CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 04PA02427

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Sur renvoi de : Conseil d'État, 13 novembre 2000
Précédents jurisprudentiels : CE 22 janvier 1960 GLADIEU, Rec. P. 52

Texte intégral

04PA02427
Commune de Chaumes-en Brie c/ consorts X
Lecture du 8 novembre 2006
Conclusions de Mme A B, commissaire du gouvernement
La « Ferme de Forest », située dans la commune de Chaumes- en -Brie, au hameau du Forest, comprend un ensemble de bâtiments rénovés situés le long de la rue principale et exploités par les consorts X comme chambres d’hôtes et lieux de séminaires . La ferme reçoit également la visite d’élèves des écoles .
Courant 1994, des travaux importants de voirie ont été exécutés le long de la route, comprenant la pose de câbles par EDF et France Télécom et la confection d’un réseau d’ eaux pluviales et d 'eaux usées. Ces travaux ont été réalisés sous le contrôle et la direction de la direction départementale de l’équipement .
Le 23 août 1995, lors de fortes pluies, un refoulement d’eau de pluie par des siphons placés dans le sous-sol partiellement enterré de la ferme du FOREST a en partie inondé ledit sous-sol et l’eau infiltrée a en particulier noyé, sur une hauteur de 20 cm environ, la base d’une chaudière à gaz et son brûleur servant à la production d’eau chaude sanitaire pour les chambres d’hôtes.
Des refoulements s’étaient produits en fait dès la fin de 1994, immédiatement après les travaux,et d’autres ont eu lieu ensuite en 1996 , 1997 et 1998 ; M. X a introduit une instance en désignation d’expert devant le tribunal administratif de Melun qui, par ordonnance du 23 février 1999, a désigné M. Y aux fins notamment de déterminer les causes du refoulement des eaux à l’origine des inondations de la chaufferie ,et de préciser l’importance des préjudices subis du fait de ces inondations depuis le 23 août 1995 ainsi que le coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres . Le rapport d’expertise a été enregistré le 29 novembre 2001 au greffe du tribunal administratif de Melun .L’expert concluait que les refoulements dans le sous-sol de la propriété trouvaient leur origine dans l’effondrement d’une canalisation d’évacuation des eaux située sous le domaine public ce qui mettait la canalisation en charge lors de fortes pluies. Il préconisait l’abandon de la canalisation litigieuse et l’exécution d’un nouveau raccordement sur le nouveau réseau d’évacuation de la commune situé sur le côté opposé de la rue principale. Il chiffrait le montant total du sinistre à la somme de 65 621,80 francs TTC. M. X a alors introduit, le 27 avril 2002, une requête devant le tribunal administratif de Melun tendant à la condamnation de la commune de CHAUMES- EN- BRIE à lui verser la somme de 65 621,81 F TTC ou 10 018,55 € au titre de son préjudice matériel et 5 000 € au titre du trouble de jouissance à raison du défaut d’entretien du réseau ayant causé le préjudice par la commune. M. X étant décédé en cours d’instance , celle-ci a été reprise par son épouse et par ses enfants. Par le jugement attaqué du 27 mai 2004, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête au motif que la canalisation responsable du refoulement des eaux dans le sous-sol de la ferme du Forest avait pour seule fonction l’évacuation des eaux de pluie collectées sur le terrain de M. X et ne constituait pas un ouvrage public dont le fonctionnement serait susceptible d’engager la responsabilité de la commune alors qu’il n’était pas établi que cette canalisation soit la propriété de la commune.
À l’appui de leur requête d’appel, les consorts X font valoir que la canalisation responsable de l’inondation est située sous le domaine public et appartient donc au domaine public ; qu’elle paraît avoir été abandonnée lorsqu’ une canalisation d’eaux pluviales a été construite sous le trottoir opposé ;que la commune s’est abstenue de produire un document précis sur la propriété de cette canalisation malgré la demande faite par l’expert; qu’ainsi, une forte présomption sur la propriété de cette canalisation pesant sur la commune, canalisation au surplus incluse dans le domaine public, celle-ci doit être déclarée responsable de l’ouvrage et, par suite, du sinistre que cet ouvrage a causé.
Il résulte en effet du rapport d’expertise que la canalisation d’évacuation des eaux pluviales située sous le trottoir au long du bâtiment de la ferme de Forest s’est effondrée, ce qui a entraîné lors de fortes pluies, par un phénomène de refoulement, les débordements constatés dans le sous-sol de la propriété de M. X . L’expert indique que cette canalisation en grès, de diamètre de 250 mm, semble ne reprendre que les eaux de la propriété de M. X à partir du regard P2 situé à proximité de l’entrée de la ferme. Il indique qu’une nouvelle canalisation d’évacuation des eaux pluviales a été mise en place à une date non précisée par la commune, avec passage sur le trottoir d’ en face et qu’à cette date, la canalisation litigieuse a probablement été abandonnée. Par ailleurs, l’expert note que la commune ne possède pas, selon ses dires, les plans du réseau d’assainissement . L’expert constate également que, pour mettre fin aux désordres, une nouvelle canalisation d’évacuation des eaux pluviales a été créée, canalisation qui traverse la chaussée pour rejoindre la canalisation située sous le trottoir d’en face afin de permettre la reprise des eaux pluviales devant l’entrée de la ferme par la création d’un nouveau regard .
I. La question qui vous est posée est donc de savoir si la canalisation litigieuse avait le caractère d’un ouvrage public dont le fonctionnement, qui de façon incontestée est à l’origine du dommage, est de nature à entraîner la responsabilité de la commune.
Vous savez qu’ à l’égard des tiers, la responsabilité sans faute de la collectivité est engagée du fait des dommages résultant de l’existence ou du fonctionnement d’un ouvrage public tandis qu’à l’égard des usagers c’est le défaut d’entretien normal de l’ouvrage qui engage cette responsabilité . S’agissant d’un ouvrage public ,c’est la personne publique qui a la charge de l’entretien de l’ouvrage qui est responsable des dommages imputables à cet ouvrage c’est à dire généralement la collectivité propriétaire. Ainsi les dommages résultant de l’insuffisance de l’ entretien de la voirie communale entraînent la responsabilité de la commune. Cependant, lorsqu’il existe un contrat d’affermage , c’est la responsabilité de la société fermière qui seule peut être engagée. Ainsi la cour d’appel de Douai dans un arrêt du 14 novembre 2000 commune de Bapaume a jugé, appliquant ainsi la jurisprudence du conseil d’Etat issue de l’ arrêt du 30 mars 1979 n° 02559 que seule doit être recherchée et engagée à l’égard d’une société victime d’un dommage dû à la détérioration d’une canalisation d’évacuation des eaux traversant sa propriété, ouvrage public à l’égard duquel elle a la qualité de tiers, la responsabilité de la Compagnie Générale des Eaux en qualité de société fermière du réseau d’assainissement d’une commune et la commune doit garantir la compagnie des condamnations prononcées contre elle eu égard aux modalités de répartition des charges de réparation fixées par le contrat d’affermage. En l’espèce, l’existence d’un contrat d’affermage n’est pas établie .
Mais , la commune étant seule en cause, la question qui se pose en amont est de savoir si vous êtes en présence d’un ouvrage public puisque c’est la négation de cette qualité qui a conduit le tribunal administratif de Melun à rejeter la requête des consorts X au motif que la canalisation avait pour seule fonction l’évacuation des eaux de pluie collectées sur le terrain de M. X.
Vous observerez tout d’abord qu’en effet, un dispositif privé d’évacuation des eaux n’est pas susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité responsable de l’évacuation des eaux usées à raison des dommages causés à un particulier: voyez en ce sens la décision du conseil d’État du 12 juin 1989 numéro 71 662 . Cependant la commune n’apporte pas la preuve que la canalisation dont l’effondrement a causé l’inondation de la ferme du Forest ait constitué un système privé d’évacuation destiné à recueillir les eaux de la ferme du Forest alors que la canalisation en cause est située sous la voie publique. La commune soutient, en effet, en défense qu’elle n’a pu adresser qu’après dépôt du rapport d’expertise des plans anciens de la ferme du Forest révélant qu’antérieurement existait un système privé pour recueillir les eaux qui semble être positionné à l’ exact endroit de la canalisation contestée. Toutefois la commune, qui n’exprime d’ailleurs elle-même aucune certitude, est incapable de fournir les plans des réseaux d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées de la commune. Dans un dernier mémoire , enregistré le 13 octobre 2006, les consorts C X ont fourni une lettre d’un géomètre- expert qui, selon eux, établirait que la canalisation en question avait été intégrée au réseau général communal d’évacuation des eaux pluviales. Mais si l’expert indique que « quand le réseau général communal d’évacuation des eaux de pluie a été mis en place, il semble que le réseau existant entre les regards P1 et P2 ait été réutilisé et conservé en l’état, ce qui expliquerait sa vétusté et son effondrement », il ne fournit aucun élément à l’appui de cette allégation. Cette lettre semble au contraire renforcer la thèse selon laquelle l’ancienne canalisation constituait à l’origine un réseau d’évacuation privée puisque le géomètre – expert constate qu’elle reliait la ferme du Forest (abreuvoir et autre bâtiments) au fossé communal; mais le géomètre – expert note que l’absence d’indications précises et notamment altimétriques ne permet pas d’être certain que l’ancienne canalisation entre les points P1 et P2 correspond bien à celle indiquée sur l’ancien plan ; ainsi vous ne pouvez tirer de ce document aucune conclusion dans un sens ou dans un autre. Dans ces conditions, la canalisation étant située sous la voirie , vous écarterez le moyen tiré de l’existence d’un système privé d’évacuation des eaux pluviales .
Ensuite, vous constaterez que la canalisation dont il s’agit présente tous les caractères d’un ouvrage public puisqu’il s’agit d’un ouvrage aménagé par l’intervention humaine, d’un ouvrage immobilier en ce qu’il est fixé dans le sous-sol de la voirie, et enfin d’un ouvrage affecté à un intérêt général. Sur ces critères, voyez les conclusions de M. PIVETEAU sous l’arrêt numéro 237 597 du conseil d’État du 2 février 2004 communauté de communes de VERE- GRESIGNE rappelant que, selon une jurisprudence ancienne, les raccordements particuliers à des réseaux d’eau ,de gaz ou d’ électricité sont qualifiés d’ouvrage public (CE 22 janvier 1960 GLADIEU , Rec. P. 52) et vous savez que la jurisprudence , qui avait limité à l’origine le caractère d’ouvrage public à la partie du branchement particulier située sous la voie publique, a étendu la notion d’ouvrage public à la partie du branchement particulier au réseau d’alimentation en eau établie à l’intérieur de l’immeuble privé jusqu’au compteur. Voyez en ce sens l’arrêt du conseil d’État du 11 décembre 1987 numéro 81 912 compagnie Générale des Eaux. .Or, la collecte des eaux de pluie répond à un intérêt général et par suite, en l’espèce, alors même que les eaux de pluie collectées sont seulement celles de la propriété de la ferme du Forest , la canalisation litigieuse a bien le caractère d’un ouvrage public. Dès lors, la responsabilité de la commune de CHAUMES- EN- BRIE est susceptible d’être engagée en sa qualité de gardienne de l’ouvrage public que constitue la canalisation d’évacuation des eaux pluviales en litige.
Le dysfonctionnement de l’ouvrage causé par l’effondrement de la canalisation longeant le bâtiment de la ferme du Forest qui a entraîné un reflux des eaux de pluie dans le sous-sol de ce bâtiment est à l’origine du sinistre dont ont été victimes les consorts X. Le lien de causalité étant établi , ce dysfonctionnement est de nature à entraîner la responsabilité de la commune de CHAUMES- EN -BRIE à l’égard des consorts X qui ont la qualité de tiers par rapport à l’ouvrage. En ce sens, voyez par exemple un arrêt de la cour d’appel de Douai numéro 03 – 1155/1170 du 15 juin 2004 et l’arrêt du CE numéro 179 667 du 9 février 2000 commune de Fresnes. En tout état de cause, la commune ne conteste pas qu’elle avait abandonné l’entretien de cette canalisation du fait de la création d’une autre canalisation en face de la propriété, et les difficultés rencontrées pour l’usage d’une caméra vidéo lors de la recherche des causes du dommage témoignent d’ailleurs de l’absence d’entretien de l’ouvrage.
Dans ces conditions, nous vous proposons d’annuler le jugement de tribunal administratif de Melun en ce qu’il a écarté , à tort, la responsabilité de la commune de CHAUMES- EN – BRIE, et de procéder à l’évaluation du préjudice des consorts X.
II. Le préjudice a été évalué à un montant de 65 621,81 F TTC par l’expert ;cette évaluation correspond au remplacement du brûleur de la chaudière pour 968,54 F, à la mise en place d’un clapet anti-retour pour 1326,60 F, à l’ouverture de la chaussée sur une longueur d’environ deux mètres par France Télécom à proximité des bâtiments de M. X pour un montant de 4078 F dans le cadre de la recherche d’une responsabilité éventuelle de cette collectivité, à la confection d’un regard P1 bis qui a permis l’inspection télévisée de la canalisation, laquelle n’était pas possible à partir du regard existant, pour un montant de 12 663 F, à la préparation des travaux d’inspection télévisée, le suivi des travaux et la participation aux opérations de curage et d’inspection télévisée par le cabinet Pergolèse pour un montant de 13 060,32 F, à l’inspection télévisée pour un montant de 10 166 F et aux travaux de raccordement du regard P 2 situé devant la ferme à la canalisation située de l’autre côté de la rue pour un montant de 23 359,35 F.
Les appelants n’ont pas fixé en appel le montant des préjudices mais ont simplement repris les conclusions de l’expertise chiffrant le sinistre à la somme de 10 018,57 €. En première instance, les consorts X demandaient d’une part la réparation de leur préjudice matériel pour la somme fixée par l’expert à 65 621,80 F soit 10 003,98 euros et d’autre part une somme de 5 000 € au titre de leurs troubles de jouissance. La Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Picardie Ile- de- France était intervenue en première instance pour demander à être subrogée dans les droits de M. X .
Elle a justifié, si vous écartez les devis qui ne peuvent tenir lieu de justifications et les factures non nominatives, avoir pris en charge, au titre des travaux liés aux inondations, des dépenses d’un montant total de 10 387,85 € correspondant aux travaux de curage à hauteur de 546,99 €, aux travaux d’assainissement à hauteur de 1930,46 € pour le raccordement des canalisations et 2637,77 € pour la création d’ un regard , à une inspection vidéo du réseau pour 911,65 € et enfin aux prestations de la société Pergolèse pour 4361,08 € (maîtrise d’oeuvre, suivi des dossiers et travaux, curage avant inspection vidéo).Par ailleurs ,les consorts X n’établissent pas avoir versé une somme supérieure au coût de remplacement du brûleur de la chaudière endommagée pour un montant de 147,65 € et au coût de création d’un clapet anti-retour pour un montant de 202,24 € soit un total de 349,89 €. Il résulte de l’instruction que la somme de 621,69 € réclamée au titre des prestations effectuées par France Télécom est restée à la charge de cette dernière. En ce qui concerne l’indemnité demandée au titre des troubles de jouissance , vous pourrez la fixer à la somme de 1000 € dès lors que les intéressés n’apportent pas de justifications précises de ces troubles .
Dans ces conditions ,vous pourrez condamner la commune de CHAUMES -EN – BRIE à verser à la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Picardie Île de France, subrogée dans les droits des consorts X, la somme de 10 387,85 € et à verser aux consorts X la somme de 1349,89 €. Il y aura lieu de mettre les frais de l’expertise ,liquidés et taxés à la somme de 5769,62 €, à la charge de la commune de CHAUMES- EN- BRIE. Enfin vous pourrez condamner la commune à verser aux consorts X la somme de 2000 € au titre des frais exposés en première instance et en appel, en application de l’article 761 – 1 du code de justice administrative. En revanche, la commune de CHAUMES- EN -BRIE , partie perdante, ne pourra prétendre à l’application de l’article L. 761 – 1 du code de justice administrative en sa faveur.

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