Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 4 octobre 2019, 416030

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Il excède les prévisions des articles L. 213-1 et suivants du code du patrimoine que l’administration soit tenue, si elle est saisie d’une demande de communication d’archives dans une version qui n’existe plus, de les reconstituer dans leur version d’origine.

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SW Avocats · 2 mai 2021

Par un arrêt du 4 octobre 2019, le Conseil d'Etat se prononce sur la demande de deux citoyens de se voir communiquer les motifs de la sanction disciplinaire infligée à un lieutenant-colonel ayant participé au massacre dit de Thiaroye au Sénégal le 1er décembre 1944, lors duquel des gendarmes français ouvraient le feu sur des tirailleurs sénégalais, anciens prisonniers de guerre, manifestant pour le paiement de leurs indemnités. En application de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978, les requérants s'étaient vu communiquer les documents d'archives publiques, rendues communicables de plein …

 

Philippe Graveleau · Gazette du Palais · 15 octobre 2019
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Sur la décision

Référence :
CE, 10-9 chr, 4 oct. 2019, n° 416030, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 416030
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 26 septembre 2017, N° 1613346/5-3
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000039293306
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2019:416030.20191004

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme D… B… et M. A… C… ont demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler le refus de communication des motifs de la sanction infligée au lieutenant-colonel A. à la suite des évènements survenus à Thiaroye le 1er décembre 1944.

Par un jugement n° 1613346/5-3 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 27 novembre 2017, 27 février et 12 octobre 2018, Mme B… et M. C… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

 – le code du patrimoine ;

 – la loi n° 47-1504 du 16 août 1947 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme D… B… et de M. A… C… ;

Vu la note en délibéré, enregistré le 23 septembre 2019, présentée par Mme B… et M. C… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B… et M. C… ont demandé au ministre de la défense de leur communiquer les motifs de la sanction disciplinaire infligée au lieutenant-colonel A. à la suite des évènements de Thiaroye le 1er décembre 1944. Ils se pourvoient en cassation contre le jugement du 27 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des décisions par lesquelles le ministre de la défense a rejeté leurs demandes et confirmé implicitement ce rejet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour rejeter la demande dont il était saisi, le tribunal administratif s’est fondé sur les motifs que les ratures effectuées sur le document sollicité en application de la loi d’amnistie du 16 août 1947 avaient rendu illisible la mention des motifs de la sanction infligée au lieutenant-colonel A., que la demande des requérants conduirait l’administration à établir un nouveau document au moyen de dispositifs techniques et qu’aucune disposition n’imposait à l’administration de le faire. En statuant ainsi, le tribunal administratif a nécessairement écarté l’argumentation des requérants tenant à l’existence de moyens techniques permettant de lire des mentions qui ont été occultées sur un document. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ne peut qu’être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D’une part, l’article L. 211-1 du code du patrimoine dans sa version applicable en l’espèce dispose que : « Les archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ». Aux termes de l’article L. 213-1 du même code : « Les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l’article L. 213-2, communicables de plein droit. / L’accès à ces archives s’exerce dans les conditions définies pour les documents administratifs à l’article 4 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ». Aux termes de l’article L. 213-2 du même code : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 213-1 :/ I. – Les archives publiques sont communicables de plein droit à l’expiration d’un délai de :/ (…) 3° Cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’Etat dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée, à l’exception des documents mentionnés aux 4° et 5°. Le même délai s’applique aux documents qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître le comportement d’une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice (…) ».

4. D’autre part, l’article 38 de la loi du 16 août 1947 portant amnistie dispose que : « Il est interdit à tout fonctionnaire de l’ordre judiciaire de rappeler ou de laisser subsister, sous quelque forme que ce soit, dans un dossier judiciaire, les condamnations, peines disciplinaires et déchéances effacées par l’amnistie sous réserve des dispositions de l’article 33. / Seules les minutes des jugements ou arrêts déposés dans les greffes échappent à cette interdiction. / Il est interdit de rappeler ou de laisser subsister, sous quelque forme que ce soit, dans tout dossier administratif ou autre document quelconque, concernant les fonctionnaires, agents, employés ou ouvriers des services publics ou concédé des départements ou des communes, les peines disciplinaires effacées par l’amnistie. » L’interdiction résultant de l’article 38 de la loi du 16 août 1947 portant amnistie de rappeler ou de laisser subsister, sous quelque forme que ce soit, dans tout dossier administratif ou tout autre document concernant les fonctionnaires, les sanctions disciplinaires effacées par l’amnistie ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à la communication, dans le respect des délais fixés par le code du patrimoine, d’archives publiques se rapportant aux faits ayant donné lieu à de telles sanctions.

5. Mais il excède les prévisions des articles L. 213-1 et suivants du code du patrimoine que l’administration soit tenue, si elle est saisie d’une demande de communication d’archives dans une version qui n’existe plus, de les reconstituer dans leur version d’origine.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les requérants se sont vu communiquer l’intégralité des archives relatives au dossier administratif du lieutenant-colonel A., conservées au service historique de la défense, où ne figurent deux tableaux intitulés « punitions » que dans une version dont les mentions manuscrites ont été entièrement occultées avec une référence à la loi d’amnistie du 16 août 1947. C’est sans erreur de droit que le tribunal administratif, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les ratures effectuées sur ces documents avaient rendu illisible la mention de la sanction infligée au lieutenant-colonel A. et avaient entraîné la modification du document original, a rejeté la requête de Mme B… et de M. C…, au motif qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoyait l’obligation pour l’administration d’établir un nouveau document afin de répondre à leur demande de communication de documents présentant le caractère d’archives publiques. Si le tribunal a cité à tort le premier alinéa de l’article 38 de la loi du 16 août 1947, relatif au dossier judiciaire, et non le troisième alinéa du même article, relatif au dossier administratif, applicable en l’espèce, il y a lieu de substituer ce dernier texte, qui justifie légalement le dispositif du jugement attaqué.

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du jugement qu’ils attaquent. Leur pourvoi doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B… et M. C… est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme D… B…, M. A… C…, et à la ministre des armées.

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