Cour de cassation, Commission nationale de réparation des détentions, 17 juin 2013, 12CRD043, Publié au bulletin

  • Perte de salaires subie pendant la période de la détention·
  • Revenus procurés par une activité professionnelle·
  • Réparation a raison d'une détention·
  • Production de documents officiels·
  • Preuve par tous moyens·
  • Préjudice économique·
  • Préjudice matériel·
  • Préjudice moral·
  • Réparation·
  • Exception

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Si les revenus procurés par une activité professionnelle doivent, en principe, être prouvés par la production de documents officiels, cette preuve peut, exceptionnellement, être faite par tous moyens, lorsque la situation institutionnelle du pays dans lequel ils ont été perçus met le requérant dans l’impossibilité de verser de telles pièces aux débats La perte des revenus dont le requérant, de nationalité étrangère, arrêté dans son pays et transféré en France, a été effectivement privé, par suite de son placement en détention provisoire, peut seule être indemnisée au titre du préjudice matériel.

Ne sauraient être pris en considération les revenus, purement hypothétiques, qu’il aurait pu percevoir, en France, s’il avait été placé sous contrôle judiciaire, pendant la durée de l’information suivie contre lui L’atteinte psychique résultant de la détention provisoire ne saurait être réparée au titre du préjudice moral, lorsqu’elle est par ailleurs indemnisée au titre du préjudice corporel.

Dès lors, il doit être sursis à statuer sur l’indemnisation du "premier de ces préjudices dans l’attente du rapport de l’expertise ordonnée pour vérifier la réalité et l’étendue du second"

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Sur la décision

Référence :
Cass. comm. réparation, 17 juin 2013, n° 12CRD043, Bull. crim., 2013, Commission nationale de réparation des détentions, n° 5
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 12CRD043
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 2013, Commission nationale de réparation des détentions, n° 5
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 4 novembre 2012
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
Com. nat. de réparation des détentions, 17 juin 2013, décision n° 12CRD041, Bull. crim. 2013, n° 4 (accueil partiel du recours).
Sur le n° 2:Sur la perte de revenus pouvant être indemnisée au titre du préjudice matériel,
Textes appliqués :
Sur le numéro 1 : articles 149 et 150 du code de procédure pénale
Dispositif : Accueil partiel du recours
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000028032646
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:C1RD043
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR DE CASSATION 12CRD043

Audience publique du 15 avril 2013

Prononcé au 17 juin 2013

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l’article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, Mme Vérité, M. Laurent, conseillers référendaires, en présence de Mme Valdès-Boulouque, avocat général et avec l’assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

ACCUEIL PARTIEL du recours formé par M. Abdulqader X…, contre la décision du premier président de la cour d’appel de Paris en date du 5 novembre 2012 qui lui a alloué une indemnité de 90 000 euros en réparation de son préjudice moral et 3 000 euros en réparation de son préjudice matériel sur le fondement de l’article 149 du code précité ainsi qu’une somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et ordonné une expertise au titre du préjudice corporel.

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 15 avril 2013, le demandeur et ses avocats ne s’y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de Me d’Ollone et Me Gregory Saint-Michel, avocats au barreau de Paris, représentant M. X… ;

Vu les conclusions de l’agent judiciaire de l’Etat ;

Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;

Vu la notification de la date de l’audience, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au demandeur, à ses avocats, à l’agent judiciaire de l’Etat et à son avocat, un mois avant l’audience ;

Sur le rapport de M. le conseiller Laurent, les observations de Me D’Ollone et Me Saint-Michel, avocats assistant M. X…, celles de M. X…, comparant, traduits par M. C…, interprète en langue somalienne, ayant prêté serment, et de Meier-Bourdeau, avocat représentant l’agent judiciaire de l’Etat, les conclusions de Mme l’avocat général Valdès-Boulouque, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 5 novembre 2012, le premier président de la cour d’appel de Paris a alloué à M. Abdulqader X… la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison d’une détention provisoire effectuée du 18 avril 2008 au 14 juin 2012, pour des faits d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes commis en bande organisée, vols en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime dont il a été définitivement acquitté, par arrêt de la cour d’assises de Paris en date du 14 juin 2012, celle de 3 000 euros en réparation du préjudice matériel, et celle de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que, le requérant sollicitant l’indemnisation distincte d’un préjudice corporel, il a ordonné, avant dire droit, une expertise médico-psychologique ;

Que M. X… a régulièrement formé un recours contre cette décision ;

Qu’il sollicite l’allocation d’une indemnité de :

—  455 700 euros en réparation de son préjudice moral ;

—  50 000 euros en réparation de son préjudice corporel ;

—  69 100 euros en réparation de son préjudice matériel ;

—  3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que l’agent judiciaire de l’Etat fait valoir qu’ayant ordonné une expertise avant de statuer sur la demande présentée au titre du préjudice corporel, le premier président n’est pas dessaisi de ce chef de demande qui, dès lors, échappe à la connaissance de la commission nationale de réparation des détentions ; qu’il conclut, pour le surplus, au rejet du recours ;

Attendu que l’avocat général conclut au rejet du recours, s’agissant du préjudice matériel, et à la réévaluation de l’indemnité allouée au titre du préjudice moral ;

Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement lié à la privation de liberté ;

Sur les demandes relatives au préjudice corporel et au préjudice moral :

Attendu, d’une part, que le premier président n’a pas encore statué sur la demande d’indemnisation présentée par le requérant, au titre du préjudice corporel, et a ordonné, avant dire droit, une expertise médico-psychologique ; qu’en cet état, la commission nationale de réparation des détentions n’est pas saisie de ce chef de demande ;

Attendu, d’autre part, que M. X… fonde, notamment, sa demande d’indemnisation du préjudice moral sur les troubles psychologiques et psychiatriques qu’il déclare avoir subis, à la suite de son incarcération, et dont il fait valoir qu’ils sont en relation directe avec les conditions d’isolement majeur dans lesquelles s’est déroulée sa détention ;

Attendu qu’en raison du lien existant, manifestement, entre ces deux chefs de demandes, et alors que l’atteinte psychique résultant de la détention ne saurait être réparée au titre du préjudice moral, lorsqu’elle est par ailleurs indemnisée au titre du préjudice corporel, il convient de surseoir à statuer sur la demande présentée par M. X…, au titre du préjudice moral, jusqu’au prononcé de la décision du premier président sur la demande dont il demeure saisi, au titre du préjudice corporel ;

Sur l’indemnisation du préjudice matériel :

Attendu que seule peut être indemnisée, à ce titre, la perte des revenus dont le requérant a été effectivement privé, par suite de son placement en détention provisoire, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération ceux, purement hypothétiques, qu’il aurait pu espérer si, placé sous contrôle judiciaire, il avait été en mesure de travailler, en France, pendant la durée de l’information judiciaire suivie contre lui ;

Attendu que si les revenus procurés par une activité professionnelle, qu’elle soit indépendante ou salariée, doivent, en principe, être prouvés par la production de documents officiels, comptables, fiscaux ou sociaux, il en va, exceptionnellement, autrement lorsque la situation institutionnelle du pays dans lequel ces revenus ont été perçus met le requérant dans l’impossibilité de verser de telles pièces aux débats, auquel cas cette preuve peut être faite par tous moyens ;

Attendu qu’en l’espèce, les dires de M. X…, suivant lesquels son activité saisonnière de pêcheur de langoustes, en Somalie, pouvait lui rapporter environ 200 euros par mois, sont compatibles avec les déclarations faites, à l’enquêteur social, par des membres de sa famille, lesquels ont indiqué qu’il lui arrivait aussi de travailler comme maçon et d’aider un cousin dans l’exploitation d’un puits ;

Attendu qu’en cet état, c’est à tort que le premier président a retenu que, les revenus professionnels du requérant n’étant ni déterminés ni déterminables, seule pouvait donner lieu à indemnisation la perte d’une chance de travailler ;

Attendu, enfin, qu’il n’est pas démontré que l’incarcération, en France, du requérant, qui a été soutenu matériellement par des organismes caritatifs, lui ait causé un appauvrissement, lié à la détention, qui justifierait une indemnisation spécifique, au titre du préjudice matériel ;

Attendu que, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’indemnité allouée par le premier juge apparaît insuffisante, sans pour autant qu’il y ait lieu de faire intégralement droit à la demande du requérant ; qu’il y a lieu de porter à 10 000 euros l’indemnisation du préjudice matériel de M. X… ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Attendu que l’équité commande d’allouer au requérant une indemnité de 1 500 euros, outre celle déjà allouée, sur le même fondement, par le premier président ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE partiellement le recours et statuant à nouveau ;

CONSTATE que le premier président de la cour d’appel de Paris n’est pas, en l’état, dessaisi de la demande d’indemnisation du préjudice corporel présentée par M. Abdulqader X… ;

SURSOIT à statuer sur sa demande d’indemnisation du préjudice moral jusqu’au prononcé de la décision du premier président sur le préjudice corporel ;

ALLOUE à M. Abdulqader X… la somme de 10 000 euros (dix mille euros) au titre de son préjudice matériel ;

REJETTE la requête pour le surplus ;

ALLOUE à M. Abdulqader X… la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre celle déjà allouée par la décision attaquée ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 17 juin 2013 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.

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