Cour de discipline budgétaire et financière, Port autonome de Nantes - Saint-Nazaire, 20 décembre 1982

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 20 déc. 1982, n° 136
Numéro(s) : 136
Publication : Journal officiel, 16/10/1983, NC, p. 9393Cahiers de comptabilité publique, n° 2. - Centre de publications de l'Université de Caen, 1990, p. 211Les grands arrêts de la jurisprudence financière. - Dalloz, 1996. - p. 496
Date d’introduction : 20 décembre 1982
Date(s) de séances : 20 décembre 1982
Textes appliqués :
Code des ports maritimes R133-23.Loi 48-1484 1948-09-25.Loi 55-1069 1955-08-06.Loi 63-778 1963-07-31.Loi 71-564 1971-07-13.Décret 62-1587 1962-12-29.Décision 1979-01-31 Parquet près la cour des comptes.Décision 1979-04-06 Président de la CDBF.Décision 1982-10-05 Premier Président de la cour de comptes.Réquisitoire 1979-03-28 Procureur général de la République.Avis 1981-02-16 Ministre des Transports.Avis 1981-07-17 Ministre de l’Urbanisme et du Logement.Avis 1981-09-03 Ministre délégué chargé du budget.Conclusions 1981-10-26 Procureur général de la République.
Identifiant Cour des comptes : JF00077436

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71- 564 du 13 juillet 1971 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat et de diverses collectivités et portant création d’une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 31 janvier 1979, enregistrée au Parquet le 6 février 1979, par laquelle la Cour des Comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d’irrégularités constatées dans la gestion du Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, et nommément déféré M. GOUET, directeur du port autonome jusqu’au 7 avril 1974, et M. ANDRAU, directeur du même établissement à partir de cette date ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 28 mars 1979 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 6 avril 1979 désignant comme rapporteur M. COLINET, Conseiller Référendaire à la Cour des Comptes ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le Procureur Général de la République le 10 juillet 1979 respectivement à M. GOUET et à M. ANDRAU, et le 18 mars 1980 à M. TISSOT, président du Conseil d’Administration du port autonome à l’époque des faits, les informant de l’ouverture d’une instruction et les avisant qu’ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu les avis émis respectivement le 16 février 1981 par le ministre des Transports, le 17 juillet 1981 par le ministre de l’Urbanisme et du logement et le 3 septembre 1981 par le ministre délégué chargé du budget ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 26 octobre 1981 renvoyant MM. GOUET, ANDRAU et TISSOT devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le procès-verbal en date du 26 février 1982 de la Commission administrative paritaire du corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées siégeant en formation disciplinaire pour examiner les cas de MM. GOUET et ANDRAU ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 18 juin 1982 par le Président de la Cour respectivement à M. GOUET et à M. ANDRAU, les avisant qu’ils pouvaient dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l’affaire soit par eux-mêmes, soit par un mandataire, soit par le ministère d’un avocat, d’un avoué ou d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu les mémoires en défense présentés respectivement le 30 août 1982 par M. GOUET et le 31 août 1982 par M. ANDRAU ;

Vu la décision du Président de la Cour en date du 5 octobre 1982 désignant M. CHEVAGNY, Conseiller Maître à la Cour des Comptes, pour présenter le rapport sur l’affaire devant la Cour, en remplacement de M. COLINET, nommé Commissaire de Gouvernement ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d’interrogatoires ;

Ouï M. CHEVAGNY, en son rapport ;

Ouï M. ROUSSELIN, ingénieur général des Ponts et Chaussées, à l’époque des faits adjoint au directeur des Ports Maritimes, en sa qualité de témoin ;

Ouï le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Ouï, en leurs observations, MM. GOUET et ANDRAU, ayant eu la parole les derniers ;

SUR LES FAITS

Considérant que, dans sa séance du 15 février 1974, le Comité de direction du Port Autonome a décidé de faire don à M. GOUET d’un tableau du peintre Mathieu que l’établissement avait acquis en 1968 au prix de 28195 francs ; qu’en exécution de cette décision le tableau a été effectivement porté au domicile de M. GOUET, lequel l’a accepté ;

Considérant qu’en février 1971, le Port Autonome avait acquis au prix de 460 000 francs un hôtel particulier situé à Nantes, 15 avenue Camille Flammarion, pour assurer le logement de son directeur, M. GOUET ; que l’intéressé a occupé cet immeuble gratuitement d’une part pendant toute la durée de ses fonctions jusqu’au 7 avril 1974, d’autre part pendant la période subséquente jusqu’au 16 septembre 1974, date de la cession de l’immeuble ;

Considérant que, le 15 février 1974, le Comité de direction du Port autonome a décidé de céder à M. GOUET l’hôtel particulier de l’avenue Camille Flammarion ; qu’en exécution de cette décision un acte passé devant notaire le 16 septembre 1974 a constaté la vente de l’immeuble à M. GOUET moyennant le prix de 398 666 Francs ;

SUR LES QUALIFICATIONS

En ce qui concerne le don du tableau

Considérant que les établissements publics ne peuvent pas disposer de leur patrimoine à titre gratuit ;

Considérant que le Comité de direction du Port Autonome n’avait aucune compétence de droit, ni reçu aucune délégation de compétence du Conseil d’administration pour procéder à des aliénations du patrimoine de l’établissement ;

Considérant en conséquence que la décision du Comité de direction du 15 février 1974 est irrégulière ;

Considérant qu’à cette date M. GOUET était encore directeur du Port Autonome ; qu’il ne s’est pas opposé à une telle mesure, mais qu’au contraire il a accepté cette libéralité ; qu’il a donc participé à une irrégularité grave concernant la gestion des biens de l’établissement dont il devait assurer la conservation ; que cette irrégularité constitue une infraction visée par l’article 5 alinéa 1 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

En ce qui concerne l’occupation gratuite de l’immeuble de l’avenue Flammarion :

Considérant que l’occupation gratuite de l’immeuble de l’avenue Camille Flammarion par M. GOUET pendant la période où il était directeur, n’était par régulière en l’absence d’une concession de logement, mais qu’elle se conformait à un usage, certes regrettable, mais traditionnel au Port Autonome de Nantes Saint-Nazaire ;

Considérant en revanche que, pour la période postérieure au 7 avril 1974 et jusqu’à la cession de l’immeuble, le Comité de direction avait expressément prévu que l’hôtel particulier serait loué à M. GOUET ; qu’aucun acte n’a été passé ni aucune redevance réclamée ; que l’émission des ordres de recette incombait au directeur de l’établissement, à savoir M. ANDRAU, qui avait pris ses fonctions le 7 avril 1974 ; que le préjudice ainsi causé par l’absence de loyer pendant cette période peut être évalué à 10 000 F ; qu’en négligeant d’émettre les titres, M. ANDRAU a enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes, infraction prévue par l’article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu’en méconnaissance de ses obligations de directeur, il a procuré à M. GOUET un avantage pécuniaire d’environ 10000 F, entraînant un préjudice du même montant pour l’établissement, infraction prévue par l’article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

En ce qui concerne l’aliénation de l’immeuble de l’avenue Flammarion :

Considérant qu’en vertu des dispositions des articles 161 et 198 du décret du 29 décembre 1962, l’autorisation préalable du Conseil d’administration est nécessaire en cas d’aliénation de biens immobiliers ; qu’en outre, l’accord préalable du ministre des finances et du ministre chargé des ports maritimes est en pareil cas exigé par l’article R 113-23 du Code des ports maritimes ; que, dans ces conditions, le Comité de direction du Port autonome n’avait aucune compétence pour décider de l’aliénation d’un immeuble ;

Considérant que la vente a été consentie sans que le service des Domaines ait été préalablement consulté, en violation des dispositions de l’article R 113-22 du Code des ports maritimes ; que le prix consenti, soit 398 666 francs, était manifestement inférieur à la valeur réelle de l’immeuble et qu’il fait apparaître par rapport à la valeur nette comptable dudit immeuble une perte de 90 800 F, qui ne tient d’ailleurs pas compte de l’érosion monétaire constatée entre 1971 et 1974 ; que le fait que la vente n’a pas été effectuée à un juste prix a été confirmé tant par l’expertise effectuée ultérieurement par un cabinet de techniciens privé que par l’évaluation admise en définitive par l’administration des Domaines ;

Considérant que M. GOUET a été le bénéficiaire de l’opération de cession incriminée ; qu’il exerçait à l’époque où a été prise la décision du Comité de direction les fonctions de directeur ; qu’il lui appartenait, en sa qualité d’agent d’exécution du Conseil d’administration dans toutes les matières qui sont de la compétence de cette assemblée, de relever la nécessité de recueillir la décision de celle-ci et l’accord des ministres intéressés, après avoir au préalable obtenu l’avis du service des Domaines relativement au prix ; qu’en s’abstenant d’engager ces procédures essentielles, il a enfreint les règles relatives à la gestion des biens appartenant à l’établissement, infraction prévue par l’article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que M. ANDRAU a signé l’acte de vente du 16 septembre 1974 sans avoir demandé ni obtenu l’autorisation du Conseil d’administration et l’accord préalable des ministres intéressés et sans avoir consulté le service des Domaines ; qu’il a ainsi enfreint les règles relatives à la gestion des biens appartenant à l’établissement, infraction prévue par l’article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu’en méconnaissance de ses obligations, il a procuré à M. GOUET un avantage pécuniaire entraînant un préjudice pour l’établissement, infraction prévue par l’article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

SUR LES RESPONSABILITES

Considérant que M. GOUET fait valoir que le tableau dont il lui avait été fait don constituait un cadeau de départ, de valeur bien inférieure à celle des cadeaux traditionnellement offerts aux directeurs de ports autonomes lors de la cessation de leurs fonctions ; que les débats ont établi de façon apparemment formelle que la pratique alléguée n’avait pas cours à l’heure actuelle, sans qu’il puisse être tenu pour certain qu’elle n’avait pas eu, à une époque antérieure, quelque réalité ; mais qu’en tout état de cause de telles libéralités, consenties par des agents publics à certains d’entre eux sur des biens publics dont ils avaient la charge, constituent un usage dépourvu de tout fondement juridique et au surplus injustifiable ;

Considérant que M. GOUET expose que, s’il était désireux de conserver après son départ son ancien logement de fonctions, il avait initialement hésité entre un achat et une prise en location qui aurait eu ses préférences, et qu’il n’aurait cédé qu’aux instances pressantes des autorités du port autonome soucieuses d’aliéner l’hôtel de l’avenue Flammarion ; que le dossier ne permet pas de tenir cette thèse pour établie ;

Considérant que M. GOUET a accepté des opérations irrégulières qui lui ont procuré d’importants avantages pécuniaires au détriment de l’établissement public ; qu’il y a lieu toutefois de relever que, lorsqu’il y a été invité, M. GOUET a restitué le tableau et versé tant le montant du loyer non recouvré que le supplément de prix correspondant à la sous-estimation constatée de l’immeuble acquis par lui ;

Considérant que M. ANDRAU invoque son ignorance, à l’époque, de la réglementation afférente aux aliénations du patrimoine de l’établissement, mais que cette ignorance ne saurait couvrir la faute importante qu’il a commise ; que l’intéressé rappelle qu’à son arrivée il a dû faire face à de nombreuses tâches qui ont pu détourner son attention de certains problèmes de gestion courante, comme par exemple le recouvrement des loyers à la charge de M. GOUET à compter du 7 avril 1974, mais qu’il est constant à cet égard que l’agent-comptable avait rappelé à M. ANDRAU le 27 juin 1974 la nécessité d’émettre un ordre de recette ;

Considérant que le commissaire du Gouvernement et le contrôleur d’Etat auprès du Port autonome de Nantes Saint-Nazaire, dont l’une des missions est de faire respecter les dispositions législatives et réglementaires concernant ce type d’établissement, et le cas échéant de s’opposer à des mesures qui leur sont contraires, n’ont au cours de la période en cause ni mis leur veto à des décisions manifestement irrégulières ni même attiré l’attention des autorités du port autonome sur leur caractère anormal ; que les fonctionnaires chargés du contrôle ne peuvent alléguer que les dispositions adoptées ne constituaient que de simples prises de position de principe, alors qu’elles étaient qualifiées de décisions ; que le contrôleur d’Etat a visé le procès- verbal de la réunion du comité de direction du 15 février 1974 avec la mention : « sans observation », que, dans ces conditions, les autorités du port autonome ont pu penser que leurs propositions recevaient, dans une certaine mesure, l’aval des administrations de tutelle ou tout au moins ne rencontraient pas d’objections majeures de leur part ; que, si cette attitude des fonctionnaires chargés du contrôle ne peut entraîner une exonération de la responsabilité de MM. GOUET et ANDRAU, elle est susceptible toutefois de constituer une circonstance atténuante pour les intéressés ;

Considérant que M. TISSOT, président du Conseil d’administration du Port Autonome de Nantes Saint-Nazaire, a pris, dans les décisions irrégulières en cause, une part importante de nature à constituer les infractions prévues par les articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée; que le décès de M. TISSOT, survenu le 29 janvier 1982, fait obstacle à l’exercice de poursuites à son égard ; que son comportement n’en constituait pas moins, dans une certaine mesure, une circonstance atténuante pour MM. GOUET et ANDRAU ;

Considérant qu’il sera fait une équitable appréciation de l’ensemble des circonstances en infligeant une amende de dix mille francs à M. GOUET et de deux mille francs à M. ANDRAU ;

ARRETE :

Article 1er – M. GOUET est condamné à une amende de dix mille francs

Article 2 – M. ANDRAU est condamné à une amende de deux mille francs

Article 3 – Le présent arrêt sera publié au journal officiel de la République française.

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