CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 02PA02193

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE, Section, 2 juin 1961, Leduc, AJ 1961, p. 345
CE, Syndicat général CGT des personnels des affaires culturelles, 19 juin 1996, n° 141728

Texte intégral

N° 02PA02193
Ville de Boulogne-Billancourt c/société Mayday Sécurité
Date de lecture 20 avril 2005
Conclusions de A B, commissaire du gouvernement.
Par deux conventions conclues en 1969 et en 1975, la commune de Boulogne-Billancourt a confié à « l’association pour la gestion de la patinoire et de la piscine de Boulogne-Billancourt » la gestion de l’ensemble piscine-patinoire dont elle est propriétaire. Cette association a elle-même confié, par une convention du 10 août 1989, à la société Mayday Sécurité, la sécurité de cet ensemble immobilier.
Dans un contexte de fort déficit d’exploitation, les statuts de l’association ont été modifiés en 1996, le montant des subventions versées par la commune a diminué, et l’association a été placée en redressement judiciaire, en juillet 1996.
La société Mayday a continué toutefois à assurer la sécurité des bâtiments, au moins jusqu’en avril 1997. Mais une partie de ses factures, celles concernant la période comprise entre avril 1996 et août 1996, n’a pas été réglée, ni par l’association ni par la commune. La société a alors saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande indemnitaire tendant à la condamnation de la commune à lui régler à ce titre la somme de 244 057 F, en se prévalant du caractère « transparent » de l’association avec laquelle elle avait contracté. Cette demande indemnitaire reposait clairement sur la responsabilité contractuelle de la commune.
Par un jugement du 9 avril 2002, le tribunal a admis la compétence de la juridiction administrative en estimant que l’association avait contracté pour le compte de la commune, que le contrat était ainsi administratif, et que la nullité de ce contrat résultant de la méconnaissance des règles du code des marchés publics ne faisait pas obstacle à l’indemnisation de la société Mayday. Selon le tribunal, la commune « a laissé en toute connaissance de cause perdurer une situation irrégulière ». Et il a ainsi , en retenant plutôt, un peu curieusement, une responsabilité quasi-délictuelle de la commune, donné satisfaction à la société. requérante.
La commune de Boulogne-Billancourt vous demande de censurer ce jugement.
La première question à examiner est naturellement celle de la compétence de la juridction administrative.
Les premiers juge sont déduit cette compétence de la nature « transparente » de l’association pour la gestion de la piscine. Vous savez qu’en principe, un contrat passé entre deux personnes privées est un contrat de droit privé, au nom de ce que l’on appelle « le critère organique ». Il en va même ainsi lorsque l’une de ces deux personnes privées gère une mission de service public et bénéficie pour ce faire de financements publics. (TC, 3 mars1969, société interprofessionnelle Interlait, X 1969, p. 307 ; TC, Association nationale pour la formation professionnelle des adultes c/Veuve Arend, 26 mars 1990, p. 635
Toutefois, cette jurisprudence s’est assouplie par l’utilisation de la notion de l’action « pour le compte d’une personne publique », appelée souvent la théorie du mandat. Administratif.
Cette jurisprudence, issue de l’arrêt du Tribunal des conflits TC, société Entreprise Peyrot, 8 juillet 1963, p. 787), lequel reposait sur l’idée que certains contrats relevaient par nature du droit public, a trouvé, avant tout, application en matière de travaux publics et d’aménagement ( TC, Commune d’Agde, 7 juillet 1975, p ; 798 ).
Grâce à la souplesse de la notion de « mandat administratif », elle s’est également étendue à d’autres domaines. Ainsi, dans une décision Laurent du 22 avril 985, p. 541, le Conseil d’Etat E a considéré qu’il y avait bien action d’une association agissant au nom et pour le compte d’une commune dans le cas d’un contrat conclu par le comité des fêtes de cette commune avec un manadier en vue de l’organisation au cours de la fête locale traditionnelle d’un lâcher de taureaux dans les rues.
D’autres illustrations du caractère totalement transparent d’une personne privée peuvent être citées : CE 11 mai 1987, Divier, p. 167issant d’une association pour l’information municipale, estimée transparente, ou CE , Section, 26 janvier 1990, Elections municipales de Y, p. 20, pour une association de développement économique départementale..
Il est vrai que d’autres décisions du Conseil d’Etat ou du Tribunal des conflits semblent manifester plus de réticences à faire usage de la notion de transparence. Voyez par exemple: TC, 4 mai 1987, SA Merx, X 1987, p. 486 , affaire dans laquelle l’association Festival international des régies chargée d’organiser une manifestation annuelle n’a pas agi pour le compte de la commune alors même que pourtant le maire de Nice était président de cette association . Cela étant, le Tribunal des conflits a pris soin de justifier sa solution par les caractéristiques de l’organisation et du monde de financement de cette association.
En fait, la jurisprudence semble être plus respectueuse du critère organique lorsqu’il s’agit de qualifier d’agent public un agent employé par une personne privée ( CE, Syndicat général CGT des personnels des affaires culturelles, 19 juin 1996, n° 141728 , à propos de l’association pour les fouilles archéologiques nationales : « l’AFAN est une personne morale de droit privé ; qu’il suit de là qu’alors même qu’elle concourt à l’exécution d’un service public de l’Etat, et qu’elles que soient ses modalités de fonctionnement et de financement, les rapports entre elle et les agents qu’elle recrute pour son compte ne peuvent être que des rapports de droit privé ». Vous observez toutefois que plusieurs cours administratives d’appel ont retenu récemment, sur ce point, des solutions assez audacieuses : E Marseille, 24 septembre 2004 , Mme C D ; E F 2 décembre 2004, Mme Z, X du 21 février 2005. Selon ces arrêts, l’agent employé par une personne morale de droit privé dont une personne publique a, dans la réalité, le contrôle total, doit être considéré comme un agent public.
En définitive, c’est bien cette notion de contrôle total qui nous paraît pertinente. Lorsqu’il y a contrôle total, la personne privée doit être considérée comme transparente.
Or, en l’espèce, le conseil d’administration, de 13 membres au total, comptait 11 élus de la commune, tous membres de droit, le président était conseiller municipal, les subventions d’ équilibre étaient systématiquement allouées et représentaient les 2 tiers du budget de la structure, la commune décidait de quasiment tout, à savoir la fixation du prix d’entrée, les horaires d’ouverture et de fermeture, la détermination des entrées gratuites, . Et l’association exerçait naturellement son activité dans des locaux communaux.
A la lecture des conventions de 1969 et 1975 conclues entre la commune et l’association, certes un peu ambiguës, l’on peut même se demander si, au delà des différents éléments caractérisant l’absence de réelle autonomie de l’association, celle-ci n’agissait pas, de manière permanente, comme un véritable « mandataire » de la commune. En effet, dans ces conventions, la ville donne « mandat à l’association de gérer en son eu lieu et place ladite piscine ». Dans ce cas, il ne serait même pas utile de se référer à la jurisprudence postérieure à l’arrêt société Entreprise Peyrot, car une jurisprudence beaucoup plus ancienne admettait déjà que la nature administrative d’un contrat conclu par une personne privée agissant comme mandataire d’une personne publique : CE, Section, 18 décembre 1936, Prade, s’agissant de l’exploitation d’une plage par un syndicat d’initiative ; CE, 24 février 1954, Secrétaire d’Etat à la production industrielle, p. 125, à propos d’un marché par une association en participation pour le compte de l’établissement public chargé de l’Exposition de 1937 ; CE, Section, 2 juin 1961, Leduc, AJ 1961, p. 345, pour un marché relatif à la reconstruction d’une église, assurée par une coopérative de reconstruction dont une commune était membre.
Il est vrai que dans le contrat conclu en 1989 avec la société Mayday, l’association n’a pas fait état d’une éventuelle qualité de « mandataire » de la commune, mais cela nous paraît sans incidence.
Par ailleurs, si les statuts de l’association été modifiés en 1996 dans le sens d’une plus grande distance entre l’association et la commune , mais le contrat de la société Mayday Sécurité a été conclu en 1989, soit bien antérieurement. Les termes et le contenu de ce contrat n’ont pas , eux, été modifiés.
Nous considérons donc, comme le tribunal, et quelle que soit la manière de raisonner ( par la référence au « mandat » contenue dans le contrat conclu entre la commune et l’association ou par prise en compte du caractère « transparent » de l’association), que le contrat passé formellement entre l’association et la société Mayaday a en réalité engagé la commune.
Reste à examiner l’objet ou les clauses du contrat. Si l’on ne reconnaît pas la présence dans ce contrat de clauses exorbitantes du droit, l’on peut considérer sans grande hésitation que la société Mayday participait à l’exécution même d’une mission de service public consistant à assurer la sécurité de la piscine, dans la mesure où les prestations incluaient la sécurité des personnes, notamment sous la forme des premiers secours. Précisons que la rémunération de la société étant assurée, via l’association, par la commune, il s’agissait d’un marché public de services.
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Les critères du contrat administratif sont donc réunis, et la responsabilité contractuelle de la commune est donc en principe engagée.
Toutefois, force est de constater que, comme la commune le souligne, le contrat de 1989 dont la société Mayday est titulaire est entaché de nullité, puisque les règles de passation d’un marché public ont été méconnues. Il n’y a eu en effet aucun appel à concurrence, le contrat a été conclu de gré à gré, alors que le montant des prestations impliquait une procédure formalisée de passation .
Dans un tel cas de figure, la nullité d’un contrat constatée par le juge, le cocontractant peut réclamer , même pour la première fois en appel, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé, et que dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois, le remboursement à l’entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée( CE, Section, société Citecable Est, 20 octobre 2000).
Or, en l’espèce, le défaut de règlement de certaines dépenses exposées par la société Mayday conduirait à un enrichissement sans cause de la commune, laquelle aurait bénéficié de prestations gratuites qui lui ont été indéniablement utiles. le. Et, en outre, la commune nous paraît bien avoir commis une faute en laissant son émanation, l’association municipale, conclure irrégulièrement un marché public. La faute qu’aurait commise la société Mayday, alléguée par la commune, ne nous paraît en revanche nullement caractérisée, l’association ayant, comme nous l’avons signalé, omis de lui indiquer que le contrat la liant elle-même à la commune était un contrat de mandat de gestion.
La jurisprudence Citécable permet donc ici l’indemnisation de la société Sécurité. Si les écritures de première instance sont un peu floues, l’enrichissement sans cause et la faute commise par la commune sont clairement invoqués dans les écritures d’appel de la société. Vous pourrez donc constater la nullité du contrat et confirmer la condamnation de la commune à régler le montant des factures en litige.
Précisons que si la commune conteste certaines de ces factures, il s’agit bien en l’espèce de prestations non seulement utiles à la commune mais qui avaient été demandées expressément, à titre de prestations supplémentaires, par l’association municipale –et donc, transparence oblige, par la commune. Ainsi, le 23 juillet 1989, l’association avait demandé un renforcement des prestations pendant les vacances scolaires, en 1990 elle a sollicité des prestations complémentaires de télésurveillance des installations, en 1993 les services d’un maître-chien, etc.
Le montant retenu en première instance, soit 244 057 F en principal ( 37 206 euros) pourra ainsi être confirmé.
La commune n’est pas fondée, en conséquence, à se plaindre de la condamnation prononcée en première instance.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête de la commune, et à la condamnation de celle-ci à payer à la société Mayday Sécurité la somme de 3000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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