Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 décembre 2019, 18-22.605, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 2e civ., 12 déc. 2019, n° 18-22.605
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-22.605
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Basse-Terre, 21 mai 2018
Textes appliqués :
Article 706-3 du code de procédure pénale.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000039660298
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C202137
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 12 décembre 2019

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 2137 F-D

Pourvoi n° T 18-22.605

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 22 mai 2018 par la cour d’appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à M. B… C…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 13 novembre 2019, où étaient présents : M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. C…, l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article 706-3 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par requête du 28 janvier 2015, M. C…, victime de blessures par arme à feu commises le 9 décembre 2012 par M. G…, a saisi le président d’une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (la CIVI) d’une demande d’expertise et de versement d’une provision de 200 000 euros ;

Attendu que pour déclarer sa requête recevable et dire que M. C… n’avait pas commis de faute de nature à limiter son droit à indemnisation, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le procès-verbal d’enquête a fait apparaître que M. C… était consommateur de stupéfiants et s’approvisionnait auprès de M. G… ; qu’il n’existe cependant aucun lien de causalité entre son comportement et ses blessures causées par arme à feu alors qu’arrivé comme passager d’un scooter à proximité du domicile d’un tiers, auquel il rendait visite, il avait vu M. G… surgir d’une voiture, pistolet à la main, lui réclamant de l’argent et lui tirant dans le dos alors qu’il s’enfuyait ; qu’il résulte des auditions de M. C… au cours de l’instruction que l’origine de l’infraction résiderait dans une dette de 50 euros envers M. G…, solde d’une dette de 150 euros provenant de l’acquisition d’herbe de cannabis, dont il admettait être consommateur ; que M. G…, qui était décrit comme une personne particulièrement dangereuse, lui avait réclamé à plusieurs reprises son argent, lui avait fixé une date limite de remboursement le 7 décembre 2012 et le recherchait activement dans les jours précédant les faits, ce qui avait conduit M. C… à se cacher ; qu’il résulte de ces éléments que M. C… avait volontairement fréquenté une personne qu’il savait dangereuse, afin, selon ses propres déclarations, d’obtenir des stupéfiants ; que, toutefois, il n’est pas certain que la dette de 50 euros de M. C… est liée à la revente de stupéfiants et non à sa simple consommation personnelle et qu’il n’est pas établi que M. C… se livrait à des actes de délinquance de manière habituelle ; que si l’on peut considérer que M. C… a commis une faute en raison de sa fréquentation volontaire d’un milieu criminel pour acheter des produits stupéfiants, cette faute n’était pas en lien certain et direct avec l’atteinte à son intégrité physique ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que l’infraction trouvait son origine dans une dette contractée auprès d’une personne, qualifiée de dangereuse, pour l’obtention de produits stupéfiants, faisant ainsi ressortir l’existence d’un lien direct entre le comportement délictueux de M. C… et son dommage, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 mai 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR déclaré recevable la demande de M. C…, d’AVOIR dit que M. C… n’avait pas commis de faute de nature à limiter son indemnisation, d’AVOIR ordonné une expertise médicale et d’AVOIR alloué à M. C… une provision de 30 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’à l’énoncé de l’article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, mais la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ; qu’il appartient au fonds de garantie de démontrer la faute de la victime ; que cette faute ne saurait être présumée à partir de la circonstance que la victime, blessée par arme à feu, était connue pour ses activités illégales et ses relations douteuses ; que le procès-verbal d’enquête a fait apparaître que M. C… était consommateur de stupéfiants et s’approvisionnait auprès de L… G… ; qu’il n’existe cependant aucun lien de causalité entre son comportement et ses blessures causées par arme à feu alors qu’arrivé comme passager d’un scooter à proximité du domicile de Mme E…, à laquelle il rendait visite, il avait vu L… G… surgir d’une voiture, pistolet à la main, lui réclamant de l’argent et lui tirant dans le dos alors qu’il s’enfuyait ; qu’en conséquence, la décision qui a considéré qu’il n’a pas commis de faute de nature à limiter son indemnisation sera confirmée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’il résulte des auditions de B… C… au cours de l’instruction que l’origine de l’infraction résiderait dans une dette de 50 euros envers L… G…, solde d’une dette de 150 euros provenant de l’acquisition d’herbe de cannabis, dont il admettait être consommateur ; qu’il indiquait que sa consommation de stupéfiants était en lien avec le décès de sa mère dans ses bras suite à un cancer et à son isolement familial, le reste de sa famille ayant notamment tenté de le faire interner pour s’approprier la maison familiale ; qu’il apparaît que L… G…, qui était décrit comme une personne particulièrement dangereuse, lui avait réclamé à plusieurs reprises son argent, directement ou par l’intermédiaire de messagers, lui avait fixé une date limite de remboursement le 7 décembre 2012 et le recherchait activement dans les jours précédents les faits, ce qui avait conduit B… C… à se cacher ; qu’il résulte de ces éléments que B… C… a volontairement fréquenté une personne qu’il savait dangereuse afin, selon ses propres déclarations, d’obtenir des stupéfiants ; que toutefois, contrairement à ce que soutient le Fond de garantie, il n’est pas certain que la dette de 50 euros de B… C… envers L… G… était liée à la revente de stupéfiants et non à sa simple consommation personnelle ; que de même, il n’est pas établi que B… C… se livrait à des actes de délinquance de manière habituelle ; que dès lors, il n’est pas possible d’affirmer que les faits sont liés à un règlement de compte entre délinquants ; que s’agissant du déroulement des faits en eux-mêmes, il résulte des déclarations de B… C… que L… G… l’a immédiatement menacé de son arme, ce que confirment O… D… et J… S… qui l’ont vu descendre du véhicule une arme à la main ; que le témoignage de O… D… qui se trouvait à plusieurs mètres de distance et dans la pénombre, selon lequel B… C… aurait donné des coups de poing à L… G…, n’est pas confirmé, et d’ailleurs, il ne saurait être reproché à B… C… d’avoir tenté de se défendre alors qu’il se trouvait sous la menace d’une arme à feu ; que de plus, il est établi que B… C… a été touché à l’épaule alors qu’il tentait de fuir la scène, de sorte qu’il ne peut être considéré qu’il a participé activement à une bagarre ; qu’or, il est constant qu’il doit exister un lien de causalité certain et direct entre la faute de la victime et l’atteinte à son intégrité physique pour que cette faute soit de nature à limiter son indemnisation ; que si l’on peut considérer que B… C… a commis une faute en raison de sa fréquentation volontaire d’un milieu criminel pour acheter des produits stupéfiants, cette faute n’est pas en lien certain et direct avec l’atteinte à son intégrité physique ; qu’en effet, le simple fait d’être débiteur de 50 euros envers un délinquant d’habitude n’entraine pas de manière certaine et directe les faits dont a été victime B… C… qui a été traqué, puis abattu et a survécu par chance ; que par conséquent, il convient de considérer que B… C… n’a pas commis de faute de nature à limiter l’indemnisation de son préjudice ;

1°) ALORS QUE la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage ; qu’en jugeant que le comportement de M. C… ne serait pas en relation de causalité avec son dommage, quand elle avait relevé, par motifs propres et adoptés, d’une part, que la victime avait volontairement fréquenté une personne appartenant à un milieu criminel et qu’elle savait dangereuse pour acheter des produits stupéfiants (jugement, p. 3, in fine et p. 4, § 6), et d’autre part, qu'« il résulte des auditions de B… C… au cours de l’instruction que l’origine de l’infraction résiderait dans une dette de 50 euros envers L… G…, solde d’une dette de 150 euros provenant de l’acquisition d’herbe de cannabis, dont il admettait être consommateur », qu'« il apparaît que L… G…, qui était décrit comme une personne particulièrement dangereuse, lui avait réclamé à plusieurs reprises son argent, directement ou par l’intermédiaire de messagers, lui avait fixé une date limite de remboursement le 7 décembre 2012 et le recherchait activement dans les jours précédents les faits, ce qui avait conduit B… C… à se cacher » (jugement, § 3, p. 10 et 12) et que le jour des faits, M. C…, « arrivé comme passager d’un scooter à proximité du domicile de Mme E…, à laquelle il rendait visite, [

] avait vu L… G… surgir d’une voiture, pistolet à la main, lui réclamant de l’argent et lui tirant dans le dos alors qu’il s’enfuyait » (arrêt, p. 3, § 2), motifs dont résultait l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre son agression et sa fréquentation de M. G… et l’existence d’une dette demeurée impayée à son égard, la cour d’appel a violé l’article 706-3 du code de procédure pénale ;

2°) ALORS QUE la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage ; qu’en écartant tout lien de causalité entre l’agression de M. C… et sa fréquentation de M. G… et l’existence d’une dette demeurée impayée à son égard aux motifs inopérants, d’une part, que la dette de 50 euros de B… C… envers L… G… pourrait être liée à « sa simple consommation personnelle » de stupéfiants (jugement, p. 4, § 1er), d’autre part, qu'« il n’est pas établi que B… C… se livrait à des actes de délinquance de manière habituelle » (jugement, p. 4, § 1er), et enfin « qu’il ne peut être considéré » que M. C… « a participé activement à une bagarre » (jugement, p. 4, § 4), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

3°) ALORS QUE la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage ; qu’en retenant, pour écarter l’existence d’une faute de M. C… en relation de causalité avec son dommage, que « le simple fait d’être débiteur de 50 euros envers un délinquant d’habitude n’entraine pas de manière certaine et directe les faits dont a été victime B… C… qui a été traqué, puis abattu et a survécu par chance » (jugement, p. 4, § 7), quand la circonstance que la faute de la victime aurait suscité, de la part de l’auteur de l’infraction, une réaction disproportionnée, n’est pas de nature à faire disparaître le lien de causalité, le comportement du requérant n’en ayant pas moins concouru à la survenance de son propre dommage, la cour d’appel a violé l’article 706-3 du code de procédure pénale.

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