CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09PA02857

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel

Texte intégral

09PA02857
Mlle X
Audience du 9 novembre 2010
Lecture du 23 novembre 2010
Conclusions de Mme Chantal Descours-Gatin, Rapporteur public
Mlle X est propriétaire de deux dogues argentins, une chienne prénommée « Uma » et un chien issu d’une portée d’Uma, Sid.
Dans la nuit du 15 au 16 novembre 2008, le concubin de Mlle X, M. Y, a sorti les deux chiens dans le quartier Mouffetard, à proximité de leur domicile.
Dans des circonstances qui ne sont pas clairement éclaircies par le dossier, Uma a mordu au visage un passant.
Le lendemain matin 16 novembre 2008, à 9h30, des policiers se sont rendus au domicile de M. Y et de Mlle X afin de saisir Uma en vertu d’un « avis de rétention d’un chien en vue de placement par arrêté préfectoral ».
Par un arrêté en date du 17 novembre 2008, le préfet de police a ordonné le placement du chien à la fourrière de Gennevilliers et son évaluation comportementale.
Trois semaines plus tard, par un arrêté en date du 9 décembre 2008, le préfet de police a ordonné l’euthanasie du chien, arrêté dont l’exécution a été suspendu par une ordonnance en date du 6 janvier 2009 du juge des référés du TAP, rendue sur demande de Mlle X.
Parallèlement, Mlle X a saisi le juge du fond d’une demande tendant à l’annulation des trois décisions prises.
Par un jugement en date du 16 mars 2009, le TAP a annulé la décision du 16 novembre 2008 plaçant en rétention le chien de Mlle X ainsi que l’arrêté du 9 décembre 2008 ordonnant son euthanasie, a enjoint au préfet de police de restituer à Mlle X le chien dont elle est propriétaire dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de la demande.
C’est le jugement dont relève appel le préfet de police en ce que le TA a annulé deux de ses décisions et lui a fait injonction de restituer le chien à Mlle X, laquelle forme appel incident de ce jugement en tant que le TA a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 16 novembre 2008 de placement du chien en rétention.
Si, dans sa requête sommaire annonçant un mémoire complémentaire, le préfet de police soutient que le TAP a entaché son jugement d’une insuffisance de motivation, le mémoire complémentaire en date du 12 octobre 2009 ne reprend pas ce moyen, qui doit, en conséquence, être regardé comme abandonné.
Vous écarterez les deux fins de non-recevoir opposées par Mlle X, l’appel du préfet dirigé contre le jugement notifié le 17 mars 2009, enregistré par télécopie dès le lundi18 mai 2009 – confirmée par lettre du 19 mai 2009 – étant bien recevable, et le jugement attaqué ayant été produit.
Compte tenu de l’appel et de l’appel incident, vous aurez à statuer de nouveau sur les trois décisions contestées devant le TAP.
Ces trois décisions ont été prises sur le fondement des articles L.211-11 et suivants du code rural, dont il convient de rappeler les dispositions précises.
L’article L. 211-11 du code rural comporte deux catégories de dispositions permettant à l’autorité de police de prendre des mesures à l’égard, notamment, de chiens jugés dangereux :
- « I.- Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir le danger. Il peut à ce titre, à la suite de l’évaluation comportementale d’un chien réalisée en application de l’article L. 211-14-1, imposer à son propriétaire ou à son détenteur de suivre la formation et d’obtenir l’attestation d’aptitude prévues au I de l’article L. 211-13-1.
En cas d’inexécution, par le propriétaire ou le détenteur de l’animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l’animal dans un lieu de dépôt adapté à l’accueil et à la garde de celui-ci. Si, à l’issue d’un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le détenteur ne présente pas toutes les garanties quant à l’application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d’un F désigné par la direction des services vétérinaires, soit à faire procéder à l’euthanasie de l’animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l’article L. 211-25. Le propriétaire ou le détenteur de l’animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du deuxième alinéa du présent I. /
- II.- En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie. Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l’article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l’article L. 211-13 ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l’article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article, ou dont le propriétaire ou le détenteur n’est pas titulaire de l’attestation d’aptitude prévue au I de l’article L. 211-13-1. L’euthanasie peut intervenir sans délai, après avis d’un F désigné par la direction des services vétérinaires. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement de l’animal. A défaut, l’avis est réputé favorable à l’euthanasie.
Enfin, le III de cet article prévoit que « les frais afférents aux opérations de capture, de transport, de garde et d’euthanasie de l’animal sont intégralement et directement mis à la charge de son propriétaire ou de son détenteur » ;
Selon l’article R. 211-4 du même code : « I- Le lieu de dépôt adapté mentionné à l’article L. 211-11 est : 1° Pour les animaux appartenant à des espèces domestiques, un espace clos aménagé de façon à satisfaire aux besoins biologiques et physiologiques de l’espèce. Le lieu de dépôt peut être une fourrière au sens de l’article L. 211-24. Il doit être gardé ou surveillé dans les conditions définies au II de l’article 4 du décret n° 97-46 du 15 janvier 1997 relatif aux obligations de surveillance ou de gardiennage incombant à certains propriétaires, exploitants ou affectataires de locaux professionnels ou commerciaux (…) » .
Pour contester l’annulation par le TAP de sa première décision, celle en date du 16 novembre 2008, dite « avis de rétention d’un chien en vue de son placement par arrêté préfectoral », le préfet de police fait valoir que cette mesure a été prise par un OPJ au nom du préfet de police sur le fondement de l’article L.211-11 du code rural et que cette mesure préventive « entrait précisément dans le cadre d’un danger grave et immédiat qui autorisait l’autorité administrative à enlever le chien à sa propriétaire et à son détenteur, en vue de l’adoption d’une mesure de placement ». Or, comme l’a relevé le TAP, ce texte ne prévoit pas de décision de rétention d’un chien en vue de son placement par arrêté préfectoral, mais uniquement, en cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques un placement dans un lieu de dépôt adapté à la garde de l’animal. Il n’est donc pas prévu de retenir préalablement l’animal dans un lieu autre que le dépôt adapté à sa garde – en général la fourrière -. Or, la décision en cause a consisté à venir prendre le chien pour l’emmener, non à la fourrière – décision qui sera prise le jour suivant -, mais au commissariat de police. En outre, comme le souligne Mlle X dans ses écritures, cette décision du 16 novembre 2008 – qui, d’ailleurs n’est pas signée – ne constitue pas un arrêté préfectoral.
Il nous semble donc que le jugement du TAP doive être confirmé sur ce point.
S’agissant de la deuxième décision, du 17 novembre 2008, ordonnant le placement du chien à la fourrière.
Vous écarterez le premier moyen de légalité externe invoqué par Mlle X, l’arrêté en cause ayant été signé par Mme D E, sous-directrice de la protection sanitaire et de l’environnement, titulaire- en vertu d’un arrêté du 9 octobre 2008 publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 17 octobre 2008, d’une délégation du PREFET DE POLICE, en cas d’absence ou d’empêchement de M. A, directeur des transports et de la protection du public, à l’effet de signer tous actes et arrêtés relevant des missions dévolues à cette direction par l’arrêté préfectoral n°2007-20768 du 17 juillet 2007, au titre desquelles figuraient notamment les décisions concernant la « police sanitaire des animaux », Mlle X n’établissant ni même n’alléguant que M. A n’aurait été ni absent ni empêché.
Vous écarterez également le deuxième moyen de légalité externe, tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire prescrite à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 DCRA, mais qui n’est pas applicable en « cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles » , ce qui était le cas en l’espèce, la grave morsure que la chienne Uma avait infligée à un passant dans la nuit du 15 au 16 novembre 2008, révélant, par elle-même, le danger grave et immédiat que cette chienne était susceptible de représenter envers la population.
Mlle X soutient enfin qu’en prenant la mesure de placement, le préfet de police a commis une erreur manifeste d’appréciation, que vous requalifierez comme une erreur dans la qualification juridique des faits, votre contrôle d’une mesure de police étant un contrôle entier, dans la mesure où la chienne étant retenue dans les locaux de la police ne présentait plus de danger immédiat. Mais il nous paraît évident que, compte tenu de ce que la chienne avait mordu de manière assez importante un passant, le préfet n’a pas fait une inexacte appréciation des faits en estimant qu’il y avait un « danger grave et immédiat pour les personnes » et ordonner ainsi le placement de la chienne.
Vous confirmerez donc également le jugement sur ce point.
S’agissant maintenant de l’arrêté du 9 décembre 2008 ordonnant l’euthanasie de la chienne, le préfet de police fait valoir, d’une part, que cette mesure ne présentait pas un caractère disproportionné à la dangerosité de l’animal, d’autre part, que l’avis défavorable à l’euthanasie émis par le F ne constituait pas un avis conforme liant le préfet de police.
Pour apprécier le caractère dangereux de l’animal, vous disposez de plusieurs éléments de fait. Il est, tout d’abord, incontestable que le chien avait mordu un passant au visage, mais dans des circonstances qui n’ont pu être clairement établies : il ne semble pas que le chien ait spontanément sauté au visage du passant, mais que celui-ci se soit penché ou ait trébuché sur le chien qui était assis ou couché et qui a pu ainsi se défendre. Par ailleurs, le préfet a fait procéder, comme il peut le faire sur le fondement de l’article L.211-1 I du code rural, à une étude comportementale visant à déterminer le caractère de dangerosité du chien, étude réalisée par un F qui classe l’animal dans l’un des 4 niveaux définies par l’article D.211-3-1 du code rural ; selon cet article, chien classé au niveau 3 est un chien qui « présente un risque de dangerosité critique pour certaines personnes ou dans certaines situations » ; un chien classé au niveau 4 est un chien qui « présente un risque de dangerosité élevé pour certaines personnes ou dans certaines situations », et, dans ce dernier cas, « le F informe son détenteur ou son propriétaire qu’il lui est conseillé de placer l’animal dans un lieu de détention adapté ou de faire procéder à son euthanasie ».
C’est ainsi que le préfet de police a demandé l’avis du docteur C, lequel, dans un compte-rendu en date du 20 novembre 2008, a classé la chienne au niveau de risque 3, puis a précisé : « ce chien n’est pas facile à manipuler et se montre craintif au premier abord et ne se montre pas facile à la manipulation. Elle cherche à se dérober au contact de l’homme, elle ne vient à l’appel (sic) sans montrer d’agressivité, elle est globalement soumise et craintive dès qu’elle est en laisse » ; le F concluant : « cet animal ne présente pas de danger comportemental si son maître est capable de la gérer (en caractère gras). Notre avis est défavorable à l’euthanasie dans les conditions décrites ci-dessus ».
Par ailleurs, Mlle X produit un certain nombre d’attestations de personnes certifiant que la chienne ne manifeste aucune agressivité ; elle produit également des photos montrant notamment la chienne avec de jeunes enfants.
Dans ces conditions, il nous paraît difficile de suivre le préfet de police dans son point de vue sur la dangerosité de la chienne. Si le préfet de police s’appuie également sur un avis supplémentaire qu’il a demandé au directeur départemental des services vétérinaires de Paris, vous remarquerez que cet avis, en date du 21 novembre 2008, se borne à se référer à l’avis réservé du docteur F C, du rapport de police en date du 16 novembre 2008 faisant état de dommages corporels causés par la chienne, puis à affirmer que le propriétaire de la chienne est « manifestement incapable de la maîtriser », affirmation qui n’est absolument pas corroborée par les pièces du dossier.
Il nous semble donc que la chienne Uma ne présentait pas de danger justifiant son euthanasie.
Vous confirmerez ainsi le jugement sur ce troisième point.
Vous aurez enfin à statuer sur la mesure d’injonction qui a été ordonnée par le tribunal et qui est contestée par le préfet. Rappelons que le TA a estimé que l’annulation de l’arrêté du 9 décembre 2008 ordonnant l’euthanasie du chien de la requérante impliquait nécessairement, « alors même que le présent jugement rejette les conclusions dirigées contre l’arrêté ordonnant son placement, eu égard au caractère nécessairement provisoire de cette mesure, la restitution du chien à sa propriétaire », le TA ajoutant que rien ne faisait obstacle à ce que le préfet, s’il l’estimait utile, imposât à Mlle X de suivre une formation sur l’éducation et le comportement canins mentionnée à l’article L.211-13-1 du code rural ou prescrive des mesures propres à éviter le renouvellement d’un incident identique.
Le préfet soutient que le danger grave et immédiat n’était pas écarté tant que Mlle X et son compagnon n’avaient pas suivi une formation sur l’éducation et le comportement canins ; or, le préfet n’a nullement prescrit une telle formation, et l’arrêté de placement s’est fondé, non sur le I de l’article L. 211-11 du code rural, qui prévoit que l’autorité de police peut prescrire cette formation et sanctionner éventuellement son inexécution ; ensuite, même si le texte sur lequel s’est fondé le préfet, c’est-à-dire, rappelons-le II de l’article L.211-11, ne prévoit pas la fin du placement, il nous semble que, lorsque l’euthanasie n’est pas ordonnée ou est annulée par le juge, ce placement doive nécessairement prendre fin lorsqu’il n’y a plus de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques. En l’espèce, cette condition nous paraît être remplie : si la mesure de placement était justifiée lorsqu’elle a été prononcée, compte tenu du contexte – la chienne avait mordu un passant -, une fois l’évaluation comportementale réalisée, la situation a été réévaluée : il est alors apparu que la chienne n’était pas dangereuse, mais qu’il fallait qu’elle soit maîtrisée par son propriétaire ; si le préfet estimait, au vu de ces éléments d’information, que la propriétaire et son compagnon devaient suivre une formation sur l’éducation et le comportement canins, il devait la prescrire par une nouvelle décision, ce qu’il n’a pas fait.
Dans ces conditions, il nous semble que l’injonction prononcée par le tribunal résultait nécessairement de l’annulation de l’arrêté du 9 décembre 2008 ordonnant l’euthanasie de la chienne.
PAR CES MOTIFS NOUS CONCLUONS
Au rejet de la requête du préfet de police et de l’appel incident de Mlle X et des conclusions aux fins de FIR présentées par les deux parties.

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