat ;
4°) les délais d’exécution.
Le pouvoir adjudicateur a donc omis de prendre en compte deux critères qui s’imposaient à lui, à savoir « le coût d’utilisation » et « les conditions du recours à la sous-traitance ».
Par ailleurs, il a procédé au jugement des offres en établissant un barème de notation attribuant une échelle de notation identique, allant de une à cinq étoiles, pour les critères relatifs au « prix des prestations », aux « délais d’exécution » et à « la valeur technique » et une notation de une à trois étoiles pour le critère relatif aux « références et garanties professionnelles et financières du candidat ».
Or, dans le RPAO, il avait indiqué que les 4 critères que nous venons d’énumérer seraient classés dans un ordre décroissant.
Il ne pouvait donc pas juger les offres, comme il l’a pourtant fait, en attribuant le même poids aux critères concernant « la valeur technique » et « les délais d’exécution » et à celui relatif au « prix des prestations ».
La commune de Païta a donc clairement méconnu d’une part, les règles de jugement des offres qui s’imposaient à elles et, d’autre part, les règles du jeu qu’elle s’était elle-même fixées.
Une telle méconnaissance a-t-elle pour autant été susceptible, en l’espèce, d’influencer le choix de l’attributaire du marché et donc de vicier la validité du contrat ?
Il nous semble que c’est bien le cas. L’effort nous semble beaucoup trop grand pour reconstruire la règle du jeu qui aurait pu être adoptée et qui aurait dû être appliquée par la commune de Païta.
Ainsi, il ne nous paraît pas possible de faire comme si le pouvoir adjudicateur aurait nécessairement attribué aux critères relatifs au « coût d’utilisation » et aux « conditions du recours à la sous-traitance » un très faible poids par rapport aux autres critères. Rien ne lui interdisait, par exemple, de faire de l’un de ces deux critères le premier ou le second critère à prendre en considération pour apprécier la valeur de l’offre. En outre, vous obserevrez que les entreprises candidates n’étaient pas dans la même situation au regard de la sous-traitance.
Nous n’avons pas davantage de visibilité sur la consistance de ces critères et la qualité intrinsèque de chaque offre par rapport à ces critères puisque les offres, qui n’avaient pas à se positionner par rapport à ces critères, sont muettes sur ces éléments, tout comme l’est le rapport d’analyse des offres.
La règle du jeu nous apparaît donc comme ayant été faussée ab initio d’une manière telle qu’elle ne vous permet pas d’affirmer que le choix de l’attributaire n’aurait de toute façon pas pu être modifié même avec l’application des « bonnes » règles du jeu. Il y a tout de même des limites à raisonner de manière virtuelle.
Ces irrégularités ont donc bien, par la force des choses, été susceptibles d’influencer tant l’élaboration des offres que le choix de l’attributaire du marché de sorte que la validité du contrat litigieux s’en trouve logiquement viciée.
3.1.6. La Société Star Pacifique invoque encore un moyen relatif à la « neutralisation des critères de sélection des offres autres que le critère financier ».
La qualification juridique de ce moyen un peu maladroit n’est pas évidente.
Sous l’angle de l’erreur de droit, le moyen n’est pas fondé car le rapport d’analyse des offres montre bien que le pouvoir adjudicateur a bien analysé l’ensemble des offres au regard des quatre critères figurant dans le RPAO, même s’il n’a pas jugé ces critères dans l’ordre décroissant pourtant annoncé.
Ce moyen nous semble également devoir être analysé, tel qu’il est articulé, comme stigmatisant l’erreur manifeste d’appréciation commise par le pouvoir adjudicateur dans l’analyse du critère relatif à la valeur technique des offres.
Il nous semble toutefois difficile de statuer sur ce moyen dans la mesure où le pouvoir adjudicateur ayant doublement modifié, nous l’avons dit, les règles du jugement des offres qui s’imposaient à lui, il est par construction bien délicat de déceler si, au final, le choix qui a été fait par la commune de Païta de retenir l’offre du groupement plutôt que celui de la société Star Pacifique est manifestement erroné. Cela impliquerait de reconstruire totalement les règles de jugement des offres conformément aux règles prévues par l’article 27-2 de la délibération du 1er mars 1967 modifiée. Mais l’état du dossier ne le permet pas.
3.2. En ce qui concerne les conséquences du vice 3.2.1. Les droit applicable
Comme vous le savez, il appartient au juge « tropical », lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences.
A cet effet, il choisit, dans une sorte de « boîte à outils juridiques », la mesure qu’il estime la plus appropriée par rapport à la nature du ou des vices constatés.
1°) Il peut tout d’abord décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible lorsque le vice est totalement véniel.
2°) Il peut ensuite, en présence d’un vice un peu moins véniel, inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe sous peine de prononcer la résiliation ou la résolution contrat, sauf si les parties décident elles-mêmes de ne pas procéder à la régularisation de ce vice et prononcent, à leur initiative, la disparition (rétroactive ou non) du contrat.
3°) En présence d’irrégularités importantes, qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il doit prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat.
4°) Enfin, en présence d’irrégularités très importantes ou graves, et en particulier si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge devrait relever d’office, le juge du contrat doit prononcer l’annulation totale ou partielle de celui-ci le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
3.2.2. Au cas d’espèce, il ne fait guère de doute que le vice que nous vous proposons de constater, sans être grave, n’est pas véniel. Les irrégularités consistant, pour le pouvoir adjudicateur, à proposer non seulement des règles de jugement des offres non conformes au droit de la commande publique mais aussi à juger des offres de manière différente de celles annoncées et qui ont été en l’espèce, nous l’avons dit, de nature à avoir influencé tant l’élaboration que le jugement des offres, ont donc eu une influence significative sur le choix de l’attributaire. Dans ces conditions, et dans un contentieux qui est, quoiqu’on en dise, encore un contentieux de la légalité des décisions de l’administration, nous estimons que ces irrégularités sont importantes.
Nous vous proposons donc de prononcer la résiliation du marché. Toutefois, il est assez évident que la résiliation immédiate du marché en litige remettrait en cause la continuité du service de la collecte des déchets dans la commune de Païta et porterait ainsi, nous semble-t-il, une atteinte excessive à l’intérêt général.
C’est pourquoi nous sommes d’avis de résilier ce marché avec un effet différé. Compte tenu des délais dans lesquels vous rendrez votre arrêt, lequel devrait être notifié aux parties vers le 1er juin 2014, nous pensons qu’un délai de quatre mois pour l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution du marché est largement suffisant, de sorte que nous vous proposons de résilier ce marché à compter du 30 septembre 2014.
PCM, nous concluons :
1°) à l’annulation du jugement n° 1000354 du 16 juin 2011 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) à la résiliation du marché conclu le 25 août 2010 entre la commune de Païta et le groupement conjoint d’entreprises Caleco environnement et PSP à compter du 30 septembre 2014 ;
3°) à ce que la commune de Païta verse à la société Star Pacifique une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
4°) au rejet des conclusions présentées par la commune de Païta sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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