CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA05049

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Lyon, 27 octobre 1992, Anfosso et Secconi, req. n° 90LY00472
CAAP 10 juin 2010, Caisse des écoles de Choisy le Roi, n° 08PA03350 et 08PA03093
CAAP 21 novembre 2006, Société Auxifip, n° 03PA04448
CAAP 29 juillet 2011, Société Auxifip, n° 09PA03300
CAA Paris, 22 mars 2001, Me A c/ UGAP, req. n° 99PA00227
CAAP Plén., 27 mars 2012, OPAC du Rhône, n° 09PA05349
CE 10 avril 2008, Sté J-C Decaux, req n° 244950
CE 14 décembre 1923, Grands Moulins de Corbeil Rec. 852
CE 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req n° 270.772
CE 2 mars 2007, BFCOI, n° 283257

Sur les parties

Texte intégral

11PA05049
POLYNESIE FRANCAISE c/ société Prince Hinoi Center
Séance du 6 janvier 2014
Lecture du 20 janvier 2014
CONCLUSIONS de M. DEWAILLY, rapporteur public
Faits :
Le 14 juin 2010, le service des affaires administratives de la Polynésie française (SAA) découvrait que Mme X, employée en qualité de secrétaire de direction, avait émis 33 bons de commandes frauduleux destinés à l’acquisition de 88 ordinateurs portables, ainsi que divers matériels informatiques, électroniques et des objets de décoration, auprès de trois sociétés, dont la société Prince Hinoi Center.
Le montant total des commandes frauduleuses s’élevant à la somme de 16.328.674 XPF, soit 136 834,37 euros.
Les factures en cause n’ayant jamais été honorée, puisque les commandes constituaient des faux, les trois sociétés créancières ont engagé, le 30 juin 2010, une procédure de référé provision tendant à l’indemnisation du préjudice subi à raison des factures non payées par la Polynésie française.
Le tribunal a fait partiellement droit à la demande de la société Prince Hinoi Center, en insistant toutefois sur le fait que cette dernière ne pouvait pas sérieusement penser que les commandes intéressaient l’activité du territoire de la Polynésie française. Le juge des référés a, par une ordonnance du 28 juillet 2010, condamné la Polynésie à verser à la société une provision de 4.067.358 XPF.
Le 24 septembre 2010, la société Prince Hinoi Center demandait à la Polynésie française le règlement du solde des factures, demande qui fut implicitement rejetée.
La société saisit alors le TAPF d’une requête tendant à la condamnation de la PF à lui payer l’intégralité des factures non honorées. Par un jugement du 13 septembre 2011, le tribunal a fait droit à cette requête.
La Polynésie française interjette appel de ce jugement, nous demandant de l’annuler et de rejeter la requête.
La société Prince Hinoi Center conclut au rejet de la requête.
Discussion :
1 – La société soulève une fin de non recevoir :
Elle estime que la requête signée de « Robin C » l’a été à tort puisque son avocat désigné était « B C ». Vous noterez à cet égard, qu’elle l’a été pour ordre et non en son nom propre.
Par ailleurs, une telle restriction ne nous semble pas pouvoir prospérer. En effet, aux termes de l’article R. 811-7 du code de justice administrative : « Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d’appel doivent être présentés, à peine d’irrecevabilité, par l’un des mandataires mentionnés à l’article R. 431-2 (…) ». Robin C entre bien dans la catégorie des mandataires puisqu’il est à la fois avocat et salarié du cabinet « Jurispol ». Dans ces conditions, la fin de non recevoir nous semble quelque peu dérisoire.
Certes, l’arrêté n° 2689 PR du 26 septembre 2011, désignait Me B C en qualité d’avocat pour interjeter appel du jugement attaqué, toutefois, cela n’exclut pas qu’un avocat du cabinet signe pour ordre les requêtes et mémoires. Le mandat n’étant pas impératif.
Cette fin de non recevoir pourra être écartée.
2 – Sur le fond :
A – La PF soutient que le jugement en cause a retenu sa responsabilité extracontractuelle, alors que la société, invoquait seulement la responsabilité contractuelle, ce que les premiers juges ne pouvaient faire sans entacher leur jugement d’ultra petita.
Toutefois, les écritures de la société invoquaient aussi la faute de la PF. Dans ces conditions, même si les termes de responsabilité extra contractuelle n’y figuraient pas (d’ailleurs pas plus que ceux de responsabilité contractuelle), vous ne pourrez suivre la PF dans cette argumentation.
Ce moyen sera écarté.
B – La Polynésie française soutient que les bons de commande, dans leur contexte d’émission, ne peuvent créer de droits au profit de la société et au détriment de la collectivité publique et constituent des actes inexistants :
Dans deux affaire jugées en 2010 (CAAP 21 novembre 2006, Société Auxifip, n° 03PA04448 ; CAAP 10 juin 2010, Caisse des écoles de Choisy le Roi, n° 08PA03350 et 08PA03093), vous avez été amenés à vous prononcer sur cette question d’agents publics indélicats qui usaient, pour leur profit personnel, de bons de commande auprès de fournisseurs extérieurs. A cette différence près que les achats concernaient du matériel potentiellement utile à l’administration : des photocopieurs, dans le premier cas, du matériel informatique, dans le second.
La société intimée souligne que ces bons de commande avaient « toutes les apparences de la régularité », Mme X ayant la qualité de correspondante suppléante du contrôle des dépenses engagées.
Toutefois, il résulte des arrêtés n° 209 CM du 29 janvier 2004 et n°2604 PR du 3 décembre 2009 que seuls le chef du SAA et, en cas d’empêchement, son suppléant M. Y, pouvaient engager et liquider les dépenses du service.
Par ailleurs, la nature de certaines commandes, assurément pour une partie, sans lien avec l’activité de l’administration, aurait du attirer l’attention des entreprises. Ce ne fut visiblement pas le cas.
Vous pourrez donc, comme vous l’avez fait dans les deux affaires précitées, considérer que ces commandes étaient des actes inexistants.
C – Pour autant, cette circonstance est-elle de nature à faire obstacle à la demande indemnitaire de la société ?
Si vous considérez, comme cela a été proposé, de dire que les bons de commandes sont inexistants, cela signifie que vous devrez procéder à une analyse du droit à indemnité en réparation d’un préjudice et non sur la base de factures non honorées.
D – La PF soutient alors que vous ne seriez pas le juge compétent, car l’infraction pénale constituée est une faute personnelle de l’agent, dépourvue de tout lien avec le service qui relève de la compétence du juge judiciaire.
En effet, la frontière entre les deux ordres de juridiction est tracée avec cette notion de lien : dépourvue de tout lien, entraîne la compétence judiciaire ; non dépourvue de tout lien, entraîne la compétence administrative. M. Z, expliquait ainsi : « (…) Contrairement à la présentation qui est parfois faite de cette jurisprudence, la circonstance que la faute personnelle de l’agent soit d’une gravité particulière ou révèle un comportement inexcusable au regard des impératifs de la déontologie de la fonction publique ne fait pas obstacle à ce que la victime obtienne réparation auprès de la collectivité lorsque la faute n’est pas dépourvue de tout lien avec le service. (…) » (CE 2 mars 2007, BFCOI, n° 283257).
Le caractère intentionnel de la faute ne peut donc constituer un obstacle à ce lien.
De surcroît et d’ores-et-déjà un constat s’impose en l’espèce. Cette faute a été rendue possible par les moyens mis à disposition de l’agent par son administration et à raison des fonctions qu’elle occupait. La faute ne serait finalement pas dépourvue de tout lien avec le service, comme vous l’avez d’ailleurs déjà reconnu dans les affaires précitées Caisse des écoles de Choisy-le-Roi et Société Auxifip.
Dès lors, si la faute commise par Mme X, était une faute personnelle détachable du service, elle n’était pas pour autant, dépourvue de tout lien avec celui-ci, puisque c’est par l’intermédiaire des moyens mis à sa disposition que cette dernière a pu mener à bien ses malversations.
Le moyen pourra donc être écarté.
E – La Polynésie française soutient aussi que l’acceptation systématique de commandes manifestement frauduleuses, témoigne de ce que la société n’a pas accompli les diligences normales d’un vendeur informatique, constitue une faute de nature à exonérer, ou du moins à atténuer, sa responsabilité.
De manière générale vous admettez cet argument lorsque l’administration a en face d’elle un professionnel de la commande publique, parfois qualifié de « professionnel averti » (voir CE 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req n° 270.772 ; CE 10 avril 2008, Sté J-C Decaux, req n° 244950 ; CAA Lyon, 27 octobre 1992, Anfosso et Secconi, req. n° 90LY00472).
Notre Cour a d’ailleurs rappelé qu’une entreprise ne pouvait pas se prévaloir d’un marché obtenu par fraude et ce, alors même qu’elle n’aurait pas été à l’origine de la fraude, mais se serait contentée de participer à celle dont le service acheteur aurait pris l’initiative (CAA Paris, 22 mars 2001, Me A c/ UGAP, req. n° 99PA00227 ; CE 14 décembre 1923, Grands Moulins de Corbeil Rec. 852).
La Polynésie souligne que le caractère répétitif -environ un bon de commandes émis tous les deux jours, concernant à chaque fois un seul ordinateur, déplacement personnel avec son propre véhicule de Mme X pour le récupérer- ne correspond pas à celui des différents services de l’administration de la Polynésie et qu’en outre, la société ne pouvait ignorer que l’importance des sommes en cause, aurait nécessité la passation d’un marché public. Enfin, des factures non acquittées au-delà des 90 jours…
En outre, certains objets, étaient manifestement sans rapport avec l’activité administrative : papier cadeaux, cadre-photo en forme de cœur, entre autres.
Dans ces circonstances, nous vous proposons de dire que cette faute est de nature à atténuer la responsabilité de l’administration à concurrence d’un quart (pour une responsabilité à hauteur de 20 % de l’entreprise : CAAP 29 juillet 2011, Société Auxifip, n° 09PA03300 ; pour une exonération à hauteur de 40%, CAAP Plén., 27 mars 2012, OPAC du Rhône, n° 09PA05349).
Dans ces conditions, la société Prince Hinoi Center est seulement fondée à réclamer la somme de 6 522 888 XP, soit 54 661,84 euros.
Dans ces conditions, vous pourrez annuler le jugement en tant qu’il a accordé une indemnité supérieure à celle proposée.
3 – Dans les circonstances de l’espèce, vous pourrez rejeter les conclusions présentées par les parties au titre des frais irrépétibles.
Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement du TAPF du 13 septembre 2011 en tant qu’il a accordé à la société Prince Hinoi Center, une somme supérieure à 6.522.888 XPF et au rejet du surplus des conclusions des parties.
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