Conseil d'État, Section du Contentieux, 29 janvier 2003, 245239, Publié au recueil Lebon
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
Lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle dont il résulte qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que l’existence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
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Par Yossra ABASSI, Juriste Le 25/10/2023 Que reste-t-il de l'adage « un ouvrage public même mal planté ne se détruit pas » ? En théorie, plus rien ! Depuis le revirement de jurisprudence opéré par le Conseil d'Etat dans sa décision Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes Maritimes c/ commune de Clans^1, du 29 janvier 2003, il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à la démolition d'un ouvrage public, de déterminer, eu égard à la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statut, s'il y a lieu de procéder ou …
Nouvelle diffusion « Ouvrage public mal planté ne se détruit point » : des générations de juristes ont appris cet adage selon lequel un ouvrage public, même construit illégalement, restait en l'état. Ce principe n'est plus, loin s'en faut, aussi intégral qu'il le fut. Mais n'empêche : le juge ne pourra ordonner la démolition de l'ouvrage public que si plusieurs conditions se trouvent réunies. Source : voir notamment CE, 9 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, n° 245239, AJDA 2003, p. 784. Il ne faut donc pas se ruer …
Sur la décision
Référence : | CE, sect. cont., 29 janv. 2003, n° 245239, Lebon |
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Juridiction : | Conseil d'État |
Numéro : | 245239 |
Importance : | Publié au recueil Lebon |
Type de recours : | Excès de pouvoir |
Décision précédente : | Cour administrative d'appel de Marseille, 4 mars 2002 |
Identifiant Légifrance : | CETATEXT000008135721 |
Identifiant européen : | ECLI:FR:CEORD:2003:245239.20030129 |
Sur les parties
- Rapporteur : M. Jean-François Debat
- Rapporteur public : Mme Maugüé
- Cabinet(s) :
- Parties : SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L' ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES
Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2002, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES, dont le siège est situé 18, rue de Châteauneuf à Nice (06000) et la COMMUNE DE CLANS (06000) ; ils demandent au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 5 mars 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a ordonné à la COMMUNE DE CLANS de procéder à la dépose de la ligne électrique aérienne basse tension destinée à desservir le quartier « Le Pouet » et de remettre les lieux en état dans un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de six mois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
— le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
— les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES et de la SCP Tiffreau, avocat de Mme B…,
— les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement en date du 31 décembre 1996, le tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de Mme B…, l’arrêté en date du 14 août 1996 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a approuvé le projet de détail du tracé de la ligne électrique aérienne à basse tension destinée à desservir le quartier « Le Pouet » dans la COMMUNE DE CLANS ; que, par deux arrêts en date du 9 décembre 1999, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté les appels interjetés à l’encontre de ce jugement par le SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES et par la COMMUNE DE CLANS ; que sur le fondement des dispositions de l’article L. 8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors en vigueur, Mme B… a demandé à la cour administrative d’appel de Marseille d’assurer sous astreinte l’exécution du jugement du 31 décembre 1996 du tribunal administratif de Nice ; que le SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES et la COMMUNE DE CLANS demandent l’annulation de l’arrêt en date du 5 mars 2002 par lequel la cour administrative d’appel a ordonné à la COMMUNE DE CLANS de procéder à la dépose de la ligne et de remettre les lieux en état dans un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de six mois ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-4 du code de justice administrative : « En cas d’inexécution d’un jugement ou d’un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d’appel qui a rendu la décision d’en assurer l’exécution. Toutefois, en cas d’inexécution d’un jugement frappé d’appel, la demande d’exécution est adressée à la juridiction d’appel. Si le jugement ou l’arrêt dont l’exécution est demandée n’a pas défini les mesures d’exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte » ;
Considérant que lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle dont il résulte qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent le SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES et la COMMUNE DE CLANS, en ordonnant sous astreinte à la commune de procéder à la dépose de la ligne électrique, la cour administrative d’appel, qui n’a pas statué au-delà des conclusions dont elle était saisie, n’a ni commis d’erreur de droit, ni méconnu les pouvoirs qu’elle tenait de l’article L. 911-4 précité du code de justice administrative ;
Sur la demande de Mme B… tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B… et de condamner solidairement le SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES et la COMMUNE DE CLANS à lui verser la somme de 2 300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES et de la COMMUNE DE CLANS est rejetée.
Article 2 : Le SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES et la COMMUNE DE CLANS sont condamnés solidairement à verser à Mme B… la somme de 2 300 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ DES ALPES-MARITIMES, à la COMMUNE DE CLANS, à Mme A… B… et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Textes cités dans la décision
Conseil d'État, 2ème – 7ème chambres réunies, 27 septembre 2023 n°466321 Dans son arrêt du 27 septembre 2023 dernier, le Conseil d'Etat rappelle le régime de plein contentieux très spécifique de l'action en démolition d'un ouvrage public construit ou implanté irrégulièrement sur une propriété privée à savoir : « Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la …