Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 octobre 2001, 00-86.681, Inédit

  • Surveillance ou administration de l'opération·
  • Manquements au devoir de probité·
  • Atteinte à l'autorité de l'État·
  • Juridictions correctionnelles·
  • Prise illégale d'intérêts·
  • Éléments constitutifs·
  • Audition le dernier·
  • Personne morale·
  • Élément légal·
  • Nécessité

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Me Delphine Krust · consultation.avocat.fr · 1er juin 2019

PRISE ILLEGALE D'INTERETS : LES EFFETS PERVERS D'UNE SEVERITE JURISPRUDENTIELLE ACCRUE Par Stéphane Penaud Avocat associé SCP Krust-Penaud Le délit de prise illégale d'intérêts est un « délit obstacle » qui vise autant à prévenir qu'à réprimer les situations de conflit d'intérêts des personnes exerçant des fonctions publiques, indépendamment de leur motivation et du résultat de leur comportement. Actuellement prévue et réprimée à l'article 432-12 du code pénal, l'infraction est constituée par : - La prise, la réception ou la conservation, de manière directe ou indirecte, …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 24 oct. 2001, n° 00-86.681
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 00-86.681
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Orléans, 25 septembre 2000
Textes appliqués :
Code de procédure pénale 513, 706-41

Code pénal 432-12

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007603092
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre octobre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

— A… Alain,

— Z… Nadège, épouse A…,

— LA SOCIETE A…, représentée par Jacques B…, administrateur judiciaire,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 26 septembre 2000, qui a condamné Alain A… et Nadège A…, pour recel de favoritisme et prise illégale d’intérêts, chacun à 1 an d’emprisonnement avec sursis, 50 000 francs d’amende et 2 ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille, et la société A…, pour recel de favoritisme, à 2 ans d’exclusion des marchés publics ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 et 432-14 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a retenu le délit de recel de favoritisme à l’encontre des époux A… ainsi que de la SA A… ;

«  aux motifs qu’à juste titre, le tribunal a relevé, d’une part, qu’après l’ouverture des plis en date du 2 mai 1994, la SA A… a fait connaître qu’elle exigeait une modification propre à permettre l’installation d’un pont roulant, ce qui a motivé le procès-verbal du 30 mai suivant déclarant infructueux l’appel d’offres sur les lots 3 et 4, décision qui a suscité les protestations du comptable du Trésor… que la juridiction a, d’autre part, retenu qu’a ensuite été mise en oeuvre une procédure de marchés négociés en violation des dispositions du Code des marchés publics qui n’a pu aboutir en raison du contrôle de légalité ; que les multiples incidents de procédure ont manifestement contribué à lasser les candidats qui ne se sont finalement plus trouvés qu’au nombre de 2 pour un lot, 3 pour l’autre ; que le représentant de la DDCCRF a déclaré qu’en fonction de l’expérience des deux premières procédures et de la perception de la volonté manifeste des élus de Montoire d’attribuer ces marchés à la SA A…, il avait renoncé à participer aux réunions de la commission d’appel d’offres des 4 et 11 janvier 1995 ; que les courriers du comptable du Trésor sont particulièrement éloquents, notamment celui adressé au maire le 10 mai 1994 mentionnant notamment « un observateur tout à fait neutre ne trouvera aucune aux conclusions vers lesquelles vous semblez vouloir vous dirigez, à savoir redonner par tous les moyens une seconde chance à l’entreprise A… de Montoire » ; qu’enfin, Hubert X… avait parfaitement compris que les dirigeants de la société A… n’entendaient nullement voir ce marché leur échapper et agissaient

avec vigueur pour parvenir à leurs fins ; qu’en effet, le secrétaire de mairie fait état d’une démarche en compagnie du mis en cause auprès d’Alain A… pour lui demander de ne plus intervenir dans ce dossier et de laisser la concurrence jouer véritablement, a constaté que ce dernier n’a rien voulu savoir et a menacé, s’il était écarté de l’appel d’offres, de fermer son entreprise, de licencier son personnel et de s’installer ailleurs ; qu’il relate s’être alors retiré non sans rappeler à Alain A… les difficultés, le doute que laisserait planer sa participation à cet appel d’offres… que de ces éléments… il se déduit que les époux A… ont commis le délit de recel qui leur est reproché ayant eu connaissance des multiples aléas de procédure sus-rappelés qui n’ont eu pour but que de favoriser indûment leur entreprise et de lui faire finalement obtenir le marché, source de profit ; que la SA A… a également commis le délit qui lui est reproché puisque responsable du délit commis pour son compte par ses représentants dont elle a été la principale bénéficiaire ;

« alors que le délit de recel ne peut être retenu qu’à la condition que soit établie la connaissance par le possesseur de l’origine frauduleuse des biens détenus, autrement dit de l’infraction à l’origine de la possession, ce qui ne se trouve nullement caractérisé en° l’état des énonciations susvisées, lesquelles n’établissent que la volonté du maire de la commune de favoriser la société A… pour éviter son départ, le seul fait qu’Alain A… ait menacé de fermer son entreprise s’il était écarté non pas du marché mais de la procédure d’appel d’offres ainsi que le constate la Cour elle-même étant totalement inopérant à établir sa connaissance comme celle de son épouse de ce que l’attribution dudit marché ait pu procéder d’une violation des dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a infirmé la décision des premiers juges relaxant Nadège A… du chef de prise illégale d’intérêts pour avoir, selon la prévention, participé en qualité de conseillère municipale à une délibération du conseil municipal du 5 septembre 1994 annulant la procédure négociée ayant abouti à l’attribution du marché des lots 3 et 4 à la société A… et approuvé le lancement d’un nouvel appel d’offres ;

«  aux motifs que si le tribunal retient la contradiction entre l’extrait de registre des délibérations du conseil municipal du 5 septembre 1994 ayant statué sur l’annulation de la procédure négociée et l’approbation du lancement d’un nouvel appel d’offres faisant état de la participation de Nadège A… comme conseillère municipale, et le procès-verbal de séance certifié conforme par la mairie qui ne fait pas apparaître de délibération sur les faits rapportés en extrait, base des poursuites, il s’avère que l’extrait transmis aux représentants de l’Etat a trait spécifiquement aux opérations projetées pour la construction des nouveaux locaux de la société ; que la contradiction relevée n’est donc qu’apparente, de sorte que Nadège A… doit être retenue dans les liens de la prévention ;

« alors que la Cour, qui a qualifié » d’apparente « la contradiction flagrante existant entre l’extrait de registre des délibérations du conseil municipal du 5 septembre 1994 et le procès-verbal de séance certifié conforme par la mairie quant à l’existence d’une délibération effective portant sur l’annulation de la procédure négociée à l’approbation du lancement d’un nouvel appel d’offres en prétendant se référer à l’extrait adressé aux représentants de l’Etat et qui ne pouvait qu’être conforme à celui du registre des délibérations, n’a pas, en l’état de ce motif dépourvu de toute pertinence, justifié sa décision retenant la culpabilité de Nadège A… à raison de sa participation comme conseillère municipale à une délibération dont l’existence n’est aucunement certaine » ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a infirmé la décision des premiers juges ayant relaxé Alain A… du chef de prise illégale d’intérêts résultant, selon la prévention, de sa participation à une délibération du conseil municipal du 25 mars 1996 au cours de laquelle aurait été prise une délibération concernant la maîtrise d’oeuvre du bâtiment faisant l’objet du marché de travaux de la commune de Montoire en constatant que l’existence de cette délibération n’était pas mentionnée sur le procès-verbal relatif à cette séance du conseil municipal et certifié conforme par la mairie de Montoire sur le Loir ;

«  au seul motif et unique motif que les mêmes constatations que celles faites pour la délibération du 5 septembre 1994 à laquelle il est reproché à Nadège A… d’avoir participé s’imposent pour la délibération du 25 mars 1996 à laquelle Alain A… a personnellement participé ;

« alors que la décision de relaxe des premiers juges étant fondée exclusivement sur l’absence de toute indication dans le procès-verbal des débats d’une quelconque délibération concernant la maîtrise d’oeuvre du bâtiment faisant l’objet du marché de travaux de la commune de Montoire, la Cour, qui, pour infirmer cette décision, s’est référé à une contradiction supposant ainsi l’existence de documents dont elle ne précise pas la nature et qui sont, par conséquent, parfaitement hypothétiques, a, en l’état de cette absence de motifs flagrante, privé sa décision de toute base légale » ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a retenu à l’encontre d’Alain A… le délit de prise illégale d’intérêts à raison de sa participation par mandataire interposé à une délibération du conseil municipal du 6 mai 1996 ayant autorisé la mise en place du crédit bail immobilier concernant le bâtiment au profit de la SCI Les Bois Blanche ;

«  aux motifs, intégralement adoptés, des premiers juges que le délit de prise illégale d’intérêts est constitué du seul fait qu’un élu ait la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement d’une entreprise ou d’une opération dans laquelle il a un intérêt direct ou indirect ; que tel est évidemment le cas d’un contrat de bail qui doit être signé entre la commune et une SCI appartenant à un élu ;

« alors que le délit incriminé par l’article 432-12 du Code pénal suppose, de la part du prévenu, une prise d’intérêts dans une entreprise ou opération dont au moment de l’acte il avait » la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement « , ce qui ne saurait être le cas d’un conseiller municipal qui n’a pas été investi de la surveillance effective de l’opération à l’occasion de laquelle a été accompli l’acte litigieux, de sorte que la simple participation par Alain A… par mandataire interposé à une délibération sur une opération dont il n’a jamais été allégué qu’elle relevait de sa surveillance ne permettait pas de retenir à son encontre le délit incriminé par l’article susvisé » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du jugement que, le 29 mai 1997, la Mission Interministérielle d’Enquête sur les Marchés (MIEM) a dénoncé au procureur de la République les conditions irrégulières, au regard du Code des marchés publics, dans lesquelles avait été passé, par la commune de Montoire sur le Loir avec les dirigeants de la société A…, Alain A… et Nadège Z…, épouse A…, un marché public pour l’édification d’un bâtiment à usage industriel destiné à cette société ;

Que la MIEM a notamment relevé le recours abusif à la procédure de marché négocié en vue de favoriser la société A…, déclarée attributaire des lots 3 et 4 du marché, ainsi que la participation d’Alain et Nadège A…, en qualité de conseillers municipaux, aux délibérations du conseil municipal de la commune de Montoire sur le Loir relatives à la maîtrise d’oeuvre du bâtiment faisant l’objet du marché public ;

Attendu que, pour déclarer les époux A… coupables de recel de favoritisme et prise illégale d’intérêts, les juges retiennent que les intéressés ont commis le délit de recel qui leur est reproché, ayant eu connaissance des multiples aléas de procédure qui n’ont eu pour but que de favoriser indûment leur entreprise et de lui faire obtenir finalement le marché source de profit ;

Qu’ils relèvent que Nadège A… a personnellement pris part à la délibération du 5 septembre 1994 ayant statué sur l’annulation de la procédure négociée et l’approbation du lancement d’un nouvel appel d’offres ;

qu’ils constatent qu’Alain A… a participé en personne à la délibération du 25 mars 1996 concernant la maîtrise d’oeuvre du bâtiment faisant l’objet du marché et que, s’il n’a pas participé personnellement à la délibération du 6 mai 1996, au cours de laquelle la commune de Montoire sur le Loir a conclu un contrat de crédit bail portant sur le bâtiment en cause et la SCI « Les Bois Blanche » dont il était le gérant, il a donné un pouvoir à un autre élu qui le représentait ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations procédant de son pouvoir souverain d’appréciation et dès lors que la participation d’un conseiller municipal, par personne interposée munie d’un pouvoir spécial, aux délibérations d’un conseil municipal, lorsque celles-ci portent sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l’article 432-12 du Code pénal, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513, 706-41 et 591 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, violation de la loi ;

« en ce que l’arrêt attaqué ne mentionne pas que la société A…, personne morale poursuivie en qualité de prévenue et représentée par un administrateur judiciaire, ait eu la parole en dernier ainsi que l’exigent les dispositions de l’article 513 du Code de procédure pénale applicables au jugement des infractions commises par les personnes morales aux termes de l’article 706-41 du même Code » ;

Vu l’article 513 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’aux termes du dernier alinéa de ce texte, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers ;

Attendu que l’arrêt attaqué mentionne qu’ont été entendus, à l’audience du 4 juillet 2000, les avocats d’Alain A…, de Nadège A…, d’Hubert X… et de la société A… en leur plaidoirie, le ministère public en ses réquisitions, puis qu’Hubert X…, Alain A… et Nadège A… ont eu la parole en dernier ;

Attendu que de telles mentions ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure de s’assurer qu’il a été satisfait, en ce qui concerne la société A…, poursuivie pour recel de favoritisme, aux exigences du texte susvisé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Orléans, en date du 26 septembre 2000, mais en ses seules dispositions concernant la société A…, toutes autres dispositions concernant les autres prévenus étant expressément maintenues, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Orléans, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 octobre 2001, 00-86.681, Inédit