Cour administrative d'appel de Versailles, 29 septembre 2015, n° 14VE00562

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 29 sept. 2015, n° 14VE00562
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 14VE00562
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 29 décembre 2013, N° 1207901

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE VERSAILLES

N° 14VE00562


X Y


M. Bergeret

Président


M. Huon

Rapporteur


M. Coudert

Rapporteur public


Séance du 15 septembre 2015

Lecture du 29 septembre 2015

___________

Code PCJA : 19-04-02-01-04-03

19-04-02-01-04-04

Code Lebon : C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Versailles

3e Chambre

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La X Y a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2005 et 2006, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à raison de la remise en cause par l’administration des provisions pour repli de caducité et pour amortissement sur les participations clients.

Par un jugement n° 1207901 du 30 décembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 février et le 15 octobre 2014, la

X Y, représentée par Me Ebrard-Grellety et Me Bouvier demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil ;

2° de prononcer la décharge sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l’Etat la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— c’est par une exacte application des dispositions du 5° du 1. de l’article 39 du code général des impôts qu’elle a comptabilisé une provision « pour repli de caducité » qui vise, non à financer les investissements à venir, mais à anticiper la charge, déductible, liée aux futurs amortissements de caducité relatifs à ces investissements qui reviendront gratuitement au concédant à l’échéance du contrat de concession dont elle est titulaire, permettant ainsi de linéariser sur la période totale de la concession la perte qui serait causée par le jeu normal des amortissements de caducité ; en outre, cette provision, déterminée au vu du programme de renouvellement et d’extension des immobilisations, non contesté par le service, a été évaluée de manière suffisamment précise ; de plus, la probabilité de la charge provisionnée résulte du plan d’investissement et des durées de vie des immobilisations concernées ; enfin, la charge est rendue probable par des évènements en cours à la clôture des exercices concernés ;

— en dépit d’une terminologie comptable sans doute non appropriée, elle était également fondée à déduire une provision « pour amortissement des participations clients », ayant plutôt la nature d’un produit perçu d’avance, destinée à mettre en relation les produits reçus des clients (coûts de raccordement, notamment) avec les charges correspondantes (amortissements) qu’elle aura à engager pour le service aux clients, la perte à terminaison étant établie de façon précise et justifiée ; cette pratique est d’ailleurs conforme à l’analyse de la commission des études comptable de la commission nationale des commissaires aux comptes, publiée dans son bulletin n° 173 de mars 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— l’amortissement de caducité, dérogatoire au droit commun, n’a pas pour objet de constater une dépréciation matérielle due au temps ou à l’usage des immobilisations mais de prendre en compte la perte future et probable résultant de la remise au concédant, sans indemnité, de biens non totalement amortis ; l’anticipation des amortissements de caducité n’est permise que via la constitution de provisions pour renouvellement qui, par définition, visent des immobilisations déjà acquises et devant être renouvelées ; en l’espèce, en provisionnant les amortissements de caducité liés aux investissements futurs, la requérante, qui reconnaît qu’il ne s’agit pas d’une provision pour renouvellement, anticipe des dépenses qui vont entraîner nécessairement un accroissement de son actif et non une charge ; en comptabilisant une provision « pour repli de caducité » alors qu’aucun actif n’a encore été acquis, la société anticipe les acquisitions futures et leur amortissement en contrevenant aux règles de comptabilisation de l’amortissement de caducité ; enfin, la simple production de tableaux, non assortis de précision quant à leurs modalités d’établissement, ne saurait justifier la probabilité d’une perte à terminaison du contrat ; en tout état de cause, une telle perte ne pourrait faire l’objet d’une provision dès lors que la loi fiscale cantonne la provision déductible à la perte déjà réalisée sur des opérations non dénouées ; la provision pour repli de caducité ne remplit donc pas les conditions de déductibilité posées par le 5° du 1. de l’article 39 du code général des impôts ;

— les dotations aux « amortissements pour participations clients » ne sont pas davantage fiscalement déductibles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Huon, premier conseiller,

— et les conclusions de M. Coudert rapporteur public.

Considérant que la société anonyme d’économie mixte locale (X) Y assure une activité de vente et distribution d’électricité dans le cadre d’un contrat de concession conclu à compter du 1er janvier 2004 et pour 30 ans avec le syndicat intercommunal d’électricité et d’équipement du département de la Vienne ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité et aux termes d’une proposition de rectification du 15 juillet 2008, le service vérificateur a notamment remis en cause les provisions pour « repli de caducité » et des provisions pour « amortissements des participations clients » comptabilisées par la société au titre de ses exercices 2005 et 2006 ; que la société Y relève appel du jugement du

30 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie par voie de conséquence de ces rectifications au titre desdits exercices, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice. Toutefois, ne sont pas déductibles les provisions que constitue une entreprise en vue de faire face au versement d’allocations en raison du départ à la retraite ou préretraite des membres ou anciens membres de son personnel, ou de ses mandataires sociaux. Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d’un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu’à concurrence de la perte qui est égale à l’excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ; que ne peuvent, par suite, donner lieu à provision les dépenses à venir qui auront pour contrepartie l’acquisition d’un nouvel élément d’actif ou qui entraîneraient normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure au bilan de l’entreprise ou encore qui auraient pour objet de prolonger de manière notable la durée probable d’utilisation d’un élément de cette nature ;

Sur les provisions pour « repli de caducité » :

Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que ces provisions, comptabilisées en 2005 et 2006 pour des montants respectifs de 2 179 000 euros et

1 803 495 euros, avaient pour objet d’anticiper la charge liée aux amortissements de caducité devant être opérés à raison des investissements futurs (extensions de lignes électriques), lesquels, au terme du contrat de concession mentionné au point 1., devaient être remis gratuitement au concédant ; que, toutefois, les amortissements de caducité, qui constituent des amortissements financiers, ont pour objet de permettre aux entreprises concessionnaires, en contrepartie de l’obligation qui pèse sur elles d’abandonner gratuitement leurs équipements et installations à l’autorité publique concédante à la fin du contrat, de compenser la perte de ces ouvrages, avant leur sortie définitive de leur actif, en reconstituant les capitaux investis pour leur financement pendant la durée de la concession ; que les provisions en cause visent ainsi à anticiper, non une charge au sens de l’article 39 du code général des impôts, mais le coût des équipements non encore réalisés qui seront immobilisés à l’actif du bilan, ce qui, compte tenu des principes rappelés ci-dessus, fait obstacle à leur déductibilité ;

Considérant, en second lieu, que la société Y soutient que lesdites provisions se justifient aussi par le souci « d’anticiper sur la période totale de la concession la perte qui serait causée par le jeu normal des amortissements de caducité sur la dernière partie du contrat de concession » en faisant valoir qu’il est probable que, compte tenu de l’importance des équipements à réaliser et de l’évolution prévue des résultats de l’exploitation, les résultats des exercices restant à courir avant le terme du contrat de concession seront insuffisants pour absorber la déduction des amortissements de caducité sur les équipements dont la réalisation était programmée en fin de contrat ; que, cependant, si la requérante produit, à l’appui de cette allégation, un tableau prévisionnel sur 30 ans, ce tableau n’est assorti d’aucune justification ni même d’aucune précision sur les conditions d’établissement des hypothèses à partir desquelles il a été dressé, et qui couvrent une période particulièrement longue ; qu’ainsi, ce seul document ne permet pas d’établir la probabilité d’une perte à terminaison ni a fortiori, avec une approximation suffisante, le montant de cette perte ; que, par suite, et en tout état de cause, la société Y n’était pas davantage fondée à constituer des provisions à raison de cette prétendue perte ;

Sur les provisions pour « amortissements des participations clients » :

Considérant que, pour les équipements déjà réalisés, la société Y perçoit de l’usager un droit de raccordement qui est payé immédiatement, au lieu d’être étalé au travers du tarif annuel, et enregistré dans les produits d’exploitation de l’exercice de facturation, tandis que les équipements sont inscrits au bilan en tant qu’éléments d’actif immobilisés et font l’objet d’un amortissement de caducité, dont la déduction est étalée sur la période restant à courir jusqu’au terme du contrat de concession ; qu’estimant que le produit est ainsi anticipé par rapport à la charge correspondante, générant l’enregistrement de bénéfices « fictifs » et se traduisant en fin de contrat par des pertes non récupérables, la requérante a décidé de provisionner, l’année de perception des participations, l’amortissement de caducité correspondant aux travaux financés par les participations, lesdites provisions faisant ultérieurement l’objet d’une reprise au rythme des amortissements de caducité pratiqués ;

Considérant, d’une part, que les branchements assurant le raccordement des abonnés au réseau de distribution d’électricité concédé à la société Y font partie intégrante du réseau concédé et constituent pendant la durée de la concession un élément de l’actif de ladite société ; que les sommes perçues des usagers pour le financement desdits branchements sont un des éléments du prix de la prestation qui leur est fournie et dont la société concessionnaire dispose au même titre que du produit des autres redevances qu’elle perçoit ; qu’ainsi lesdites sommes ont bien le caractère de recettes imposables de la société ;

Considérant, d’autre part, qu’ainsi qu’il a été dit au point 3, les amortissements de caducité ne peuvent faire l’objet de provisions et que, pour les motifs énoncés au point 4, les provisions litigieuses ne sont pas davantage justifiées par la probabilité d’une perte à terminaison ; qu’au demeurant, la requérante reconnaît elle-même que ces provisions, qui visent, en définitive, à neutraliser, pour ensuite les répartir sur plusieurs exercices, les recettes provenant des droits de raccordement, procèdent d’une pratique comptable « sans doute pas complètement orthodoxe » ; que, pour justifier une telle pratique, la société ne saurait utilement se prévaloir d’une recommandation de mars 2014 de la commission des études comptables de la compagnie nationale des commissaires aux comptes dès lors que cette recommandation, outre qu’elle est postérieure aux impositions en litige et ne lie pas le juge de l’impôt, est relative à la comptabilisation des droits de raccordement par l’utilisateur d’un réseau d’énergie et non par le concessionnaire du réseau ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Y n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu’être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la X Y est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la X Y et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

— M. Bergeret, président,

— M. Huon, premier conseiller,

— Mme Moulin-Zys, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

Le rapporteur, Le président,

C. HUON Y. BERGERET

Le greffier,

A. FOULON

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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