Cour Administrative d'Appel de Versailles, 1ère Chambre, 19 février 2013, 10VE03058, Inédit au recueil Lebon

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Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 25 juin 2015

La lettre EFI du 22 juin 2015 Pour recevoir la lettre inscrivez-vous en haut à droite Nous diffusons cet arrêt didactique et de principe qui est d'une utilisation pratique compte tenu de la volatilité des marchés financiers la SA Banque BIA détenait des titres de restructuration de dette émis par l'Argentine et le Brésil, vingt-cinq coupures d'un bon à moyen terme négociable (BMTN) et vingt-cinq coupures d'un “ Euro Medium Term Note “ (EMTN) ainsi que des créances qu'elle détenait sur la banque russe IBEC par l'intermédiaire d'un pool bancaire ; L'administration a remis en cause les …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 1re ch., 19 févr. 2013, n° 10VE03058
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 10VE03058
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 12 juillet 2010, N° 0606997
Identifiant Légifrance : CETATEXT000027287766

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 14 septembre et 17 novembre 2010 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentés pour la SA BANQUE BIA, ayant son siège au 67 avenue Franklin Roosevelt à Paris (75008), par Me Moreau, avocat à la Cour ; la SA BANQUE BIA demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0606997 en date du 13 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2000 et 2001, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat, outre les dépens, une somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, d’une part, que l’enregistrement des titres Brady détenus sur l’Argentine et le Brésil et dénommés « Par Bonds » et « Discount Bonds » comme titres d’investissement, lesquels ne peuvent faire l’objet d’une provision pour dépréciation, résulte d’une erreur involontaire dont elle est fondée à demander la correction ; que cette erreur de classement a notamment été mise en évidence par un rapport d’inspection de la commission bancaire qui a relevé qu’il n’existait au sein de la banque, qui par ailleurs ne disposait d’aucune autre garantie de financement, aucun écrit justifiant de ressources globalement adossées et affectées au financement des titres en cause ; que, d’autre part, en vertu des dispositions de l’article 38 septies de l’annexe III au code général des impôts, elle devait nécessairement procéder à une dotation aux provisions pour dépréciation égale à la différence entre la valeur comptable des titres Brady et leur valeur de marché telle que ressortant des états dressés par le CEDEL, organe de compensation luxembourgeois où ils sont déposés ; qu’à titre subsidiaire, si les titres devaient être regardés comme des titres d’investissement, la constatation d’une provision pour risque de non-paiement en cas de défaillance de l’émetteur des titres serait justifiée eu égard à la crise économique et budgétaire ayant frappé ces deux pays ; qu’en deuxième lieu, le bon à moyen terme négociable (BMTN) et l’Euro medium Term Note (EMTN) dont elle a souscrit des coupures auprès respectivement de la Société Générale et de la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne et de Prévoyance constituent des valeurs mobilières qui doivent faire l’objet d’une provision correspondant à la dépréciation réelle de ces titres conformément à l’article 38 septies de l’annexe II au code général des impôts et à la doctrine administrative 4-B-3112 du 7 juin 1999 sans que ces textes ne requièrent l’existence d’un évènement dont la réalisation serait susceptible de rendre probable une vente aux conditions du marché ; qu’ainsi, en l’espèce, elle justifie de la provision litigieuse au motif que, pour l’exercice en cause, les éléments communiqués par les émetteurs des bons font apparaître qu’en raison d’une fluctuation de leur valeur de marché, leur remboursement aurait conduit à une perte ; qu’en troisième lieu, les provisions pour risques-pays ont été constituées conformément aux dispositions de l’article 39 du code général des impôts et des articles 53 A de ce code et 38 quater de son annexe III qui renvoient aux normes comptables, en l’occurrence celles édictées par le comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF), pour autant qu’elles ne soient pas incompatibles avec les règles fiscales ; qu’ainsi, elle a respecté les recommandations du CRBF au regard de la situation de risque inhérente à chaque pays concerné ; qu’en outre, elle démontre, débiteur par débiteur, les risques d’irrecouvrabilité de chacune de ses créances prise isolément ; qu’en quatrième lieu, la distribution d’actions préférentielles de sa filiale mexicaine par la société panaméenne Inversiones Hoteleras Los Cabos ne peut être regardée comme un profit taxable sur le fondement de l’article 38-2 du code général des impôts dès lors, ainsi qu’il ressort d’un rapport d’audit établi par le cabinet Ernst et Young, que la filiale mexicaine n’a jamais été bénéficiaire et faute de trésorerie ne pouvait procéder à aucune distribution de dividendes ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 février 2013 :

— le rapport de M. Huon, premier conseiller,

 – les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

 – et les observations de Me Moreau, pour la SA BANQUE BIA et de M. Hellal, représentant le ministre de l’économie et des finances ;

1. Considérant qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité des exercices 2000 et 2001 de la SA BANQUE BIA, qui exerce une activité bancaire, et aux termes d’une proposition de rectification en date du 14 décembre 3003, le service vérificateur a notamment estimé que la société, d’une part, avait constitué des provisions ne remplissant pas les conditions légales de déductibilité et, d’autre part, avait omis de rattacher des produits à ses résultats ; que la SA BANQUE BIA relève appel du jugement du 13 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2000 et 2001, ainsi que des pénalités y afférentes qui lui ont été assignées par voie de conséquence ;

Sur les provisions :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice… » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ;

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation des titres « Par Bonds » et « Discount Bond » ;

3. Considérant que la SA BANQUE BIA détenait en portefeuille des titres de restructuration de dette de type « Brady » émis par l’Argentine et le Brésil, respectivement sous les dénominations de « Par bonds » et de « Discount bonds » pour lesquelles elle a constitué des provisions d’un montant de 1 657 174 euros et 1 113 129 euros respectivement au titre de ses exercices 2000 et 2001 à raison de la différence entre la valeur comptable des titres en cause et leur valeur de marché ;

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 38 bis B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l’espèce, « I. Lorsque des établissements de crédit (…) achètent ou souscrivent des titres à revenu fixe pour un prix différent de leur prix de remboursement, le profit ou la perte correspondant à cette différence est réparti sur la durée restant à courir jusqu’au remboursement… II. L’application du régime défini au I aux titres qui n’ont pas été inscrits dans un compte où sont regroupés les titres acquis dans l’intention de les conserver jusqu’à leur échéance est subordonnée à une option globale et irrévocable de l’entreprise (…) III. Les titres qui ont été inscrits dans le compte visé au II ne peuvent faire l’objet de provisions pour dépréciation (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que, si les titres d’investissement détenus par les établissements bancaires, définis comme les titres inscrits sur un compte de titres d’investissement ne peuvent faire l’objet de provisions pour dépréciation ;

5. Considérant que s’il est constant que les titres litigieux étaient inscrits comme titres d’investissement, la SA BANQUE BIA soutient que cet enregistrement procède d’une simple erreur comptable dont elle est fondée à demander la correction ; que, toutefois, et eu égard à son objet social, la société requérante ne saurait sérieusement prétendre qu’elle aurait fortuitement confondu « titres d’investissement et » titres de placement « alors qu’il ressort clairement des articles 5 et 7 du règlement n° 90-01 du 23 février 1990 du comité de la réglementation bancaire que » sont considérés comme des titres d’investissement les titres à revenu fixe (…) qui ont été acquis avec l’intention de les détenir de façon durable, en principe jusqu’à l’échéance « et que » sont considérés comme des titres de placement les titres acquis avec l’intention de les détenir durant une période supérieure à six mois » ; qu’à cet égard, si la requérante invoque un rapport d’inspection de la Commission bancaire du 25 avril 2002, au demeurant postérieur aux exercices en litige, qui précise, en particulier que, contrairement aux préconisations du règlement susmentionné, il n’existe aucun écrit au sein de la banque justifiant de l’obtention de ressources globalement adossées et affectées au financement des titres, elle ne saurait utilement tirer argument d’un manquement – qui, du reste, lui est seul imputable – à une recommandation comptable, pour justifier a posteriori une prétendue méprise de sa part sur la nature de cette opération sur titre ; qu’au demeurant, la SA BANQUE BIA n’allègue pas qu’à la clôture des exercices 2000 et 2001, elle ignorait les conditions fixées par la réglementation pour inscrire les valeurs en cause dans la catégorie des titres d’investissement et les conséquences, notamment fiscales, découlant d’une telle inscription ; que, dans ces conditions, en procédant à cette inscription, la société doit être regardée, non comme ayant commis, à son détriment, une erreur comptable mais comme ayant pris une décision de gestion que l’administration est en droit de lui opposer ; que, par suite, c’est à juste titre que, par application des dispositions précitées de l’article 38 bis B du code général des impôts, le service a refusé d’admettre en déduction les provisions pour dépréciation en cause ;

6. Considérant, en second lieu, que la SA BANQUE BIA soutient, à titre subsidiaire, que si les titres « Par bonds » et de « Discount bonds » devaient être analysés comme des titres d’investissement, la constatation d’une provision pour risque de défaillance de l’émetteur serait justifiée ; que, toutefois, les prétentions de la requérante tendent ainsi à modifier l’objet de la provision qu’elle avait constituée et ne peuvent qu’être rejetées, dès lors qu’elles conduisent à substituer, postérieurement à l’expiration du délai de déclaration, une provision nouvelle à celle qui a été initialement déclarée dans les formes prescrites au 5° du 1. de l’article 39 du code général des impôts ;

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation de titres de créances négociables :

7. Considérant que, le 2 mars 2001, la SA BANQUE BIA a souscrit auprès de la Société Générale vingt-cinq coupures d’un bon à moyen terme négociable (BMTN), et acquis vingt-cinq coupures d’un « Euro Medium Term Note » (EMTN) émis par la Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance, pour un montant total de 50 000 000 euros ; qu’à la clôture de l’exercice, elle a constaté une provision pour dépréciation des titres, évaluée à partir du prix de marché communiqué par l’un des émetteurs, la Société Générale ;

8. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 38 septies de l’annexe III au code général des impôts : " Les valeurs mobilières constituant des titres de placement sont inscrites au bilan pour leur valeur d’origine. / A la fin de chaque exercice, il est procédé à une estimation de ces titres. / Les titres cotés sont évalués au cours moyen du dernier mois de l’exercice. Les titres non cotés sont évalués à leur valeur probable de négociation. / Les titres cotés s’entendent des valeurs inscrites à la cote officielle d’une bourse de valeurs ou qui figurent à la cote du second marché d’une bourse de valeurs françaises. / Les plus-values ou moins-values résultant de cette estimation sont appréciées, pour chaque catégorie de titres de même nature, par rapport à la valeur d’origine globale de l’ensemble de ces titres. / Les plus-values ne sont pas comptabilisées; par contre, les moins-values sont inscrites au compte de provisions. / Toutefois, en cas de baisse anormale de certains titres cotés apparaissant comme momentanée, l’entreprise a, sous sa responsabilité, la faculté de ne pas comprendre dans la provision tout ou partie de la moins-value constatée sur ces titres, mais seulement dans la mesure où il peut être établi une compensation avec les plus-values normales constatées sur d’autres titres » ;

9. Considérant que les titres de créance négociables constituent des disponibilités et non des valeurs mobilières au sens des dispositions précitées de l’article 38 septies de l’annexe III au code général des impôts et ne peuvent donc pas faire l’objet d’une provision pour dépréciation à la clôture de l’exercice, en fonction de leur valeur probable de négociation ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et, par suite, de la doctrine 4 B-3112 du 7 juin 1999 qui les commente, est inopérant ; que, toutefois, et si toutes les autres conditions prévues au 5° du 1. de l’article 39 du code général des impôts les entreprises peuvent constituer une provision en franchise d’impôt si ces titres présentent un risque réel de non remboursement à la clôture de l’exercice ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que le contrat d’émission et de souscription de bons à moyen terme négociables stipule, en son article 5, que « Tant que le souscripteur restera porteur de BMTN (…) l’émetteur s’engage à communiquer au souscripteur la valeur de marché indicative des BMTN (…) et (…) le souscripteur pourra obtenir de l’émetteur que celui-ci lui rachète, totalement ou partiellement, les BMTN selon des modalités déterminées entre eux au moment de la transaction », qu’il résulte des stipulations de l’annexe I audit contrat, relative aux caractéristiques des bons souscrits, que la valeur de remboursement est égale au pair et que les bons rapporteront un intérêt annuel, payable en une seule fois et pour la première fois à la date du 2 mars 2002, intérêt fixé à partir d’une formule faisant notamment intervenir le cours d’un ensemble de quinze actions internationales, qualifié de « panier d’actions », sur leurs bourses de cotation respectives ; qu’il résulte également de cette même annexe, en son article 4, que « l’émetteur s’interdit de procéder, pendant toute la durée de l’emprunt, à l’amortissement anticipé des BMTN par remboursement sauf dans les cas expressément prévus dans le cadre des évènements décrits au paragraphe 3.2 » ; que ce même paragraphe 3.2, relatif aux évènements – dont certains sont qualifiés d'« exceptionnels » – affectant les actions du panier et aux obligations conventionnelles incombant à l’émetteur en cas d’occurrence de tels évènements, ne mentionne l’obligation de « payer la juste valeur de marché des BMTN déterminée (…) dans des conditions de marché à la date d’application » que dans les seules hypothèses suivantes : offre publique d’achat, offre publique d’échange, absorption ou fusion, scission, ou changement de compartiment de cotation ou de bourse de cotation, affectant l’une des actions du panier ; que, de plus, le paiement des bons n’est, dans chacune de ces hypothèses, qu’une des options dont dispose l’émetteur, les stipulations du même paragraphe 3.2 lui laissant, pour remplir ses obligations contractuelles, un choix discrétionnaire entre plusieurs démarches excluant le remboursement ; qu’il résulte de ces stipulations que les variations éventuelles des cotations boursières des actions du panier n’ont de conséquence directe que sur le montant des intérêts alloués à la SA BANQUE BIA et, d’autre part, que le remboursement anticipé des BMTN ne peut intervenir, exclusivement, qu’à la demande de la banque elle-même, et, dans ce cas, selon des modalités à déterminer contractuellement avec l’émetteur, ou en cas de réalisation d’évènements affectant au moins l’une des actions du panier et limitativement énumérés ; que la SA BANQUE BIA ne se prévaut d’aucun événement dont la réalisation serait susceptible de rendre une vente aux conditions du marché probable, et ne soutient, ni même n’allègue, ni qu’elle aurait, avant la clôture de l’exercice au cours duquel elle a constaté les provisions litigieuses, sollicité de la Société Générale le rachat total ou partiel des bons en cause, ni que serait intervenu, avant cette même date, l’un des évènements mentionnés plus haut ; que, de même, et alors que la note d’opération afférente aux EMTN, produite pour la première fois en appel, prévoit, en particulier, un montant intégral du montant du nominal, la requérante ne se prévaut, au titre des exercices en litige, d’aucun événement prévu par l’annexe B dudit document visant à un remboursement anticipé à la dernière échéance fixée au 2 mars 2011 ; que l’administration était ainsi fondée à rapporter la provision litigieuse aux résultats imposables de la SA BANQUE BIA ;

En ce qui concerne les provisions pour « risques-pays »

11. Considérant que la SA BANQUE BIA détient des créances sur des établissements de crédit ou des banques centrales situés notamment en Irak, à Madagascar, au Soudan, à Cuba et dans des Etats issus de l’ex-URSS et de l’ancienne République fédérale de Yougoslavie ; qu’au vu des recommandations du comité de la réglementation bancaire tenant compte de l’environnement politique et économique des pays concernés, la requérante a provisionné ces créances à un niveau proche ou égal à 100 % ; que l’administration a admis que soit appliqué le régime forfaitaire de provisionnement des risques-pays élaboré conjointement avec les établissements de crédit en 1998, et, faute d’éléments plus précis apportés par la requérante, a rejeté la déduction de la fraction de la provision excédant celle résultant des taux arrêtés dans le cadre dudit régime ;

12. Considérant qu’aux termes de l’article 38 quater de l’annexe III au code général des impôts : « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables à l’assiette de l’impôt » ;

13. Considérant, que si la SA BANQUE BIA soutient, au demeurant en termes généraux, que sa politique de provisionnement respecte les normes comptables et, notamment, l’instruction de la Commission bancaire n° 90-04 du 14 septembre 1990 relative au recensement des risques-pays portés par les établissements de crédit et les maisons de titres, il n’en demeure pas moins, ainsi qu’elle le reconnaît d’ailleurs elle-même in fine, qu’il lui appartient, au cas par cas, de justifier de l’existence et du degré du risque de non-recouvrement des créances provisionnées ; que, par ailleurs, la circonstance que le service ait admis dans les conditions sus-rappelées une partie des provisions en litige, ne fait naturellement pas obstacle à ce que la requérante établisse le bien-fondé des déductions initialement pratiquées ;

S’agissant de la créance détenue sur la RAFIDAIN BANK (Irak) :

14. Considérant que la SA BANQUE BIA fait valoir qu’elle ne dispose d’aucune latitude pour procéder personnellement au recouvrement de sa créance sur la RAFIDAIN BANK ($ 1.118.000 en principal, provisionné à 95 % et $ 958 000 en intérêts, provisionnés à 100 %) dès lors qu’elle détient cette créance via un pool bancaire ayant comme chef de file la British Arab Commercial Bank (BACB) dont les démarches se sont révélées infructueuses ; que, toutefois, les seuls documents émanant de la BACB, au demeurant produits en anglais, se bornent à évoquer une négociation entreprise en 1994 mais, en l’absence d’éléments plus précis, ne permettent pas de justifier le niveau des provisions constituées ; qu’en outre, si la requérante souligne que le « Club de Paris » dont fait partie la France a, le 31 octobre 2005, entériné un accord annulant 80 % de la dette irakienne, cette circonstance, postérieure aux exercices en litige, est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées ;

S’agissant de la créance détenue sur la Banque centrale de Madagscar :

15. Considérant que la SA BANQUE BIA, qui détient sur la Banque centrale de Madagascar une créance constituée uniquement d’intérêts impayées à hauteur de $ 6 085 672, soutient que, compte tenu de la position dominante de son créancier, elle ne peut procéder à des poursuites « sous peine d’annihiler toute relation commerciale avec Madagascar » ; que, cependant, cette allégation ne saurait à elle seule justifier de l’irrecouvrabilité totale des intérêts litigieux dès lors, notamment, qu’il est constant que le capital a été remboursé au travers d’opérations commerciales avec des exportateurs de café malgaches ;

S’agissant de la créance détenue sur la BANK OF SUDAN (Soudan) :

16. Considérant que la société requérante fait valoir que la créance qu’elle détient sur la BANK OF SOUDAN (1 032 000 CHF en capital et 988 888 CHF en intérêts) via sa participation dans un pool bancaire dont le chef de file est la Citybank n’a pu être recouvrée en dépit d’une convention de restructuration signée le 31 décembre 1981 ; que, toutefois, la SA BANQUE BIA, qui, outre des considérations générales sur la situation politique et économique du Soudan, se borne à faire état d’une seule demande antérieure à l’exercice de constitution de la provision correspondante à savoir un message adressé à la Citybank en 1995, ne se prévaut d’aucune information du chef de file permettant d’établir que le recouvrement de la créance serait irrémédiablement compromis, alors que, par ailleurs, la BANF OF SUDAN a, le 21 septembre 2001, expressément reconnu l’existence de sa dette ;

S’agissant de la créance détenue sur la banque IBEC (ex-URSS) :

17. Considérant que la SA BANQUE BIA détient une créance sur la banque IBEC ($ 3.000.000 en principal et $ 1.671.000 en intérêts), au travers d’une participation de 4% dans un pool dont le chef de file est la banque Lazard ; que, si la requérante soutient que plus aucun paiement n’est intervenu depuis octobre 1992, elle fait-elle-même valoir que les négociations engagées par le chef de file ont favorablement abouti en septembre 2001 à une restructuration de la dette ; que, dans ces conditions, la probabilité de la perte alléguée ne peut être regardée comme établie ;

S’agissant de la créance détenue sur la BANCO NACIONAL DE CUBA :

18. Considérant que l’appelante se réfère à l’échec des tentatives de conversion de la créance en cause en investissements et fait état de plusieurs démarches de recouvrement demeurées infructueuses et dont l’existence serait, en particulier, attestée par des courriers en date des 25 octobre 2004, 31 décembre 2007 et 12 décembre 2008 adressés, pour le premier, au directeur général des relations financières extérieures d’Algérie, et, pour les seconds, au gouverneur de la Banque centrale de Cuba ; que, toutefois, ces courriers, postérieurs aux années d’imposition en litige, demeurent évasifs sur les diligences effectuées par la requérante antérieurement à ces années et, pas plus que les autres documents à caractère général versés au dossier, ne sont de nature à justifier, s’agissant de la créance en cause, de la constitution d’une provision à un taux supérieur au taux de 50 % accepté par le service ;

S’agissant de la créance détenue sur la NARODNA BANKA JUGOSLAVIJE (ex-Yougoslavie) :

19. Considérant que la SA BANQUE BIA, qui détient une créance, représentative d’intérêts impayés, de $ 2.436.000 sur la NARODNA BANKA JUGOSLAVIJE se borne à se prévaloir de la situation désastreuse de l’économie yougoslave mais ne produit aucun élément précis et vérifiable quant à la situation particulière de son débiteur, ni aux démarches entreprises vis-à-vis de ce dernier antérieurement aux exercices en litige et dont l’échec justifierait, le cas échéant, le provisionnement total de la somme précitée ;

Sur les produits non comptabilisés :

20. Considérant qu’aux termes de l’article 38 du code général des impôts : « (…) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l’application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l’avance en paiement du prix sont rattachés à l’exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l’achèvement des prestations pour les fournitures de services / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : /a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l’exécution (…) » ;

21. Considérant que la SA BANQUE BIA détient 615 actions ordinaires sur les 10 000 qui constituent le capital social d’une société holding de droit panaméen dénommée Inversiones Hoteleras / Los Cabos, laquelle holding détient, comme unique actif, une participation à hauteur de 100 % dans une filiale mexicaine dénommée Aresol Cabos SA DE CV, qui exploite un hôtel de tourisme situé à Los Cabos ; qu’elle détient également 2 096 322 « actions préférentielles » (« preferred stocks »), dûment comptabilisées, issues de la conversion en investissement de créances détenues sur le Mexique ; que le pacte d’actionnaires a notamment prévu que les actions préférentielles ci-dessus soient remboursées au nominal au fur et à mesure de la distribution de dividendes par la société mexicaine et donnent droit à un intérêt annuel calculé au taux du LIBOR USD, payable jusqu’à la mise en exploitation de l’hôtel par l’émission d’actions préférentielles supplémentaires d’un montant égal aux intérêts ; que c’est dans ces conditions que, depuis le 22 mai 1990, la société Inversiones Hoteleras / Los Cabos a émis de nouvelles actions préférentielles, d’un montant nominal de 1$, au profit de la SA BANQUE BIA que cette dernière n’a pas comptabilisées au motif qu’elles lui avait été remises à titre gratuit ;

22. Considérant qu’il résulte de ces éléments que les actions préférentielles nouvelles sont émises en rémunération des actions préférentielles d’origine, indexée sur le taux LIBOR USD de sa filiale mexicaine ; que cette rémunération doit donc s’analyser comme des intérêts qui, auraient dû être rattachés aux produits de l’exercice au cours duquel ils ont couru ; que la situation déficitaire de la société Aresol Cabos SA DE CV au 31 décembre 2001 est sans incidence à cet égard dès lors que les créances nées au cours d’un exercice doivent, si, comme c’est le cas en l’espèce, elles sont certaines dans leur principe et dans leur montant, entrer en compte pour la détermination de l’actif afférent audit exercice alors même que, pour quelque motif que ce soit, elles n’auraient pas encore été recouvrées au moment de la clôture dudit exercice ; qu’au surplus, il n’est pas contesté que le bilan de la société panaméenne Inversiones Hoteleras / Los Cabos présentait à cette même date une situation nette positive de $ 42 398 147 ; que, par suite, c’est par une exacte application des dispositions précitées de l’article 38 du code général des impôts, que le service a réintégré à l’actif de la SA BANQUE BIA les actions, correspondant à des créances d’intérêt, qui lui ont été remises à titre gratuit dans le cadre de sa participation au capital de la société Inversiones Hoteleras / Los Cabos actions ;

23. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SA BANQUE BIA n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que par, suite, les conclusions présentées par la requérante au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être également rejetées ;


DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA BANQUE BIA est rejetée.

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N° 10VE03058 2

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Cour Administrative d'Appel de Versailles, 1ère Chambre, 19 février 2013, 10VE03058, Inédit au recueil Lebon