Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 mars 2016, 15-10.824, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 2e civ., 10 mars 2016, n° 15-10.824
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-10.824
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Dijon, 19 novembre 2014, N° 13/00864
Textes appliqués :
Article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Article L. 453-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000032195420
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:C200338
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 10 mars 2016

Cassation partielle

Mme FLISE, président

Arrêt n° 338 F-D

Pourvoi n° A 15-10.824

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [W] [Y], domicilié [Adresse 3],

contre l’arrêt rendu le 20 novembre 2014 par la cour d’appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société L. Riffier et C. Basse, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société France location Est,

2°/ à la caisse primaire d’assurance maladie de Saône-et-Loire, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 3 février 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Depommier, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Depommier, conseiller, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. [Y], l’avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’ayant été victime, dans la nuit du 13 au 14 juillet 2008, d’un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie de Saône-et-Loire, le chariot élévateur qu’il conduisait s’étant renversé, M. [Y] a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société France location Est ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 453-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que présente le caractère d’une faute inexcusable de la victime au sens de ce texte la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;

Attendu que pour rejeter les demandes, l’arrêt retient que l’intéressé a volontairement conduit un engin dangereux pour lequel un permis spécial est exigé, dont il ne disposait pas, sans aucune précaution de sécurité, en dehors des limites de sa mission de « chef de groupe/monteur » alors qu’il intervenait depuis plusieurs années pour l’entreprise dans le cadre du Tour de France et savait que seuls les caristes étaient habilités à conduire ces engins ce qui a été confirmé par l’ensemble des salariés de l’entreprise ; qu’il a ainsi commis une faute inexcusable conduisant à rejeter sa demande de majoration de la rente à son taux maximum en application de l’article L. 453-1 du code de la sécurité sociale ;

Qu’en statuant ainsi, par de tels motifs, impropres à caractériser une faute inexcusable du salarié victime, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu’il résulte du dernier alinéa de ce texte que la réparation des préjudices allouée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dus à la faute inexcusable de l’employeur, indépendamment de la majoration de rente, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ; que le bénéfice de ce versement direct s’applique également aux indemnités réparant les préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter les demandes d’expertise et de provision, l’arrêt retient que l’expertise ne peut aboutir qu’à déterminer les postes de préjudices au titre de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et les préjudices non couverts par le livre IV du même code en application de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 ; que l’indemnisation de ces derniers n’est pas prise en charge par l’organisme de sécurité sociale, mais demeure à la charge de l’employeur ; que, faute pour M. [Y] d’avoir régularisé une déclaration de créance au passif de la procédure collective de l’employeur, aucune demande indemnitaire ne peut aboutir ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement des chefs relatifs à la faute inexcusable du salarié victime et au rejet des demandes de majoration de rente, d’expertise et de provision, l’arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ;

Condamne la société L. Riffier et C. Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société France Location Est aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [Y] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille seize.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. [Y].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau, d’AVOIR dit que M. [Y] avait commis une faute inexcusable, d’AVOIR débouté M. [Y] de sa demande de liquidation de rente à son taux maximum en application de l’article L. 453-1 du Code de la sécurité sociale, d’AVOIR dit n’y avoir lieu d’ordonner une nouvelle expertise et d’AVOIR débouté M. [Y] de sa demande de provision.

AUX MOTIFS QUE la société France Location Est fait valoir par ailleurs que l’accident est lié à la faute inexcusable de M. [Y] qui a pris l’initiative de conduire un engin dangereux, sans aucune précaution de sécurité et en dehors des limites de sa mission ; que la faute de la victime n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de la responsabilité qu’il encourt en raison de sa faute inexcusable ; que seule une faute inexcusable de la victime, au sens de l’article L. 453-1 du Code de la sécurité sociale, peut permettre de réduire la majoration de sa rente ; que présente un tel caractère la faute volontaire de la victime d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu’en l’espèce, après la pause repas, vers 23 heures, M. [Y] s’est moqué amicalement du travail de M. [G], cariste, en indiquant que c’est une activité facile car il reste assis tout le temps dans son chariot ; que M. [G] lui a alors proposé d’essayer l’engin et lui a montré comment démarrer le chariot et le manipuler ; que si Monsieur [L] était présent lors de l’échange de propos ayant conduit M. [Y] à prendre place sur la chariot, il ne résulte aucunement de son témoignage devant la gendarmerie que M. [G] ait donné l’ordre à Monsieur [Y] de déplacer l’engin jusqu’au chantier puisqu’il se contente d’indiquer que M. [G] a proposé à M. [Y] « d’essayer pour se rendre compte de la difficulté » ; qu’il résulte du témoignage de M. [P], qui a vu M. [Y] sur le chariot, que l’engin était à l’arrêt lorsqu’il s’est éloigné ; qu’il n’a pas entendu M. [G] donner l’ordre à M. [Y] de déplacer l’engin jusqu’au chantier ; que M. [G], s’il a reconnu avoir montré à M. [Y], comment manipuler l’engin, a nié lui avoir donné l’ordre de l’emmener jusqu’au chantier ; que dans le cadre de ses premières déclarations, M. [Y] n’indiquait pas plus avoir reçu l’ordre de M. [G], dont il n’est pas établi qu’il ait usé d’un quelconque pouvoir hiérarchique, de déplacer l’engin jusqu’au chantier puisqu’il précisait "je pense que [X] [G] a dû me faire la réflexion suivante : si c’est si facile, tu n’as qu’à monter le chariot jusqu’au chantier" ce qui ne démontre même pas une certitude quant à la possibilité de déplacer le chariot sur une quelconque distance ; que M. [Y] a d’ailleurs déclaré, après l’accident, à M. [M], son supérieur « j’ai joué au con, pourquoi j’ai fait ça » ; qu’ainsi, M. [Y] a volontairement conduit un engin dangereux pour lequel un permis spécial est exigé, dont il ne disposait pas, sans aucune précaution de sécurité, en dehors des limites de sa mission de « chef de groupe/monteur » alors qu’il intervenait depuis plusieurs années pour cette entreprise dans le cadre du Tour de France et savait que seuls les caristes étaient habilités à conduire ces engins ce qui a été confirmé par l’ensemble des salariés de l’entreprise ; qu’en conséquence, M. [Y] a commis une faute inexcusable conduisant à rejeter sa demande de majoration de la rente à son taux maximum en application de l’article L. 453-1 du Code de la sécurité sociale ;

1°) ALORS QUE ne revêt un caractère inexcusable que la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable la victime à un danger dont elle aurait dû avoir conscience ; qu’en jugeant que M. [Y] aurait commis une faute inexcusable, motifs pris de ce qu’il aurait « volontairement conduit un engin dangereux pour lequel un permis spécial est exigé, dont il ne disposait pas, sans aucune précaution de sécurité, en dehors des limites de sa mission de « chef de groupe/monteur » alors qu’il intervenait depuis plusieurs années pour cette entreprise dans le cadre du Tour de France et savait que seuls les caristes étaient habilités à conduire ces engins » (arrêts, p. 7, § 2), se bornant ainsi à constater une imprudence n’ayant pas le caractère d’une faute inexcusable, la Cour d’appel a violé l’article L. 453-1 du Code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, lorsqu’elle est concurrente avec la faute inexcusable de l’employeur, la faute inexcusable du salarié n’a pas pour effet de le priver de la totalité de la majoration de la rente, mais entraîne simplement sa diminution ; qu’en rejetant toute majoration de la rente de M. [Y], en dépit de la faute inexcusable de la société France Location Est, la Cour d’appel a derechef violé l’article L. 453-1 du Code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit n’y avoir lieu d’ordonner une nouvelle expertise et d’AVOIR débouté M. [Y] de sa demande de provision ;

AUX MOTIFS QUE M. [Y] sollicite une expertise afin de faire liquider son préjudice et une provision de 50.000 € ; attendu que l’expertise ne peut aboutir qu’à déterminer les postes de préjudices au titre de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et les préjudices non couverts par le livre IV du même Code en application de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 ; qu’aux termes de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, si les demandes d’indemnisation de ce chef peuvent être formées devant la juridiction des affaires de sécurité sociale, elles ne conduisent pas pour autant à une prise en charge par la CPAM et demeurent des condamnations éventuelles à la charge de l’employeur ; que dans la mesure où aucune déclaration de créance n’a été régularisée par M. [Y] dans la procédure collective de la société France Location Est, aucune demande indemnitaire ne peut aboutir ; que cette demande doit donc être rejetée ;

ALORS QUE la réparation des préjudices allouée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dus à la faute inexcusable de l’employeur est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ; qu’en déboutant M. [Y] de sa demande de provision et en jugeant n’y avoir lieu d’ordonner une expertise, motif pris de ce qu'« aux termes de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, si les demandes d’indemnisation de ce chef peuvent être formées devant la juridiction des affaires de sécurité sociales, elles ne condui[raient] pas pour autant à une prise en charge par la CPAM et demeu[reraient] des condamnations éventuelles à la charge de l’employeur » et que « dans la mesure où aucune déclaration de créance n’a été régularisée par M. [Y] dans la procédure collective de la société France Location Est, aucune demande indemnitaire ne p[ourrait] aboutir » (arrêt, p. 7, § 4 à 8), quand l’absence de déclaration de créance du salarié victime à la procédure collective de l’employeur est sans incidence sur son droit à obtenir l’indemnisation directe par la caisse des chefs de préjudice visés par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, ainsi que de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale, la Cour d’appel a violé l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.

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Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 mars 2016, 15-10.824, Inédit