Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 22 décembre 2020, 440402, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 18 janvier 2021

Décembre 2020 Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Acte réglementaire d'un ordre professionnel – Conditions de reconnaissance de diplômes, titres ou fonctions - Publication dans un mensuel d'informations professionnelles sur le site internet de l'ordre – Publicité insuffisante à permettre son entrée en vigueur – Absence d'opposabilité de l'acte – Annulation. Un chirurgien-dentiste qui sollicitait la reconnaissance d'un diplôme se l'est vu refuser par le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, lequel s'est fondé pour cela sur sa …

 

Conclusions du rapporteur public · 22 décembre 2020

N° 439810 M. P... N° 440402 M. B... 10ème et 9ème chambres réunies Séance du 14 septembre 2020 Lecture du 22 décembre 2020 CONCLUSIONS M. Laurent Domingo, rapporteur public M. P... vous demande d'annuler l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 15 mars 2020 en tant qu'il a ajouté à l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid 19 un III à l'article 1er, selon lequel, si les établissements de culte sont autorisés à rester ouverts, tout rassemblement ou réunion de plus de 20 personnes en leur sein est interdit …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 10e et 9e ch. réunies, 22 déc. 2020, n° 440402
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 440402
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042729516
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2020:440402.20201222

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 4 mai et 25 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 7 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code de la santé publique ;

 – la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

 – le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020;

 – le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

— les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de M. A… ;

Considérant ce qui suit :

1. L’émergence d’un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux, a été qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures de lutte contre la propagation du virus covid-19, sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d’établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l’accueil des enfants et étudiants dans les établissements les recevant a été suspendu, tandis que par un arrêté du 15 mars le complétant, les établissements de culte ont été maintenus ouverts mais les rassemblements de plus de 20 personnes ont été interdits en leur sein. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être arrêtées par le représentant de l’Etat dans le département. Le ministre des solidarités et de la santé a pris des mesures complémentaires par plusieurs arrêtés successifs. Le législateur, par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. Par le décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, le Premier ministre a réitéré les mesures précédemment édictées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Il ressort des dispositions de l’article 8 de ce dernier décret qu’au titre de ces mesures, les établissements cultuels sont autorisés à rester ouverts mais que tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes. En outre, les déplacements en vue de pratiquer un culte ne figurent pas au titre des exceptions limitativement énumérées à l’interdiction de déplacement définie par ce décret. M. A… demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 23 mars en tant qu’il interdit les rassemblements et réunions au sein des établissements cultuels à l’exception des cérémonies funéraires.

2. La liberté de culte présente le caractère d’une liberté fondamentale. Son exercice ne se limite pas au droit de tout individu d’exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l’ordre public. Elle comporte également, parmi ses composantes essentielles, le droit de participer collectivement, sous la même réserve, à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte. La liberté du culte doit, cependant, être conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

3. Il ressort des pièces du dossier que l’interdiction de tout rassemblement ou réunion au sein des établissements cultuels à l’exception des cérémonies funéraires, édictée par le décret du 23 mars 2020, a été motivée par la volonté de limiter la propagation du virus dans un contexte de saturation des structures hospitalières.

4. En premier lieu, dès lors que le coronavirus, qui provoque la maladie dite covid-19, se transmet par voie respiratoire, le risque de contamination est plus élevé dans un espace clos que dans un espace ouvert et si les personnes ont des contacts proches et prolongés et émettent davantage de gouttelettes. S’il est possible d’être également contaminé par le biais des surfaces sur lesquelles le virus s’est déposé, les rassemblements et réunions sont la principale cause de propagation du virus. Par suite, les cérémonies de culte exposent les participants à un risque de contamination, lequel est d’autant plus élevé qu’elles ont lieu dans un espace clos, de taille restreinte, pendant une durée importante, avec un grand nombre de personnes, qu’elles s’accompagnent de prières récitées à haute voix ou de chants, de gestes rituels impliquant des contacts, de déplacements, ou encore d’échanges entre les participants, y compris en marge des cérémonies elles-mêmes.

5. Eu égard, d’une part, au caractère clos des établissements cultuels, aux modalités de l’exercice du culte décrites au point précédent, aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles a été adopté le décret attaqué, caractérisées par une augmentation rapide de la circulation du virus, une possible saturation, à brève échéance, des structures hospitalières à l’échelle nationale, qui a conduit au transfert de patients entre régions et vers des pays voisins ainsi qu’à la déprogrammation d’hospitalisations non urgentes, des difficultés dans le traitement des chaines de contamination et pour le respect des gestes barrières en raison de l’insuffisance du nombre de tests, qui ne permettait pas d’identifier les personnes asymptomatiques, et de la pénurie de masques chirurgicaux et FFP2 et, d’autre part, au caractère circonscrit dans le temps de la mesure, l’interdiction de réunion ou de rassemblement au sein des établissements cultuels telle que définie par le décret attaqué ne présentait pas, à la date à laquelle elle a été édictée et au regard de l’objectif de protection de la santé publique poursuivi, un caractère disproportionné.

6. En second lieu, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Si les établissements recevant du public relevant des 48 secteurs d’activité énumérés en annexe du décret du 23 mars 2020 sont dans une situation comparable aux lieux de culte au regard de l’objectif de protection de la santé publique poursuivi par les mesures imposant la fermeture des établissements recevant du public, ils ne sont pas dans une situation analogue à ces derniers au regard de la nécessité de garantir la continuité de la vie de la Nation, notamment de permettre l’approvisionnement en produits de première nécessité et la fourniture de services essentiels à la population. Eu égard aux circonstances exceptionnelles justifiant les mesures de confinement rappelées ci-dessus et à la nécessité de permettre l’accès des personnes concernées par les règles de confinement aux produits de base, notamment aux denrées alimentaires, M. A… n’est pas fondé à soutenir que la dérogation à l’interdiction de recevoir du public accordée aux établissements relevant des 48 secteurs d’activité énumérés en annexe du décret du 23 mars, alors qu’aucune dérogation n’est prévue pour les lieux de culte, caractériserait une atteinte au principe d’égalité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à demander l’annulation du décret du 23 mars 2020 qu’il attaque.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B… A… et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.

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