CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 21 juin 2016, 15VE01929, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 3e ch., 21 juin 2016, n° 15VE01929
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 15VE01929
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 13 avril 2015, N° 1205089, 1205092, 1205097, 1205098
Identifiant Légifrance : CETATEXT000033368632

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NOVERGIE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l’annulation de quatre titres exécutoires émis, entre les 16 décembre et 27 décembre 2011, par l’Agence de l’eau Seine-Normandie mettant à sa charge le règlement de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique due à raison de l’activité des usines qu’elle a exploitées, au cours de l’année 2008, à Carrières-sur-Seine, Carrières-sous-Poissy, Argenteuil et Saint-Thibault-des-Vignes et dont les montants fixés respectivement à 82 879,50 euros, 94 921,50 euros, 77 766,69 euros et 62 983,24 euros, ont été plafonnés aux sommes de 38 583,60 euros, 93 732,27 euros, 49 069,70 euros et 53 834,40 euros en application de l’article 100 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, ensemble les décisions implicites et expresses de rejet de ses recours préalables contre ces titres de recette ainsi que des courriers non datés dont ces titres exécutoires étaient accompagnés.

Par un jugement n° 1205089, 1205092, 1205097, 1205098 du 14 avril 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 juin 2015, le 13 novembre 2015 et le 30 mai 2016, la société NOVERGIE, représentée par Me Defradas, avocat, demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° d’annuler les titres exécutoires précités et de prononcer la décharge de ces redevances dues au titre de l’année 2008 ;

3° de mettre à la charge de l’État une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— c’est à tort que le tribunal administratif a assimilé la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique à un impôt direct recouvré par voie de rôle alors qu’elle est recouvrée dans les conditions de l’article L. 213-11-8 du code de l’environnement, par simple émission d’un ordre de recette notifié au contribuable ;

 – en lui notifiant directement les avis des sommes à payer, l’Agence de l’eau

Seine-Normandie a méconnu les dispositions de l’article L. 213-11-3 du code de l’environnement qui prévoient la notification préalable d’une proposition de rectification ;

 – à supposer que la redevance litigieuse puisse être assimilée à une imposition directe, la date de mise en recouvrement mentionnée sur les titres de recette litigieux ne saurait interrompre valablement la prescription que pour les impositions recouvrées par voie de rôle pour lesquelles cette date correspond à la date de la décision administrative ayant homologué le rôle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; pour les impositions recouvrées par simple avis ou ordre de recette, c’est la date de notification du titre exécutoire qui doit être prise en compte pour le calcul du délai de reprise et l’éventuelle prescription des créances dont le recouvrement est recherché ; au cas particulier, les titres de recette concernés ont été notifiés le 2 janvier 2012, soit postérieurement à l’extinction, le 31 décembre 2011, du délai de reprise ; il s’ensuit que ces créances étaient prescrites à la date de réception des titres exécutoires ; à cet égard, l’Agence de l’eau Seine-Normandie ne saurait s’exempter du cadre légal relatif au droit de reprise régi par les articles

L. 231-11-13 à L. 213-11-5 du code de l’environnement du fait de sa propre négligence et en l’absence de manquement du contribuable ; en faisant valoir dans ses dernières écritures que la requérante ne justifie pas de la réception, le 2 janvier 2012, des titres de recette, la défenderesse tente d’inverser la dévolution de la charge de la preuve ; en effet, il lui appartient de justifier de la notification, régulière, des ordres de recette ; toutefois, elle produit à toutes fins utiles une copie de l’enveloppe contenant lesdits titres qui établit qu’elle a été envoyée le 29 décembre 2011 au plus tôt ; la doctrine de l’administration, reprise dans la base Bofip-impôts sous la référence BOI-CF-PGR-10-10-20120912, prévoit également que « la notification de ce titre exécutoire représente la dernière phase de l’action en reprise de l’administration (…) et donne ouverture à une action nouvelle, l’action de recouvrement des comptables publics des administrations fiscales, qui se prescrit par quatre ans (LPF, art. L.274) » ;

 – l’existence juridique d’un ordre de recette n’est prouvée que par la production d’un document portant la signature de l’ordonnateur, soit sur l’un des quatre volets du titre de recette, soit sur le bordereau d’émission de celui-ci ; l’Agence de l’eau Seine-Normandie n’ayant transmis aucun de ces documents, la matérialité de la mise en recouvrement ne peut être tenue pour établie ;

 – de plus, les avis transmis ne portent pas la signature du directeur général de l’Agence de l’eau Seine-Normandie en méconnaissance de l’article 4 de la loi n° 2000-321 du

12 avril 2000 au terme duquel : « Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte (…) la signature de son auteur (…) » ; de plus, les dispositions de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que « seul le bordereau des titres de recettes est signé » ne sont pas applicables aux titres émis par un établissement public de l’Etat ; en tout état de cause, l’agence n’a produit aucun bordereau signé ; elle n’est, par suite, pas fondée à prétendre que le moyen tiré du défaut de signature des titres de recettes est nouveau en appel et, par suite, irrecevable ; en application de l’article L. 199 C du livre des procédures fiscales, en effet, les parties peuvent présenter tout moyen nouveau jusqu’à la clôture de l’instruction, tandis que la séparation entre légalité externe et légalité interne n’a pas cours en plein contentieux fiscal ; un tel moyen se rattache à la procédure d’imposition comme l’ensemble des moyens de la requête et ne procède nullement d’une cause juridique distincte de celle afférente aux moyens présentés en première instance ; subsidiairement, il ne lui incombe pas de justifier de la signature des avis critiqués ; par surcroît, la jurisprudence dont elle se prévaut est applicable à toutes les autorités administratives au sens de l’article 1er la loi du 12 avril 2000, au nombre desquelles figure l’agence de l’eau ;

 – il est de notoriété publique que la notification tardive des redevances au titre de l’année 2008 a pour cause exclusive un dysfonctionnement interne à l’agence de l’eau, auquel il n’avait pas encore été remédié en 2010, ainsi qu’il ressort notamment de l’audit relatif à la mise en oeuvre de la loi sur l’eau.

………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – le livre des procédures fiscales ;

 – la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Locatelli,

 – les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

 – les observations de Me B… substituant Me Defradas pour la société NOVERGIE,

 – et les observations de Me A… pour l’Agence de l’eau Seine-Normandie.

Une note en délibéré présentée par Me Defradas, avocat, pour la société NOVERGIE, a été enregistrée le 7 juin 2016.

1. Considérant que la société NOVERGIE relève appel du jugement du 14 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l’annulation de quatre ordres de recette, valant titres exécutoires, émis à son encontre entre les 16 décembre et 27 décembre 2011 par l’Agence de l’eau Seine-Normandie mettant à sa charge le règlement de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique due, au titre de l’année 2008, à raison de l’activité des usines d’incinération d’ordures ménagères qu’elle exploite à

Carrières-sur-Seine, Carrières-sous-Poissy, Argenteuil et Saint-Thibault-des-Vignes, pour les sommes – plafonnées en vertu de l’article 100 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques

n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, à 120 % des montants dus l’année précédente – de respectivement, 38 583,60 euros, 93 732,27 euros, 49 069,70 euros et 53 834,40 euros, ensemble l’annulation de ces courriers non datés, des décisions implicites, puis, expresses, de rejet de ses recours préalables contre ces ordres de recette, et la décharge subséquente du montant des redevances mises ainsi à sa charge au titre de l’année 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions de l’Agence de l’eau

Seine-Normandie relatives aux redevances pour pollution de l’eau d’origine non domestique dues au titre de l’année 2008 :

2. Considérant que les décisions implicites ou expresses par lesquelles il est statué sur la réclamation du redevable qui entend contester les créances de l’Agence de l’eau

Seine-Normandie relatives aux redevances pour pollution de l’eau d’origine non domestique, qui ont la qualité d’imposition de toute nature, ne constituent pas des actes détachables de la procédure d’imposition ; qu’elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que, dans ces conditions, les conclusions de la société NOVERGIE tendant à l’annulation des décisions du directeur de l’Agence de l’eau Seine-Normandie du 3 mai 2012, de celles, implicites, de rejet nées du silence gardé par ce même directeur pendant plus de quatre mois sur les réclamations de la société NOVERGIE présentées le 15 février 2012, de même que des courriers accompagnant les ordres de recette ne peuvent qu’être requalifiées de conclusions tendant à la décharge des redevances en cause ou de l’obligation de les payer ;

Sur les conclusions tendant à la décharge du montant de ces redevances :

3. Considérant, toutefois, qu’il résulte des termes mêmes de la requête que la société NOVERGIE a uniquement entendu solliciter la décharge des redevances pour pollution de l’eau d’origine non domestique qui ont été perçues par l’Agence de l’eau Seine-Normandie à concurrence des montants figurant sur les ordres de recette émis par le directeur de cette agence entre les 16 décembre et 27 décembre 2011; que, dès lors, les moyens présentés à cette fin ont la nature de moyens d’assiette ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition et la signature des titres de recette :

4. Considérant, d’une part, qu’en renvoyant, pour la détermination des règles applicables au contentieux de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique, aux modalités fixées par le code de l’environnement, et à l’exclusion des cas où ce code renvoie expressément à des articles particuliers du livre des procédures fiscales, le législateur doit être regardé comme ayant entendu exclure l’application des règles relatives au contentieux des impositions prévues au livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, et à défaut que le code de l’environnement renvoie explicitement à l’article L. 199 C de ce livre, qui permet au contribuable de présenter tout moyen nouveau jusqu’à la clôture de l’instruction, l’Agence de l’eau Seine-Normandie est fondée à soutenir que les dispositions de l’article 199 C du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables à la procédure en cause ;

5. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que la société NOVERGIE n’a invoqué dans sa demande que des moyens contestant le bien-fondé des redevances ; que les moyens d’appel tirés de ce que l’Agence de l’eau Seine-Normandie aurait dû lui adresser une proposition de rectification préalablement à l’émission des ordres de recette et, par ailleurs, doit justifier de la signature effective des ordres de recette valant titres exécutoires ne sont pas d’ordre public et ne se rattachent pas à la seule cause juridique invoquée devant le tribunal ; que, par suite, ces moyens sont irrecevables et ne peuvent qu’être écartés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu’en vertu de l’article L. 213-11-4 du code de l’environnement, « le délai de reprise expire à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle les redevances sont dues » ; que, toutefois, par application de l’article L. 213-11-5 de ce code : « La prescription du délai de reprise est interrompue dans les conditions définies au premier alinéa de l’article L. 189 du livre des procédures fiscales » ; que, si la société NOVERGIE soutient que l’année 2008 était prescrite à la date où elle a réceptionné, le 2 janvier 2012, les ordres de recette litigieux, il résulte des dispositions de l’article L. 189 du livre des procédures fiscales, auquel renvoie L. 213-11-5 du code de l’environnement, que la prescription est notamment interrompue par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables ; que les déclarations souscrites, même hors délai, par la redevable les 28 mai, 30 juin, 20 octobre et 26 octobre 2011, qui comptent au nombre de ces actes, ont dès lors valablement interrompu la prescription et ouvert à l’Agence de l’eau un nouveau délai de reprise, d’égale durée ; que ce nouveau délai, qui courait jusqu’au 31 décembre 2014, n’était pas expiré lorsque l’Agence de l’eau a notifié les ordres de recette portant sur les redevances en cause en application de l’article L. 213-11-8 du code de l’environnement ; qu’ainsi, en admettant même que les titres exécutoires émis courant décembre par le directeur de l’Agence de l’eau Seine-Normandie n’auraient été réceptionnés que le 2 janvier 2012 par la société NOVERGIE, celle-ci n’est pas fondée à soutenir que l’agence n’était plus en droit de mettre en recouvrement les redevances litigieuses au motif que son action était prescrite ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société NOVERGIE n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de l’Agence de l’eau Seine-Normandie tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu’il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société NOVERGIE, perdante à l’instance, le versement, à l’Agence de l’eau

Seine-Normandie, de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par cette agence et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la société NOVERGIE est rejetée.

Article 2 : La société NOVERGIE versera à l’Agence de l’eau Seine-Normandie une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administratif.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l’Agence de l’eau Seine-Normandie présenté au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 15VE01929

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