CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 17 décembre 2020, 18VE02831, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 2e ch., 17 déc. 2020, n° 18VE02831
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 18VE02831
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 3 juin 2018, N° 1500963-1501268
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042701326

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Forêt de Sénart a demandé au Tribunal administratif de Versailles d’annuler la décision en date du 19 octobre 2014 du maire de la commune de Ris-Orangis portant refus de confirmation d’un permis de construire sollicité en vue de la construction d’un bâtiment comprenant seize logements et la décision implicite du maire de Ris-Orangis d’indemniser les préjudices qu’elle a subis du fait de l’intervention de deux décisions illégales refusant de lui délivrer ce permis de construire. La SCI Forêt de Sénart a en outre demandé au Tribunal de condamner la commune de Ris-Orangis à lui verser la somme de 893 651,74 euros en réparation de ces préjudices.

Par un jugement n° 1500963-1501268 du 4 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a donné acte du désistement de la SCI Forêt de Sénart de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du maire de Ris-Orangis en date du 19 octobre 2014, a condamné la commune de Ris-Orangis à verser à la SCI Forêt de Sénart la somme de 971 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la SCI Forêt de Sénart.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire, enregistrés les 2 août 2018, 27 septembre 2019 et 27 novembre 2020, la SCI Forêt de Sénart, représentée par Me C…, avocat, demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement en tant qu’il a limité à 971 euros le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de la commune de Ris-Orangis en réparation des préjudices subis du fait de l’intervention de deux refus de permis de construire illégaux ;

2° à titre principal, de condamner la commune de Ris-Orangis à lui verser la somme de 503 878 euros au titre du manque à gagner découlant de ces décisions illégales, la somme de 550 010 euros au titre de l’augmentation du coût de la construction depuis l’intervention de ces décisions, la somme de 14 605 euros représentant les sommes versées au titre de la taxe foncière de 2009 à 2017 et la somme de 1 792,74 euros représentant le montant des primes d’assurances versées pour l’immeuble à démolir ;

3° à titre subsidiaire, de condamner la commune de Ris-Orangis à lui verser la somme de 500 000 euros au titre de la perte de chance de donner à bail les locaux dont la construction a été illégalement refusée ou encore de désigner un expert aux fins de déterminer le montant des préjudices subis du fait des illégalités dont elle a été victime ;

4° de mettre à la charge de la commune de Ris-Orangis le versement de la somme de 5 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI Forêt de Sénart soutient que :

 – les refus de permis de construire annulés par le juge administratif sont à l’origine d’un préjudice causé par le retard de neuf ans pris pour le démarrage des travaux ;

 – le caractère certain du manque à gagner du fait des loyers non perçus est démontré et chiffré à hauteur de 503 878 euros ;

 – le préjudice subi du fait du retard pris pour commencer les travaux s’apprécie par référence à l’évolution du coût de la construction constaté entre mars 2009 et août 2017 et est augmenté par les normes plus contraignantes en vigueur à la date d’obtention du permis finalement délivré ;

 – la taxe sur les logements vacants et la prime d’assurance versée au titre du bâtiment que la SCI n’a pas été autorisée à démolir doivent lui être remboursées.

………………………………………………………………………………………………………

Vu :

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme A…,

 – les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

 – les observations de Me C… pour la SCI Forêt de Sénart, et de Me B… pour la commune de Ris-Orangis.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Forêt de Sénart relève appel du jugement en date du 4 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a limité à 971 euros l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait des deux refus opposés par le maire de Ris-Orangis le 4 mars 2009 et le 16 mai 2012 à sa demande de permis de construire un immeuble d’habitation et qui ont été annulés par le Tribunal administratif de Versailles et par la Cour administrative de Versailles.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du mémoire enregistré le 17 mai 2018 au Tribunal administratif de Versailles que la SCI Forêt de Sénart a invoqué le préjudice subi du fait de l’obligation de s’assurer à raison de la construction qui n’a pu être démolie en versant des primes en 2017 à hauteur de 1 792,74 euros et de l’acquittement de la taxe foncière de 2009 à 2017 à hauteur de 14 605 euros. Les premiers juges se sont abstenus de répondre à ces conclusions. Il y a lieu, par suite, d’annuler le jugement en tant qu’il s’est abstenu de statuer sur ces conclusions.

Sur la perte de loyers invoquée par la SCI Forêt de Sénart :

3. Pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si le préjudice invoqué est en lien direct et certain avec une faute de l’administration. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d’un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs locataires ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l’espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu’il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

4. En l’espèce, la seule production d’une évaluation des loyers susceptibles d’être demandés, réalisée en 2015 par une agence immobilière et de projets de contrats de gestion locative rédigés par la même agence, ne sont pas de nature à justifier, en l’absence de tout élément particulier tel que des négociations avancées avec de futurs locataires, de circonstances particulières permettant de regarder le préjudice résultant de la perte de loyers comme présentant un caractère direct et certain avec les refus de permis illégaux opposés à la SCI Forêt de Sénart. La réparation de la perte de chance, invoquée à titre subsidiaire, ne saurait être admise par ailleurs, dès lors que la seule circonstance que la commune de Ris-Orangis serait en zone tendue et caractérisée par un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements ne suffit pas, par sa généralité, à établir que la SCI requérante aurait nécessairement trouvé des locataires.

Sur la hausse du coût de la construction :

5. La SCI Forêt de Sénart, qui ne précise rien des modalités de réalisation et de financement de son projet de construction et produit une attestation d’architecte établissant une estimation du coût des travaux auquel il applique l’index du coût de la construction, n’établit pas, dans son principe comme dans son montant, le préjudice qu’elle soutient avoir subi du fait du renchérissement des travaux entre la date du premier refus de permis de construire et la date à laquelle elle a finalement obtenu cette autorisation.

Sur le paiement des primes d’assurances relatives à la parcelle d’assiette du projet de construction illégalement refusé :

6. Les primes d’assurance versées par la SCI Forêt de Sénart entre 2009 et 2017 sont liées à sa qualité de propriétaire du bien immobilier en cause et sont sans lien avec la faute commise par la commune de Ris-Orangis en refusant illégalement les permis de construire sollicités. Les primes d’assurances versées à raison de la maison construite sur la parcelle en cause ne peuvent être regardées comme un préjudice causé par les refus illégaux du maire de Ris-Orangis dès lors que la SCI ne démontre pas avoir été privée de la jouissance de ce bien durant la période considérée.

Sur les cotisations de taxes foncières :

7. Les cotisations de taxes foncières auxquelles la SCI requérante a été assujettie entre 2009 et 2017 sont liées à sa qualité de propriétaire du bien immobilier en cause et sont sans lien avec la faute commise par la commune de Ris-Orangis en refusant illégalement les permis de construire sollicités. En effet rien ne faisait obstacle à ce que la SCI Forêt de Sénart demande uniquement un permis de démolir le bâti existant. La demande de la SCI requérante doit donc être rejetée en tant qu’elle porte sur le préjudice né du paiement de ces cotisations.

8. Il résulte de tout ce qui précède que SCI Forêt de Sénart n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a limité à 971 euros le montant de l’indemnisation des fautes commises par la commune de Ris-Orangis à son encontre et a rejeté le surplus de sa demande. La demande de la SCI Forêt de Sénart doit être rejetée en tant qu’elle concerne le préjudice allégué lié au paiement de cotisation de taxes foncières. Par suite, ses conclusions tendant à la réformation du jugement ainsi que celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SCI Forêt de Sénart la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Ris-Orangis et non compris dans les dépens.


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Versailles en date du 4 juin 2018 est annulé en tant qu’il s’est abstenu de se prononcer sur les conclusions relatives à l’indemnisation du préjudice né du paiement de cotisations de taxes foncières et des primes d’assurance.

Article 2 : La demande de la SCI Forêt de Sénart relatives à l’indemnisation du préjudice né du paiement de cotisation de taxes foncières et des primes d’assurance est rejetée.

Article 3 : Le surplus de la requête de la SCI Forêt de Sénart est rejeté.

Article 4 : La SCI Forêt de Sénart versera à la commune de Ris-Orangis la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 18VE02831

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Textes cités dans la décision

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