Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 4 mai 2016, 394658, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 7e - 2e ch. réunies, 4 mai 2016, n° 394658
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 394658
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 20 octobre 2015, N° 1501708
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032491621
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2016:394658.20160504

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme J… D… et M. H… F… ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 2015 en vue de la désignation des conseillers départementaux dans le canton de Sarrebourg (Moselle).

Par un jugement n° 1501708 du 21 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces opérations électorales et rejeté les conclusions de M. G… B… tendant au rejet du compte de campagne de M. F… et de Mme D… et au prononcé de leur inéligibilité.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 novembre 2015 et 24 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme K… C… et M. G… B… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement en tant qu’il a annulé les opérations électorales du 29 mars 2015 ;

2°) de valider leur élection et de rejeter la protestation de Mme D… et de M. F… ;

3°) de mettre à la charge de Mme D… et de M. F… la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code électoral ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. F…;

1. Considérant qu’à l’issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 2015 en vue de la désignation des conseillers départementaux du canton de Sarrebourg (Moselle), le binôme constitué par Mme C… et M. B… a obtenu 4 261 voix, tandis que le binôme constitué par Mme D… et M. F… obtenait 4 255 voix, un troisième binôme, constitué de Mme I… et de M. E…, en obtenant 3 143 ; que Mme C… et M. B… relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, sur la protestation de Mme D… et de M. F…, annulé leur élection ;

Sur le grief tiré de la diffusion tardive d’un tract comportant de nouveaux éléments de polémique électorale :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 48-2 du code électoral : « Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 49 du même code : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. / A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que des tracts anonymes ont été distribués dans les boîtes aux lettres à quelques électeurs la veille de l’élection ; qu’il résulte également de la copie d’un courriel versée au dossier que ce tract a été diffusé par voie électronique à un nombre indéterminé de destinataires le même jour ; que ce tract rappelle les conditions de l’élection du président de la communauté de communes de Sarrebourg et invite les électeurs du canton à ne pas confier tous les mandats électifs locaux aux proches du député-maire de Sarrebourg, parmi lesquels sont cités le président de la communauté de communes et M. F…; qu’il appelle également à s’opposer au Front national et à voter pour Mme C… et M. B…;

4. Considérant, toutefois, que les conditions de l’élection du président de la communauté de communes ont fait l’objet de plusieurs articles dans la presse locale en décembre 2013 et en avril 2014 ; qu’ainsi, les tracts litigieux, dont il n’est pas établi que leur diffusion aurait été massive et dont la teneur n’excédait pas les limites de la polémique électorale, ne peuvent être regardés comme introduisant un élément nouveau dans celle-ci ni, par suite, comme étant de nature à altérer la sincérité du scrutin malgré le faible écart de voix entre les deux premiers binômes de candidats ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme C… et M. B… sont fondés à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s’est fondé sur ce motif pour annuler les opérations électorales en litige ;

6. Considérant toutefois qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres griefs soulevés par Mme D… et M. F… dans leur protestation devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur le grief tiré de la diffusion tardive d’un communiqué de presse comportant de nouveaux éléments de polémique électorale :

7. Considérant que s’il résulte de l’instruction que, selon un journal local diffusé le 27 mars 2015, M. A…, suppléant de M. B…, aurait critiqué certains agissements de M. F… à l’occasion d’une réunion du conseil de la communauté de communes, il n’est pas établi que M. A… aurait diffusé un communiqué de presse en méconnaissance des dispositions de l’article L. 48-2 du code électoral citées au point 2 ; que cette diffusion ne peut, par suite, être regardée comme susceptible d’avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Sur le grief tiré de l’apposition d’affiches électorales en dehors des emplacements prévus à cet effet :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 51 du code électoral : « Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales. / (…). Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection (…) est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu’en dehors des panneaux d’affichage d’expression libre lorsqu’il en existe » ;

9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que deux affiches appelant à voter pour Mme C… et M. B… ont été collées en dehors des emplacements réservés à cet effet, sans que la date et la durée de cet affichage ne soient établies ; que, toutefois, cette violation des dispositions de l’article L. 51 du code électoral n’a pas revêtu un caractère massif susceptible d’avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Sur le grief tiré du déroulement irrégulier des opérations de vote dans les bureaux de vote de Gosselming et de Langatte ;

10. Considérant qu’aux termes de l’article R. 58 du code électoral  : « Le droit de prendre part au vote de tout électeur inscrit sur la liste électorale s’exerce sous réserve du contrôle de son identité » ; qu’aux termes de l’article L. 62 du même code : « A son entrée dans la salle du scrutin, l’électeur, après avoir fait constater son identité suivant les règles et usages établis (…) prend, lui-même, une enveloppe (…) » ; qu’aucune disposition n’impose toutefois aux électeurs dans les communes de moins de 1 000 habitants la présentation d’un titre d’identité ;

11. Considérant qu’il n’est ni établi ni même allégué que des personnes auraient voté sous une fausse identité ou auraient été admises à voter dans les bureaux de vote de Gosselming et de Langatte, communes comptant moins de 1 000 habitants, sans avoir été régulièrement inscrites sur la liste électorale ; qu’ainsi, le grief tiré de ce que les opérations électorales se seraient déroulées en méconnaissance des dispositions de l’article R. 58 du code électoral doit être écarté ;

12. Considérant qu’il résulte de ce tout qui précède que Mme C… et M. B… sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 2015 dans le canton de Sarrebourg ;

13. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mme C… et M. B…, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il n’y pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par ces derniers sur le même fondement ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : L’élection de Mme C… et de M. B… en qualité de conseillers départementaux dans le canton de Sarrebourg est validée.

Article 3 : La protestation de Mme D… et de M. F… est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées devant le Conseil d’Etat par Mme C… et M. B…, ainsi que les conclusions présentées par M. F… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme K… C…, M. G… B…, Mme J… D…, M. H… F… et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

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Textes cités dans la décision

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