CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 10PA04656

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA de Lyon 7/07/2011 M. Y et C D E n° 10LY01811
CE 19/03/2010 Chotard n° 318549
CE 29/03/2003 Figeac Athlétisme Clubla n° 240639
CE Sect. 26/11/1976 Fédération française de cyclisme n° 95262

Texte intégral

N° 10PA04656
Fédération française de Rugby
Audience du 22/09/2011
Lecture du 11/10/2011
Conclusions de Monsieur Antoine Jarrige, rapporteur public
Lors d’un match du tournoi des 6 Nations ayant opposé l’Italie au Pays de Galles le 10 mars 2007, M. Z X, un joueur de l’équipe nationale d’Italie, a fait l’objet d’une citation pour avoir asséné un coup de poing à un joueur gallois. Le 13 du même mois, l’organe disciplinaire du Comité des 6 Nations a décidé de sa suspension pour une durée de quatre semaines au motif que le coup de poing avait constitué un acte de jeu déloyal en infraction avec la règle 10(4)(a) des lois du jeu établies par l’International Rugby Board (IRB), sanction confirmée en appel le 28 dudit mois. Saisie par le président de la Ligue nationale de rugby (LNR), la commission de discipline et des règlements de la LNR a, par une décision en date du 4 avril suivant, prononcé l’extension de cette sanction aux compétitions nationales. Saisie à son tour par M. X et son club, le Stade français Paris, la commission d’appel de la Fédération française de rugby (FFR), a, le 26 septembre de la même année, confirmé cette décision au motif que les intéressés ne présentaient aucun élément tendant à démontrer que les dispositions de l’article 719 du règlement disciplinaire de la LNR relatives au déroulement de la procédure disciplinaire et au respect des droits de la défense n’ont pas été strictement respectées.
Leur demande de conciliation par le comité national olympique du sport français (CNOSF) en application des dispositions de l’article 19 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ayant été également rejetée le 14 novembre 2007, motif pris de ce que la sanction litigieuse a épuisé ses effets, M. X et le Stade français Paris ont saisi le 23 du même mois le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de la décision précitée en date du 26 septembre précédent de la commission d’appel de la Fédération française de rugby. Il leur a été donné satisfaction par un jugement en date du 17 juin 2010 dont la fédération a régulièrement interjeté appel devant vous le 14 septembre suivant.
Nous sommes d’abord d’avis que c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu tant la compétence de la juridiction administrative que leur compétence en premier ressort.
Si la décision par laquelle une fédération sportive agréée, à laquelle est confiée à titre exclusif la mission de service public consistant à organiser des compétitions sur le territoire national, inflige à un sportif une sanction, sur la demande d’une association de droit international, en appliquant un règlement international, pour des faits commis lors d’une compétition se déroulant hors du territoire national, ne relève pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à cette fédération pour assurer sa mission de service public, ne présente pas ainsi le caractère d’un acte administratif et ne relève pas, en conséquence, de la compétence de la juridiction administrative (voir CE 19/03/2010 Chotard n° 318549 confirmant un arrêt de votre chambre), il n’en va pas de même lorsque, comme en l’espèce, une fédération sportive décide, de sa propre initiative, de tirer les conséquences distinctes qui s’imposent, sur le territoire français, d’une décision prise, dans sa propre sphère de compétence, par une fédération internationale (voir par exemple, CE Sect. 26/11/1976 Fédération française de cyclisme n° 95262 et sur la distinction entre les deux types de décisions, les conclusions de A B sur l’arrêt Chotard).
La compétence du tribunal administratif de Paris pour connaître du présent litige ne fait également pas de doute dès lors qu’il se rattache à l’exercice des prérogatives de puissance publique que la fédération française de Rugby tient de la délégation ministérielle qui lui a été octroyée par un arrêté en date du 30 mars 2005 sur le fondement de l’article 17 de la loi du 16 juillet 1984 précitée (voir en ce sens, CE 29/03/2003 Figeac Athlétisme Clubla n° 240639), et que la décision en cause est une décision individuelle relevant de la compétence de premier ressort du tribunal administratif de Paris.
Les premiers juges ont annulé la sanction litigieuse au motif que la commission d’appel de la Fédération française de rugby a méconnu l’étendue de sa compétence en se bornant à vérifier que les dispositions de l’article 719 du règlement disciplinaire de la LNR relatives au déroulement de la procédure disciplinaire et au respect des droits de la défense avaient été respectées en première instance.
Vous ne pourrez que confirmer le sens comme les motifs de leur décision.
Si la fédération soutient en cause d’appel que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, son instance disciplinaire d’appel a également examiné si la sanction litigieuse n’était pas disproportionnée aux faits reprochés à M. X, force est de constater qu’elle a soutenu au contraire en première instance qu’il ne lui appartenait pas d’effectuer un tel contrôle dans le cadre de la procédure d’extension d’une sanction prise par un organe disciplinaire international, que les motifs susrappelés de la décision litigieuse attestent d’un simple contrôle de la régularité de la procédure disciplinaire et que les pièces versées au dossier par M. X et son club établissent que telle était bien sa pratique au moins jusqu’à la date de la décision litigieuse.
La question de l’étendue de la compétence des instances disciplinaires de la LNR et de la FFR dans le cadre d’une telle procédure d’extension d’une sanction prise par un organe disciplinaire international, prévue par l’article 716 du réglement disciplinaire de la première et l’article 14 du réglement disciplinaire de la seconde, renvoie à la distinction opérée ci-dessus entre les sanctions appliquées par une fédération sportive, sur la demande d’instances internationales, en application d’un règlement international, pour des faits commis lors d’une compétition se déroulant hors du territoire national, et celles qu’elle applique, de sa propre initiative, afin de tirer les conséquences distinctes qui s’imposent, sur le territoire français, d’une décision prise, dans sa propre sphère de compétence, par une instance internationale.
En réalité, la frontière est assez ténue entre les deux cas de figure dès lors que, comme dans notre espèce, les règlements internationaux ne laissent souvent aucune marge d’appréciation aux fédérations nationales s’agissant des conséquences à tirer des décisions prononcées par des instances disciplinaires internationales. Ainsi, les règlements disciplinaires de l’International Rugby Board instituent un principe d’universalité des sanctions prononcées par les instances disciplinaires internationales imposant qu’un joueur suspendu ne puisse prendre part à aucune compétition, nationale ou internationale, durant sa période de sanction, plaçant dès lors, en principe, les autorités nationales en situation de compétence liée.
Pour autant, nous semblent devoir l’emporter au cas d’espèce les circonstances qu’il y a eu deux procédures de sanction distinctes, que la Fédération française de rugby ne peut être regardée comme agissant à la demande ou pour le compte de l’International Rugby Board et qu’elle a fait application de ses propres règles disciplinaires. Et cela a pour conséquence, tant votre compétence du fait que les instances de la fédération doivent être regardées comme ayant exercé ce faisant les prérogatives de puissance publique qui lui sont conférées pour assurer sa mission de service public, que le nécessaire usage plein et entier par lesdites instances de leur pouvoir disciplinaire sous le contrôle du juge. Elles étaient ainsi en principe tenues de contrôler le bien fondé des appréciations portées par des organes disciplinaires internationaux, voire, le cas échéant, de les infirmer, alors que les règlements de l’IRB s’y opposent. Telle est la rançon de l’imbrication d’un système de droit public national et de règles internationales de droit privé.
On notera enfin que, dans une décision très récente, la cour administrative d’appel de Lyon a tranché un litige similaire dans le même sens : CAA de Lyon 7/07/2011 M. Y et C D E n° 10LY01811.
La confirmation du jugement attaqué et le rejet de la requête de la Fédération française de rugby s’imposent donc selon nous, ses conclusions aux fins de remboursement de ses frais irrépétibles ne pouvant que suivre le même sort que ses conclusions principales, et c’est pourquoi nous concluons, par ces motifs, au rejet de ladite requête et à ce qu’elle verse la somme de 2 000 euros à M. Z X et au Stade français Paris en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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