Conseil d'État, 6ème chambre, 25 mars 2019, 411966, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 6e ch., 25 mars 2019, n° 411966
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 411966
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 27 mars 2017, N° 15PA03451
Dispositif : Renvoi après cassation
Identifiant Légifrance : CETATEXT000038269964
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2019:411966.20190325

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. M… C…, Mme N…, M. G… J…, Mme D… J…, Mme H… C…, M. P… J…, M. K… C…, M. O…, M. L… C…, M. F… C…, Mme A… C…, M. E… C…, M. B… C… et M. I… C… ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la commune de Taputapuatea, d’une part, à leur verser une somme de 37 940 000 F CFP en réparation du préjudice subi du fait de la réalisation sur la terre Tefatua-Rahi, sans leur autorisation, d’une tranchée drainante pour l’adduction d’eau potable et, d’autre part, à prendre en charge les frais d’expertise. Par un jugement n° 1400665 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15PA03451 du 28 mars 2017, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par M. M… C… et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juin et 28 septembre 2017 et 25 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. M… C… et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) à titre principal, de renvoyer l’affaire devant la cour administrative d’appel de Paris, et, à titre subsidiaire, réglant l’affaire au fond, d’annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 26 mai 2015, de condamner la commune de Taputapuatea à leur verser la somme de 32 250 000 F CFP en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à leur propriété et de mettre à la charge de cette dernière les frais et honoraires d’expertise d’un montant de 316 400 F CFP ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Taputapuatea la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

- la loi du 24 mai 1872 ;

- le décret du 26 octobre 1849 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C… et autres, et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Taputapuatea.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C… et autres, qui se prévalent de la qualité de copropriétaires indivis de la terre Tefatua-Rahi sur l’île de Raiatea, en Polynésie française, ont demandé à la juridiction administrative de condamner la commune de Taputapuatea à les indemniser du préjudice résultant de la réalisation sur cette terre, sans leur autorisation, d’une tranchée drainante pour l’adduction d’eau potable par gravitation et de l’instauration d’un périmètre de protection en amont, en aval et de part et d’autre de cet ouvrage. Par un jugement du 26 mai 2015 puis par un arrêt du 28 mars 2017 contre lequel M. C… et autres se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de la Polynésie française et la cour administrative d’appel de Paris ont successivement rejeté leur demande.

2. Dans le cas d’une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d’une telle décision, l’est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l’extinction du droit de propriété. Si la décision d’édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n’a, toutefois, pas pour effet l’extinction du droit de propriété sur cette parcelle.

3. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué qu’après avoir admis la compétence du juge administratif pour statuer sur la demande indemnitaire des requérants et après avoir estimé que l’atteinte à la propriété privée qui constitue le fondement de cette demande résulte de l’installation d’un ouvrage public, susceptible de porter atteinte au libre exercice du droit de propriété sans dépossession définitive des propriétaires de la terre, la cour a relevé que le rapport d’expertise déposé le 2 avril 2014 recommandait l’acquisition par la commune du terrain litigieux, pour un prix évalué à 32 250 000 francs CFP, soit par accord amiable avec les propriétaires, soit par procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, et que l’additif à ce rapport estimait à 5 690 000 F CFP le coût de la remise du terrain dans son état initial, ce dernier ne pouvant résulter que de la destruction de l’ouvrage public à laquelle les propriétaires du terrain d’assiette de l’ouvrage ne peuvent procéder dès lors que seul le juge a le pouvoir de la prescrire. En déduisant de ces éléments que les conclusions à fin d’indemnisation ne correspondent pas à un préjudice réel et actuel, alors qu’elles tendent à l’indemnisation des conséquences dommageables de l’emprise irrégulière de l’ouvrage public en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

4. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Taputapuatea la somme de 3 000 euros à verser à M. C… et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de M. C… et autres qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’arrêt n° 15PA03451 de la cour administrative d’appel de Paris du 28 mars 2017 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.

Article 3 : La commune de Taputapuatea versera à M. C… et autres la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Taputapuatea présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. M… C…, premier dénommé pour l’ensemble des requérants, et à la commune de Taputapuatea.

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